Mariage pour tous, une position…
Déclaration de la Fédération “Les Réseaux du Parvis“, suite à l’homélie du cardinal Vingt-Trois à la messe des parlementaires (le 30 octobre 2012) :
Une fois de plus, le cardinal archevêque de Paris veut peser sur le débat concernant le mariage pour tous.
Quelques remarques au sujet de cette homélie :
– Il est tout d’abord scandaleux que, dans cette homélie, la défense du mariage traditionnel soit le seul et unique sujet abordé. Où sont les questions qui devraient être au cœur des préoccupations de ceux qui se réclament de Jésus et de son message ? Où sont ceux qui ont faim, ceux qui ont soif, les prisonniers, les étrangers ? Où sont la justice et la paix dont les chrétiens devraient être assoiffés ? Bref, où est le message évangélique dans tout ça ? Nulle part, et pour cause… Il n’y a aucun texte d’Evangile pour appuyer une telle argumentation. Jésus a passé son temps à guérir, à donner à manger, à encourager au partage, et nous a rappelé que nous serons jugés sur notre charité, et non sur notre vie conjugale.
– Nous rappelons que Mgr Vingt-Trois peut s’exprimer en son nom propre et au nom de la conférence des évêques de France, mais pas au nom de tous les catholiques. Ceux-ci n’ont jamais été consultés par l’épiscopat et ont, sur la question du mariage comme sur bien d’autres, des opinions beaucoup plus variées, nuancées et ouvertes que celle de la hiérarchie. Depuis longtemps dans l’Eglise catholique, sur toutes les questions liées au mariage et à la famille, la parole de celles et ceux qui sont vraiment concernés est occultée et confisquée. Il en est toujours ainsi aujourd’hui.
– Mgr Vingt-Trois constate que la réforme envisagée du mariage engage « profondément l’avenir de la société ». Regardons les pays qui ont déjà adopté le mariage pour tous, parmi lesquels la très catholique Espagne. Qu’est-ce qui est en train de détruire la société espagnole, de quoi souffre-t-elle ? Des ravages d’une économie otage de la finance, bien plus que de la réforme du mariage ! Ce qui détruit les familles, ce qui fait souffrir les enfants et leurs parents, c’est le chômage, la précarité, la misère et c’est là le combat où devrait s’engager l’avenir de la société.
– Nous ne nions pas pour autant la complexité des questions qui se posent autour du mariage et de la parentalité, notamment lorsqu’elles concernent les enfants. Le travail du législateur sera difficile. Raison de plus pour ne pas s’enfermer dans des certitudes inébranlables et considérer que ceux qui pensent autrement sont assujettis à des lobbies ou au conformisme de la pensée « prête à porter », voire aveuglés par la passion. Rejetant ainsi les arguments qu’il ne veut pas entendre, Mgr Vingt-Trois montre la fragilité de sa propre argumentation. Voir à ce sujet le texte d’Olivier Roy
– « Pour être honnêtes, nous pourrions dire qu’aujourd’hui encore les hommes ont plus à se convertir que les femmes. » Cet aveu est remarquable venant de quelqu’un qui parle au nom d’une institution entièrement gouvernée par des hommes célibataires. Se convertir c’est d’abord se tourner vers…, et la première conversion des hommes d’Eglise devrait sans doute être de se tourner vers les femmes et les hommes de leur communauté, de partager avec eux leurs préoccupations et de les écouter. Il ne manque pourtant pas de groupes, comme David et Jonathan par exemple, avec lesquels cheminer sur les questions qui font débat. Les religieuses américaines (des femmes justement !), mises sous tutelle par le Vatican, vivent depuis des années cette conversion : c’est au nom de leur longue expérience de la solidarité qu’elles proposent des analyses pastorales et théologiques nouvelles, évidemment récusées par « l’Eglise ».
– Quant à nous, nous continuerons à prendre en compte les personnes plutôt que les dogmes, l’écoute plutôt que l’affirmation, l’empathie plutôt que le jugement. Si ce chemin est moins confortable, nous savons que nous le ferons au plus près des hommes et des femmes d’aujourd’hui, toutes et tous appelés à la vie et à l’amour.
source :
Église de France – Famille – 27 septembre 2012
Vouloir le débat et y contribuer !
Depuis plusieurs semaines, l’Église catholique ne se contente pas de déplorer l’absence d’un débat véritable sur les réformes sociétales. Elle y apporte toute sa contribution, son énergie et son cœur. On trouvera ci-après une note de travail rédigée par le Conseil « Famille et Société » de la Conférence des évêques de France.
