TÉMOIGNAGES D’UN RENOUVEAU DE L’ÉGLISE POUR LE TEMPS QUI VIENT
Conférence de presse d’IMWAC à Rome le 9 octobre 2012
En ce jour anniversaire, 50 ans après, de l’ouverture du Concile Vatican II, trois représentants du Mouvement international « Nous sommes Eglise » (IMWAC : International Movement We Are Church), Chritian Weisner, Vittorio Bellavite et Martha Heizer ont donné à Rome une conférence de presse, au cours de laquelle ils ont fait la déclaration ci-après.
Des éléments en ont été repris dans un article du National Catholic Reporter et Christian Weisner est intervenu dans un reportage suivi par l’ancien et l’actuel président de la Conférence épiscopale allemande qui s’exprimaient aussi en faveur d’une réforme de l’Eglise.
Déclaration d’IMWAC à la conférence de presse de Rome du 9 octobre 2012
À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, le Mouvement international We Are Church (IMWAC) et le Réseau Européen Eglises et Libertés (EN/RE) témoignent et espèrent une Église toujours plus libre et plus humaine, fondée sur des communautés de Chrétiens baptisés profondément responsables du Ministère de l’Église et de la Justice dans le monde.
1. Le Concile Vatican II a approuvé une profonde rénovation de l’Église catholique, à la fois dans ses structures et dans sa relation au monde. La transformation de la liturgie fut l’un des fruits principaux et les plus visibles du Concile, particulièrement grâce à l’usage des langues vernaculaires dans des célébrations fondées sur la communauté locale. Les constitutions Lumen Gentium et Gaudium et Spes définissent l’Église comme le Peuple de Dieu et s’expriment sur la valeur du monde sécularisé et sur la manière dont nous pourrions le servir.
2. L’encyclique Pacem in Terris, écrite par Jean XXIII tandis que le Concile était réuni et que lui-même était mourant, doit être vue comme un élément de l’ensemble de l’expérience conciliaire. D’autres questions très importants furent abordées avec de nouvelles perspectives : l’œcuménisme, le dialogue interreligieux, la liberté de foi et de conscience. Ces documents ont précisément nourri le mouvement progressiste qui existe dans l’Église aujourd’hui et ont proposé un dialogue avec le Magistère sur toutes les questions qui constituent la vie catholique.
3. Pendant les cinquante dernières années, une tension s’est fait jour sur la juste interprétation du Concile et son application aux problèmes du moment. Cette tension existait déjà dans les documents conciliaires eux-mêmes. Pour certains, le Concile appelait à un changement significatif ; pour d’autres, la continuité était primordiale.
4. En réalité, changement et continuité ne s’excluent pas réciproquement. Pendant le Concile, un Pacte des Catacombes fut signé par quarante évêques sous la conduite de Dom Helder Camara et du cardinal Lercaro dans la catacombe Santa Domitilla à Rome appelant à une Église centrée sur le service et les pauvres. Ces idées furent ultérieurement développées, surtout en Amérique du Sud, en tant qu’option pour les pauvres.
5. Alors que l’Église officielle se faisait plus rétive à l’esprit de Vatican II, de nombreux catholiques réussirent à travailler au sein de l’Église au changement qu’ils estimaient voulu par Vatican II : Église collégiale et démocratique ; pluralisme et dialogue au sein de l’Église ; égalité hommes/femmes et accueil d’orientations sexuelles diverses ; ordination de femmes et de personnes mariées pour le service du Peuple de Dieu et non pas pour renforcer un nouveau cléricalisme ; séparation entre l’État et la religion permettant une juste autonomie réciproque, et, en même temps, un engagement déterminé des croyants pour la justice et pour la paix. Ce mouvement progressiste puisait ces changements dans le Concile lui-même, en réalité dans l’Évangile et dans le meilleur de la tradition ecclésiale, et dans ce dont le Peuple de Dieu avait besoin pour la pastorale.
6. Plusieurs initiatives pastorales suivirent : communautés de base ; célébration eucharistique en l’absence de prêtre ; décision de conscience sur le contrôle des naissances et la morale sexuelle ; soutien mais aussi critique du Vatican et de l’épiscopat ; exigence de justice pour les victimes d’abus sexuels, et de sanctions pour les coupables et leurs protecteurs.
7. Dans le monde laïque au sens large, et dans l’Église de Vatican II, nous avons la liberté de parole. Des groupes de prêtres et de laïcs ont ainsi réussi à témoigner de ce que veut dire être catholique dans le monde d’aujourd’hui. La liberté de parole vient de la conviction que si tous sont entendus, il y a plus de chance que l’on prête attention à la voix de l’Esprit et que soit entendu l’écho de l’Évangile. Faire taire de façon péremptoire et, semble-t-il, arbitraire les théologiens, les religieuses, et les responsables au sens large revient à étouffer le souffle de la vie dans l’Église elle-même.
