OCL : ENSEIGNER LA MORALE LAÏQUE A L’ÉCOLE ?
L’Observatoire Chrétien de la Laïcité (OCL) a envoyé en octobre 2012, au ministre de l’éducation nationale Vincent Peillon, la contribution suivante au sujet de la morale laïque à l’école.
1- Il n’y a pas à proprement parler de morale laïque. La laïcité consiste précisément à respecter la diversité des consciences, des croyances et des convictions et non à imposer un système de valeurs unique et imposé par le Pouvoir politique. Elle se réalise par l’ensemble des dispositions juridiques qui ont pour fonction la séparation de l’Etat démocratique et des institutions de conviction (notamment religieuse), la liberté de conscience et d’expression individuelle et collective, l’exercice libre des cultes dans le respect de l’ordre public. Ne reconnaissant officiellement aucun culte l’Etat n’en subventionne aucun. Tels en sont les principes de base.
2- En tant qu’il est responsable de l’Éducation Nationale, l’État est amené à se préoccuper de l’éducation du citoyen. De ce point de vue, la famille sans être ignorée de l’institution scolaire est seconde. L’école est un des lieux où l’enfant poursuit pour ainsi dire la rupture du lien ombilical, apprend à vivre sa liberté dans un cadre social plus vaste que sa famille et trouve les instruments de sa pensée personnelle et de ses choix de vie. Elle doit permettre l’accouchement d’une conscience citoyenne.
a- L’éducation nationale comporte des données d’ordre disciplinaire (scientifiques, linguistiques, artistiques, sportives… etc.) pour lesquelles l’État définit des programmes, des cursus… etc. Les établissements publics et privés (y compris hors contrat) sont soumis au respect de ces programmes.
b- L’éducation du citoyen inclut également l’apprentissage de principes et de règles dont la finalité consiste à favoriser le vivre ensemble humainement des élèves entre eux mais aussi établit la pratique des rapports entre élèves et enseignants et réciproquement, dans le cadre d’une société interculturelle et interconvictionnelle. Cet enseignement à la citoyenneté, ou éveil de la conscience, ne doit pas être qualifié de laïque mais de républicain ou de citoyen.
L’OCL propose que cet enseignement à la citoyenneté et cet apprentissage ne soient pas dispensés de façon théorique et abstraite, (maxime à apprendre par cœur, leçon-sermon de « morale »…) et ne se réduisent pas à une éducation civique – utile par ailleurs – concernant la connaissance des « institutions » et de leur fonctionnement mais se fasse à partir des faits de vie et principalement des rapports humains vécus dans l’école, (la cour, la salle de classe, la cantine, le gymnase… etc.) ou rapportés par les élèves à partir de leur expérience concrète de vie en famille ou dans la rue… etc. Ces expériences vécues concernent tantôt des actes destructeurs d’humanité dans les échanges physiques, verbaux, les comportements, les attitudes, tantôt des actes créateurs de liens humains positifs et épanouissants. Cet enseignement implique aussi l’apprentissage de la démocratie dans le cadre même de l’institution scolaire. Ces expériences sont la matière de l’échange éducatif. Bien entendu les enseignants doivent être formés et aidés, notamment sur le plan méthodologique, pour exercer et jouer ce rôle éducatif que beaucoup d’entre eux pratiquent dès à présent à l’occasion des problèmes humains qu’ils rencontrent dans leur vie professionnelle.
3- Pour que cette éducation puisse se justifier de façon universelle il lui faut sur le plan national un référent universel. Celui-ci dans l’état actuel des choses nous semble être – pragmatiquement et historiquement – la déclaration universelle des droits de l’homme [1], déclaration dont on connaît l’origine humaine historique, à l’ONU, en 1948, et le caractère nécessairement évolutif en fonction de développement même des civilisations démocratiques.
Cette démarche éducative est donc difficile et complexe dans la pratique. Mais elle est absolument indispensable. Elle engage un effort tant de la part des enfants que des enseignants car elle va souvent aller à l’encontre des modèles sociaux dominants. Sont à dénoncer alors les idéologies égocentriques, les pratiques inhumaines du système économique, le rôle localement puissant des mafias, la pression en d’autres lieux des religions intégristes… etc. qui s’opposent fortement à cette éducation du respect des droits de l’homme. Elle doit faire prendre conscience par exemple que tout droit implique des devoirs et que par exemple le respect qui m’est dû, je le dois également aux autres.
4- L’école (les enseignants et les personnels d’éducation en général) n’ont pas de réponse dogmatique à apporter aux questions des enfants concernant les fondements religieux ou philosophiques du sens de la vie. Mais elle doit aider les enfants à les connaître dans leur diversité socio-historique et actuelle pour éviter d’enfermer leur liberté dans un seul paradigme et les aider à vivre collectivement cette diversité dans le respect de l’humanité, l’égalité et l’éducation de la liberté de choix de chacune et chacun. Cette éducation vise à créer les conditions qui permettent effectivement de vivre ensemble en êtres humains égaux et divers sans former de clans, de groupes identitaires… et finalement de façon non violente.
C’est pourquoi cette morale s’impose également et avec les mêmes exigences humanistes dans tous les établissements scolaires publics ou privés.
Des établissements confessionnels (catholiques, mais désormais aussi de plus en plus musulmans…etc.) ne sauraient se dispenser de cette démarche républicaine, citoyenne et humaniste sous prétexte d’un caractère propre qui impliquerait des approches morales religieuses exclusives et particulières suscitant ainsi les germes du communautarisme identitaire.
Jean Riedinger,
secrétaire de l’Observatoire Chrétien de la Laïcité
[1] La Déclaration universelle des droits de l’Homme
Adoptée le 10 décembre 1948 à Paris par l’Assemblée Générale des Nations Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, bien qu’elle ne présente pas a priori de caractère contraignant, est considérée comme une référence internationale fondamentale dans le domaine des droits de l’Homme. Sa force normative tient notamment au fait qu’en 1966 l’Assemblée Générale a adopté deux traités qui en reprennent le contenu : le Pacte des droits civils et politiques et le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels. Ces Pactes, assortis de mécanismes de contrôle de leur respect, ont été très largement ratifiés par les Etats membres des Nations Unies : respectivement 154 et 151 ratifications, la France y ayant procédé en 1980. La Conférence internationale des droits de l’Homme tenue à Téhéran a proclamé, le 13 mai 1968, « la Déclaration universelle exprime la conception commune qu’ont les peuples du monde entier des droits inaliénables et inviolables inhérents à tous les membres de la famille humaine et constitue une obligation pour les membres de la communauté internationale. » D’autre part, certains pays, comme la France, lui ont reconnu une valeur de référence pour les juridictions suprêmes
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