Ce document est riche à plusieurs titres : il est la convergence de compétences pluridisciplinaires. Il ne se résume pas à des slogans incantatoires. Il propose une véritable analyse. Il est aussi une pressante interpellation éthique.
Tandis que l’on célèbre les cinquante ans du concile Vatican II, l’Église est dans sa mission de participation constructive aux questions vitales de société.
Mgr Bernard Podvin. Porte-parole des évêques de France
Vous trouverez donc ci-joint ce texte (TXT), entrecoupé de commentaires provenant d’un homosexuel (SIM), et j’y ai ajouté par endroits, mon grain de sel (CAB).
Bonne lecture !
Mariage homosexuel ?
SIM Bien, je vais faire mon glossateur (référence aux juristes du Moyen-Âge qui redécouvraient le droit romain et inscrivaient des commentaires à la marge des documents).
TXT Ouvrir un vrai débat
La société se trouve devant une situation nouvelle, inédite. L’homosexualité a toujours existé, mais jusqu’à récemment, il n’y avait jamais eu de revendication de la part des personnes homosexuelles de pouvoir donner un cadre juridique à une relation destinée à s’inscrire dans le temps, ni de se voir investies d’une autorité parentale. Il appartient au pouvoir politique d’entendre cette demande et d’y apporter la réponse la plus adéquate. Mais cette réponse relève d’un choix politique. L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe n’est imposée ni par le droit européen ni par une quelconque convention internationale. Elle est une option politique parmi d’autres et un vrai débat démocratique est nécessaire pour faire émerger la meilleure réponse dans l’intérêt de tous.
Les différentes positions
Les prises de positions pour ou contre le mariage de personnes de même sexe ne manquent pas, mais les discours, parfois idéologiques, se croisent. Trois positions s’affirment aujourd’hui.
Le discours présenté comme dominant défend l’ouverture du mariage et de l’adoption des enfants aux partenaires de même sexe en vertu du principe de non-discrimination. Il se situe dans la logique de la défense des droits individuels. Le mariage, dans ce cas, n’aurait pas une nature propre ou une finalité en soi ; il ne serait chargé que du sens que l’individu, dans son autonomie, voudrait bien lui conférer. Ce discours se réclame d’une modernité politique avec sa propre compréhension des valeurs de liberté et d’égalité.
Un second discours, beaucoup plus radical et militant, souhaite supprimer le mariage traditionnel pour le remplacer par un contrat universel ouvert à deux ou plusieurs personnes, de même sexe ou de sexe différent. Pour les tenants de ce discours, il n’y aurait plus de sexes et la différence entre homme et femme ne serait que le fruit d’une culture hétérosexuelle dominante dont il conviendrait de débarrasser la société.
CAB Personnellement, je n’ai jamais entendu quelqu’un défendre ce point de vue.
TXT Enfin, le troisième discours soutient que le mariage est ordonné à la fondation d’une famille et qu’il ne peut donc concerner que les couples hétérosexuels, seuls en mesure de procréer naturellement. Dans ce cas, le mariage a une nature propre et une finalité en soi, que la loi civile encadre ; le sens du mariage dépasse alors le bon vouloir des individus. Ce discours, qui a pour lui l’expérience millénaire, pose une limite à la liberté individuelle, qui est perçue aujourd’hui comme inacceptable et rétrograde aux yeux de certains.
SIM Ce déroulé de discours oublie celui d’une adhésion au troisième discours. Des couples homosexuels désirent entrer dans cette optique de la relation. D’ailleurs, l’opinion des homosexuels est partagée à ce sujet. Ceux qui se reconnaissent dans le premier discours sont mitigés voir hostiles au mariage pour tous, car aucun intérêt de se contraindre dans des liens dans une perspective individualiste.
Les homosexuels désirant se marier ont une profonde adhésion au troisième discours et revendiquent le droit de pouvoir le vivre. Ceci implique une conscience responsable de l’altérité dans la procréation mais dénie le monopole de capacité à élever des enfants des couples hétérosexuels.