8. Ainsi, lorsque la Pfarrer Initiative est proclamée en Autriche, ou que la Théologie de la Libération se répand en Amérique du Sud, ou que les religieuses décident de ne pas avoir une parole déduite de la doctrine, mais induite à partir de leur expérience, ou qu’un Concile Catholique Américain met au point un Code de Droits et de Responsabilités, ou que des Asiatiques et des Africains expriment le besoin de définir Dieu et le Christ autrement, la première réaction devrait être d’écouter et la seconde de dialoguer. Seuls des catholiques intéressés et engagés seront capables de telles initiatives. La réponse obtenue devrait être la gratitude plutôt que le rejet, l’éclaircissement plutôt que la censure, le discernement dans tous les cas, et non la surdité.
9. Le Mouvement International Nous Sommes Église (IMWAC – groupes nationaux progressistes à travers le monde), et le Réseau Européen Églises et Libertés dénoncent la persécution dont sont frappés nos amis quand ils posent avec respect des questions que partagent des millions d’autres catholiques. Nous sommes en revanche heureux de voir s’éveiller un printemps, se lever une aube au sein de l’Église, et nous sommes dans l’attente de la vie et de la lumière qu’ils apportent avec eux. Lorsque nous osons le dissentiment et la « désobéissance civile », ce n’est pas par orgueil, mais parce que nous sommes profondément inquiets.
10. En 2012, clercs et laïcs sont toujours définis en termes de préséance hiérarchique plutôt que comme partenaires, membres et confrères et consœurs. Il n’y a nulle justification de cela dans l’Évangile. En vérité, saint Paul nous rappelle qu’il ne saurait y avoir de Corps du Christ s’il n’y a de membres différents, tous nécessaires.
11. L’Église institutionnelle a mis en place une structure non démocratique, reflet de l’Empire Romain plutôt que du Royaume de Dieu. Il est triste de constater que le monde dans son ensemble a vu plus clairement la nécessité de la démocratie et de l’égalité que l’Église issue du message de Jésus. Dans le monde laïque, les décisions non démocratiques n’ont pas de crédibilité, et sont en réalité beaucoup plus instables. La démocratie n’est pas contre la nature de l’Église, puisque l’Esprit a été donné à chacun et que la démocratie signifie moins la dictature d’une majorité que le dialogue respectueux.
12. Dans toutes les démocraties il y a divers niveaux de responsabilité, et le respect des droits humains et de toutes les minorités est l’ADN d’une vraie démocratie.
13. C’est très différent de l’absolutisme monarchique. Dans une Église vraiment collégiale, la conscience n’est pas moins sacrée que le Magistère. La monarchie est autant en contradiction avec la tradition évangélique de l’Église qu’avec les nécessités pastorales contemporaines. IL fut un temps où Jean XXIII nous rappelait que nous n’avions rien à craindre du monde sécularisé et que nous n’avions aucun droit de devenir prophètes de malheur. La monarchie n’a aucun droit intrinsèque de principe dans l’Église, alors que la collégialité y a une autorité biblique, conciliaire et pastorale. IMWAC et le Réseau Européen soutiennent qu’il faut que l’Église soit pluraliste et inclusive, aussi bien dans ses structures et ses politiques internes que dans sa relation au monde.
14. Nous nous adressons à nos frères évêques présents au Synode à Rome (7-28 octobre) pour qu’ils réfléchissent au dialogue avec des catholiques qui aspirent à être partie prenante de l’Église même lorsqu’il y a divergence sur certaines questions. Cela est en accord non seulement avec Vatican II et le Droit Canon, mais avec l’Esprit et l’évangile. IMWAC et le Réseau Européen se retrouveront à Rome en décembre 2015 pour célébrer le cinquantième anniversaire de la clôture Vatican II et pour témoigner de la vie qu’il a donnée à l’Église et de la lumière qu’il offre pour nous guider dans l’avenir. Notre volonté n’est pas la division ou la dissension, mais la paix pour l’Église dans son ensemble. « Voyez comme ces Chrétiens s’aiment » était considéré à une époque comme le meilleur signe que nous étions une communauté du Christ. Si nous perdons cela, tous les autres signes que nous donnons sont de fausses pistes. Sans amour nous périssons, nous perdons Jésus et nous nous éloignons de Dieu. Aucun d’entre nous dans l’Église ne veut que cela arrive.
Traduction : Didier Vanhoutte