TXTLes conditions du débat
Entre ces trois discours, il n’y a dans la société française, actuellement, pas de débat politique argumenté. Pour que ce débat puisse s’instaurer, il importe tout d’abord de reconnaître le conflit qui existe entre la signification du mariage hétérosexuel et l’expérience homosexuelle contemporaine. Sans prise de conscience des enjeux de ces divisions et de ces différences, un véritable travail politique est impossible1. Il s’agit aussi de respecter tous les acteurs de ce débat et de permettre à chacun de réfléchir plus profondément et d’exprimer librement ses convictions. Si toute réticence ou interrogation devant cette réforme du droit de la famille est qualifiée a priori d’ « homophobe », il ne peut y avoir de débat au fond. Il en va de même lorsque la requête des personnes homosexuelles est disqualifiée a priori. Le respect de tous les acteurs du débat implique une écoute commune, une aptitude à comprendre les arguments exposés et une recherche de langage partagé.
CAB Je ferai la remarque que le débat ici inauguré a été organisé sans la participation connue des homosexuels, dont les points de vue cités ne sont apparemment que des paroles rapportées dont on ne connait pas l’origine.
SIM Je suis d’accord avec ce paragraphe. Il y a ici des questions sociétales plus larges que la société n’est pas prête à engager.
1 Selon Paul Ricœur, « est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage », Dictionnaire de la Langue française, « Démocratie ».
TXT Cette recherche d’un langage partagé suppose, de la part des catholiques, de traduire les arguments tirés de la Révélation dans un langage accessible à toute intelligence ouverte. De même, dans ce débat qui concerne le sens du mariage civil, il n’y a pas lieu de discuter du mariage religieux (sic !) ni, dans un premier temps, des liens entre mariage civil et religieux (re-sic !). Il ne s’agit pas pour les catholiques d’imposer un point de vue religieux mais d’apporter leur contribution à ce débat en tant que citoyens en se basant sur des arguments anthropologiques et juridiques. Pour cela, il convient d’avoir bien en tête les raisons pour lesquelles l’Eglise est attachée au mariage comme union entre un homme et une femme.
SIM Comme je l’argumenterai, l’absence de l’ombre de la conception du mariage religieux est un attrape-nigaud. Cela ne me dérange pas que des évêques aient un point de vue inspiré des évangiles* mais encore une fois ils considèrent de facto leur prisme dogmatique comme la Vérité sous couvert de pseudo expertise juridique et anthropologique.
CAB *Le point de vue des Évêques n’est pas inspiré des évangiles, mais par une vielle tradition basée sur un seul extrait de l’Ancien Testament : Lévitique 18, 22 « Tu ne coucheras pas avec un homme comme tu couches avec une femme ; ce serait une abomination. »
SIM L’idée d’un citoyen neutre est absurde, tout citoyen a une opinion issue d’inspirations diverses dont il ne doit pas avoir honte et avoir l’honnêteté intellectuelle de les revendiquer. Par la posture déclarée, il est possible de débattre réellement. C’est bien de citer Paul Ricœur sauf si c’est pour faire décoration.
J’aurais préféré qu’ils assument dès le départ leur source d’inspiration en précisant, comme ils l’écrivent, qu’ils étaient ouverts à tous. Je précise par exemple que les mouvements humanistes et de libération de l’Homme se sont largement inspirés de la morale chrétienne. Une occasion de manquée de réhabiliter le message des évangiles dans son formidable contenu. Dommage…
Je nuance donc en exprimant mieux ce que les évêques ont vraisemblablement voulu dire. Il n’est pas question ici de parler doctrine mais de parler de morale, au sens noble du terme, et vision de la société.
TXT Comprendre la position de l’Eglise catholique
Un amour qui donne la vie
Les chrétiens croient en un Dieu qui est Amour et qui donne la vie. Cette vie est marquée par l’altérité sexuelle : « Homme et femme, il les créa » (Genèse 1,27) (SIM et on ne parle pas du mariage religieux, ni de son lien avec le mariage civil !), TXT qui est un des bienfaits de la Création (Gn 1,31) et qui préside à la transmission de la vie. Dans l’expérience humaine, seule la relation d’amour entre un homme et une femme peut donner naissance à une nouvelle vie. Cette relation d’amour participe ainsi à la Création de Dieu. L’homme et la femme deviennent en quelque sorte co-créateurs. Pour cette raison, cette relation garde un caractère unique et l’Eglise catholique lui reconnaît un statut particulier. C’est une relation d’amour vécue dans la liberté qui s’exprime dans le don de soi réciproque et dont le Christ a pleinement révélé la beauté. Par respect pour cet amour et pour aider les couples, l’Eglise invite, au nom du Christ, l’homme et la femme à s’engager librement dans un mariage indissoluble, vécu dans la fidélité et l’ouverture à la vie. Le mariage religieux est, pour les catholiques, un sacrement dans lequel Dieu lui-même s’engage aux côtés des époux et de leur alliance. Ainsi, ce cadre ne constitue pas tant une contrainte qu’un soutien pour pouvoir vivre cet amour. Il constitue aussi le moyen le plus simple et le plus efficace pour élever des enfants.
SIM Ce paragraphe est très bien, rien à redire sauf la dernière phrase. Presque un sans faute…
En effet, « (ce cadre) constitue aussi le moyen le plus simple et le plus efficace pour élever des enfants » est une vision purement occidentale. Il existe d’autres formes de cadre épanouissant pour élever des enfants, mais c’est vrai que c’est le cas dans des pays en développement, donc primitifs ( ?) je suppose.
On parlait d’anthropologie ? Cette dernière est une science et veille à éviter tout ethnocentrisme. Mais l’Eglise Catholique a du mal avec le monde multiculturel d’aujourd’hui.
A sa décharge, les sociétés occidentales ont du mal aussi à trouver une identité collective, à dégager une référence commune fédératrice. Il y a là une crise qui perturbe et inquiète beaucoup de monde à juste titre.
TXT La fécondité sociale
Ce n’est pas parce que l’Eglise accorde un statut particulier à cette relation d’amour entre un homme et une femme, qu’elle n’accorde pas de valeur à d’autres relations d’amour ou d’amitié. Mais celles-ci ouvrent sur un autre type de fécondité, une fécondité sociale. Cela n’est pas moins important aux yeux de l’Eglise. Le Christ nous enseigne que nos relations d’amour ne sont pas faites pour nous enfermer égoïstement dans un tête-à-tête, mais doivent justement s’ouvrir aux autres. Mais seul dans le cas de l’amour d’un homme et d’une femme, cette ouverture à l’autre se traduit par la naissance d’une vie nouvelle. C’est une différence de taille, qui est occultée aujourd’hui.
SIM D’une part, la stérilité d’un couple homosexuel n’est pas occultée, loin de là, et par le législateur, et par le vécu des homosexuels qui ne peuvent naturellement pas procréer. Imaginer que des parents homosexuels vont élever leur enfant dans une fiction selon laquelle la vie peut provenir de deux personnes de même sexe, c’est mépriser la capacité des homosexuels d’être des parents responsables et imaginer que la famille est un vase clos sans relation avec d’autres personnes, donc en-dehors de la société. Encore un argument spécieux que je démonterai dans la suite du texte où il est développé.
D’autre part, involontairement je suppose, qu’étant donné le contenu du texte, les évêques mettent le doigt sur quelque chose d’important.
Il s’agit de la question de la filiation qui n’est pas encore aboutie dans la société française.
Sur ce point, je réagis par rapport à une expérience personnelle : l’adoption plénière. Cette dernière est une fiction juridique et je suis considéré comme l’enfant naturel de mon père. Or ce n’est pas mon cas. Je pense que j’aurais moins souffert de cette différence si la filiation était considérée d’une autre manière en France, c’est-à-dire une relation d’amour, de transmission, et non une relation purement génétique.
Malheureusement, il existe encore un dogmatisme en France sur le lien du sang, considéré comme supérieur, l’idéal.
Sur ce point, le droit français a avancé, ainsi que la société, ce que nient les évêques.
Les enfants nés hors mariage ne sont plus des bâtards sans droit, l’accès aux origines pour les enfants nés sous X commence à être accepté.
Il est ainsi de plus en plus reconnu que l’enfant a des droits, non uniquement dévolus par les parents mais en tant qu’individu à part entière.
Plus encore, il apparaît que l’histoire, le récit que se construit l’enfant de sa filiation est plus important que le fait d’être le résultat d’un mélange de sperme et d’ovule.
La fécondité sociale est donc plus déterminante que la fécondité biologique pour s’humaniser.
TXT L’importance du mariage civil
A travers le mariage civil, la société reconnaît et protège aussi la spécificité de ce libre engagement de l’homme et de la femme dans la durée, la fidélité et l’ouverture à la vie. Quelques 250.000 mariages civils sont célébrés chaque année en France et c’est toujours un événement important pour ceux qui s’y engagent. L’élargissement du mariage aux personnes de même sexe entrainerait une modification profonde du droit du mariage et de la filiation pour tous, y compris pour les couples hétérosexuels.
SIM Ce paragraphe n’est pas anodin, notamment sa dernière phrase. Les évêques ont raison que le mariage ouvert aux couples homosexuels met le doigt sur une transformation sociale souterraine qui remet en cause de nombreux préjugés sur la filiation.
Malheureusement pour eux, c’est déjà en cours. Par exemple, pendant longtemps, la femme était préférée aux hommes pour la garde des enfants dans la décision des juges.
La capacité à élever un enfant était donc indissociable du genre et de la différenciation sexuelle.
Il faut préciser que les processus de construction d’un être humain restent encore un continent en voie d’exploration. Il est difficile de faire émerger des certitudes en matière de parentalité.
Etant donné l’importance du sujet, nous devons pour le moment s’en remettre à l’action quotidienne auprès de ses enfants, l’échange constant d’information entre parents et grands-parents et bien sûr la tradition, la coutume.
Cet état de fait n’est pas négatif ou positif, il faut simplement le reconnaître dans ce genre de débat. Invoquer la Nature, notion du monde de la pensée, ne veut pas dire observer la nature et donc fonder ses arguments sur des faits.
TXT Refuser l’homophobie
Une réforme en profondeur du mariage et de la filiation concerne tous les citoyens et devrait donc pouvoir faire l’objet d’un large débat. Celui-ci se heurte aujourd’hui à l’accusation d’homophobie qui vient fustiger toute interrogation.
SIM Je ne peux que le reconnaître.
TXT Le respect des personnes
Cette situation a ses raisons d’être. Pendant longtemps, les personnes homosexuelles ont été condamnées et rejetées. Elles ont fait l’objet de toutes sortes de discriminations et de railleries. Aujourd’hui, cela n’est plus toléré, le droit proscrit toute discrimination et toute incitation à la haine, notamment en raison de l’orientation sexuelle, et il faut se féliciter de cette évolution.
Du côté de l’Eglise catholique, la Congrégation pour la doctrine de la foi invitait, dès 1976, les catholiques à une attitude de respect, d’écoute et d’accueil de la personne homosexuelle au cœur de nos sociétés. Dix ans plus tard, la même Congrégation soulignait que les expressions malveillantes ou gestes violents à l’égard des personnes homosexuelles méritaient condamnation. Ces réactions « manifestent un manque de respect pour les autres qui lèse les principes élémentaires sur lesquels se fonde une juste convivialité civile. La dignité propre de toute personne doit toujours être respectée dans les paroles, dans les actions et dans les législations ».2
2 Documentation catholique 1976, n°1691, §8 ; Documentation catholique 1986, n°83, p. 1160-1164.
La lente évolution des mentalités
Si le respect de la personne est donc clairement affirmé, il faut bien admettre que l’homophobie n’a pas pour autant disparu de notre société. Pour les personnes homosexuelles, la découverte et l’acceptation de leur homosexualité relèvent souvent d’un processus complexe. Il n’est pas toujours facile d’assumer son homosexualité dans son milieu professionnel ou son entourage familial. Les préjugés ont la vie dure et les mentalités ne changent que lentement, y compris dans nos communautés et familles catholiques. Elles sont pourtant appelées à être à la pointe de l’accueil de toute personne, quel que soit son parcours, comme enfant de Dieu. Car ce qui, pour les chrétiens, fonde notre identité et l’égalité entre les personnes, c’est le fait que nous sommes tous fils et filles de Dieu. L’accueil inconditionnel de la personne n’emporte pas une approbation de tous ses actes, il reconnaît au contraire que l’homme est plus grand que ses actes. Le refus de l’homophobie et l’accueil des personnes homosexuelles, telles qu’elles sont, font partie des conditions nécessaires pour pouvoir sortir des réactions épidermiques et entrer dans un débat serein autour de la demande des personnes homosexuelles.
SIM Et pendant ce temps les séminaires sont interdits aux personnes qui assument leur homosexualité. On est donc encore dans ce discours dans l’accueil du frère égaré, et non du frère dans le regard de Dieu. Néanmoins, c’est un paragraphe touchant qui comporte un potentiel évangélique à exploiter.
TXT Entendre la demande des personnes homosexuelles
Une réalité diversifiée
En fait, les données statistiques qui évaluent le nombre de personnes homosexuelles, le nombre de personnes vivant une relation stable avec un partenaire de même sexe ou le nombre d’enfants élevés par deux adultes de même sexe, sont rares et difficiles à interpréter. Sous cette réserve, plusieurs études montrent que les pratiques homosexuelles ont évolué et que l’aspiration à vivre une relation affective stable se rencontre plus fréquemment aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Cette réalité n’est pour autant pas uniforme : la cohabitation sous le même toit, la relation sexuelle ou l’exclusivité du partenaire ne font pas toujours partie des éléments d’une telle relation stable.
SIM Rien à redire.
TXT Une demande de reconnaissance
La diversité des pratiques homosexuelles ne doit pas empêcher de prendre au sérieux les aspirations de celles et ceux qui souhaitent s’engager dans un lien stable. Le respect et la reconnaissance de toute personne revêtent désormais une importance primordiale dans notre société. Les discussions sur le multiculturalisme, le racisme, le féminisme et l’homophobie sont sous-tendues par cette demande de reconnaissance qui s’exprime aujourd’hui sur le mode égalitariste. La non-reconnaissance est expérimentée comme oppression ou discrimination. Certains poussent très loin ce discours égalitariste. Ils estiment que toute différence ouvre sur un rapport de pouvoir et en conséquence sur un risque de domination de l’un sur l’autre : domination de l’homme sur la femme, domination du blanc sur le noir, domination de l’hétérosexuel sur l’homosexuel, etc. Selon eux, la seule solution pour combattre l’oppression ou la discrimination serait alors de gommer les différences ou, en tout cas, de leur dénier toute pertinence dans l’organisation de la vie sociale.
Une volonté de gommer les différences
C’est dans ce contexte que s’inscrit le processus de transformation du mariage pour le rendre accessible aux personnes de même sexe. La demande vise à faire reconnaître que l’amour, entre deux personnes de même sexe, a la même valeur que l’amour, entre un homme et une femme. La différence entre les deux, au regard de la procréation naturelle, est gommée ou jugée non pertinente pour la société. La richesse que représente l’altérité homme/femme tant dans les rapports individuels que collectifs est passée sous silence. Seule semble compter la reconnaissance de la personne homosexuelle et le fait de mettre fin à la discrimination dont elle s’estime victime dans une société hétéro-normée.
La valeur d’une relation affective durable
La société, tout comme l’Eglise dans le domaine qui lui est propre, entend cette demande de la part des personnes homosexuelles et peut chercher une réponse. Tout en affirmant l’importance de l’altérité sexuelle et le fait que les partenaires homosexuels se différencient des couples hétérosexuels par l’impossibilité de procréer naturellement, nous pouvons estimer le désir d’un engagement à la fidélité d’une affection, d’un attachement sincère, du souci de l’autre et d’une solidarité qui dépasse la réduction de la relation homosexuelle à un simple engagement érotique. Mais cette estime ne permet pas de faire l’impasse sur les différences. La demande des personnes homosexuelles est symptomatique de la difficulté qu’éprouve notre société à vivre les différences dans l’égalité. Plutôt que de nier les différences en provoquant une déshumanisation des relations entre les sexes, notre société doit chercher à garantir l’égalité des personnes tout en respectant les différences structurantes qui ont leur importance pour la vie personnelle et sociale.
SIM Cette partie est intéressante. La République a toujours eu des difficultés à lier liberté et égalité. Sa plus grande réussite étant la fraternité.
La question de l’égalité est en effet importante en France et s’est mal associée aux problèmes de discrimination.
Par exemple, pendant longtemps les études statistiques de nature ethnique étaient taboues, pour une préoccupation de traitement égalitaire de tous les citoyens. C’est donc sans connaissance réelle de la réalité que la République s’est efforcée de lutter contre les discriminations à caractère racial. Par souci d’égalité, la République s’est privée d’instruments de lutte contre les inégalités.
De manière plus générale, la plupart des pays dans le monde sont tiraillés entre la nécessité d’une référence commune, ciment de la cohésion sociale, et le respect, ou tout du moins les revendications, des libertés de chacun.
Ce tiraillement n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau réside dans la façon de le gérer.
Pendant très longtemps, disons depuis au moins l’apparition de l’écriture (5000 ans) pour ne pas dire trop de bêtises, les sociétés étaient multiples.
Les différents grands royaumes et empires de l’Antiquité et du Moyen-Âge ont apporté une certaine uniformisation en créant de grands espaces pacifiés et favorisant ainsi les échanges.
Les différences n’étaient pas une question primordiale, car tout s’articulait autour de l’autorité et de l’allégeance.
L’individu n’existait que par son appartenance à un groupe, ce qu’il faisait de sa vie était secondaire et n’était pas couvert par le droit, ou plus généralement les règles sociales (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait pas d’obligations dues à l’appartenance d’un groupe).
Depuis quelques siècles, l’idée d’individu a émergé. Mais plus que l’individu, l’idée qu’il doit être libre pose un problème à nos civilisations plurimillénaires. S’il est libre, peut-il refuser de signer le contrat social et vivre en-dehors de la société ?
Nos sociétés sont en pleine réflexion sur ce sujet : l’individu doit être libre mais est contraint de fait de vivre avec ses semblables. Pour le moment, nous sommes en cours de tâtonnement pour trouver un équilibre entre liberté et égalité.
Pour revenir à nos moutons, les évêques n’ont pas adopté mon recul sur le sujet. J’ai déjà évoqué mon avis sur l’altérité, la procréation. Ces différences ne sont pas gommées et ne peuvent pas l’être.
Par ailleurs, l’argument suivant : « (…) la seule solution pour combattre l’oppression ou la discrimination serait alors de gommer les différences ou, en tout cas, de leur dénier toute pertinence dans l’organisation de la vie sociale. ». Les évêques définissent ce qu’est une lutte contre la discrimination, c’est-à-dire « (…) de leur dénier toute pertinence dans l’organisation de la vie sociale ».
La malhonnêteté intellectuelle est flagrante en confondant gommer toutes différences et dénier à ces dernières toute pertinence dans l’organisation sociale. Je pense que l’abolition de l’apartheid en Afrique du Sud est suffisamment parlante pour illustrer mon propos.
TXT Connaître les limites du PACS
Le Pacte Civil de Solidarité (PACS), créé en 1999, a de façon inattendue surtout été utilisé par les couples hétérosexuels qui représentent 95% des 174 523 PACS conclus en 20093.
3 http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF02327
Pour ces derniers, il constitue une alternative au mariage, qui ouvre un certain nombre de droits fiscaux et sociaux, sans avoir le poids symbolique du mariage, et en conservant une totale liberté de rompre.
SIM Analyse exacte.
TXT Des différences mal connues
Aujourd’hui, pour les couples hétérosexuels, les différences entre le PACS et le mariage sont importantes et mal connues. Le PACS est un contrat, le mariage est une institution. Au plan patrimonial, c’est dans le domaine du droit des successions, des régimes matrimoniaux et de la réversion de la pension au partenaire survivant que se situent les plus grandes différences. Mais ce sont cependant les effets d’ordre personnel et symbolique qui marquent le plus l’infériorité du PACS par rapport au mariage. Le PACS n’est pas conclu à la mairie mais au Tribunal ou devant notaire. Il ne produit aucun effet en matière de nom et n’entraîne aucun effet personnel. Notamment, le PACS n’impose aucune obligation de fidélité, il ne crée pas de lien d’alliance entre le pacsé et la famille de son partenaire et peut être rompu unilatéralement, par simple lettre recommandée avec accusé de réception. Aucune protection n’est prévue pour le partenaire délaissé ou les éventuels enfants nés de cette union. Bien souvent, les couples hétérosexuels pacsés en viennent au bout d’un certain temps à se marier, afin de donner plus de solidité et de solennité à leur union.
SIM Bien documenté mais incomplet. La jurisprudence a étendu certaines protections du mariage aux pacsés, au regard de certaines situations difficiles. Mais la différence reste, pour le mariage que ces dispositions sont de droit, pour le PACS le juge est souverain pour évaluer la situation.
Quand aux enfants, les évêques devraient se mettre à jour. Les droits des enfants ne sont plus liés au mariage. Les parents ont les mêmes obligations. Le mariage apporte simplement en plus la présomption de parentalité.
TXT La recherche symbolique
Les personnes homosexuelles réclament aujourd’hui aussi une forme d’union plus solennelle, dotée d’un véritable poids symbolique et ne pouvant être rompue sans procédure ni indemnité. Dans leur revendication, la différence au regard de la procréation naturelle est mise de côté, comme un détail négligeable, pour ne garder du mariage que la sincérité et l’authenticité du lien amoureux. Il s’agit là d’une vision très individualiste du mariage qui n’est pas celle du droit français.
SIM Il s’avère que la plupart des homosexuels demandant le mariage désirent avoir des enfants. Les homosexuels qui ont une vision plus égocentrée de leur relation n’ont pas d’avis ou sont même contre.
TXT Prendre en considération le droit français
Une réforme du droit de la famille doit partir du droit existant et examiner en quoi celui-ci n’est plus adapté à la situation nouvelle et quelles seront les conséquences de la réforme envisagée pour les citoyens. Si le droit n’est qu’une technique humaine qui peut évoluer à tout moment, il n’en garde pas moins une fonction anthropologique : il dit quelque chose de notre vision de l’homme.
La fonction sociale du mariage
Le discours en faveur de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe part d’une vision tronquée du droit. Il choisit de ne retenir du mariage civil que le lien amoureux et fait alors valoir que refuser le mariage aux personnes de même sexe est une discrimination car elles aussi sont amoureuses. Ne pas leur ouvrir l’accès au mariage revient alors à mettre en doute la sincérité et l’authenticité de leurs sentiments, voire leur capacité d’aimer. Or, il ne s’agit pas de cela. Contrairement à ce qui est soutenu, le mariage n’a jamais été un simple certificat de reconnaissance d’un sentiment amoureux. Le mariage a toujours eu la fonction sociale d’encadrer la transmission de la vie en articulant, dans le domaine personnel et patrimonial, les droits et devoirs des époux, entre eux et à l’égard des enfants à venir. La conception individualiste du mariage, véhiculée par le discours ambiant, ne se trouve pas dans les textes de loi.
SIM La Nature ! Les couples stériles hétérosexuels ne devraient pas se marier…
TXT La valeur symbolique du don total de soi
La haute valeur symbolique du mariage ne vient d’ailleurs pas du sentiment amoureux, par définition éphémère, mais de la profondeur de l’engagement pris par les époux qui acceptent d’entrer dans une union de vie totale. Cet engagement concerne la vie des conjoints (respect, fidélité, assistance, communauté de vie, contribution aux charges), la vie des familles (liens d’alliance, obligations alimentaires, empêchements au mariage), la vie des enfants (présomption de paternité, éducation, autorité parentale conjointe) et les tiers (solidarité des dettes ménagères). Compte tenu de l’importance de cet engagement, y compris à l’égard des tiers, il est régi par la loi et sa rupture est soustraite au bon vouloir des parties. Le divorce ne peut être prononcé que par le juge qui veillera à la protection des plus faibles et une répartition équitable des biens. Ce qui confère au mariage sa haute valeur symbolique, c’est donc cet engagement de toute une vie, «pour le meilleur et pour le pire », ce pari un peu fou que l’amour humain puisse surmonter tous les obstacles que la vie nous réserve. Or, l’accueil des enfants nés de cette union de vie fait partie intégrante de cet engagement. Si le mariage a connu des variations dans l’histoire, il a toujours organisé le lien entre conjugalité et procréation. Encore aujourd’hui, en droit français, le mariage comporte une présomption de paternité, que connaissait déjà le droit romain (pater is est quae nuptiae demonstrant). Destinée à rattacher juridiquement au mari les enfants mis au monde par la mère, cette présomption de paternité est la traduction juridique des conséquences naturelles de la promesse de fidélité et de vie commune que font les époux. Sans méconnaître que cette tradition juridique a aussi été porteuse de préjugés et d’injustices à l’égard des femmes, il convient de discerner ce qu’elle contient de sage et qu’elle est son importance pour la société.
SIM Je suis d’accord, voir la suite.
TXT Mesurer les enjeux pour l’avenir
Le mariage, tel qu’il existe aujourd’hui en droit français, assure le lien entre conjugalité et procréation et donc la lisibilité de la filiation. C’est là, en particulier, où le droit a une fonction anthropologique.
SIM C’est faux. Il suffit de penser à l’adoption plénière. La procréation est secondaire. La filiation, la transmission et la responsabilité sont elles primordiales.
Le droit français a le souci de donner un cadre matrimonial et patrimonial, rien sur la procréation elle-même qui est d’un point de vue juridique accessoire (me demander pour la définition).
TXT La vie est un don
Tout d’abord, en assurant le lien entre conjugalité et procréation, le droit vient nous rappeler que la vie est un don et que chacun la reçoit. Personne ne choisit son père et sa mère, personne ne choisit son lieu ou sa date de naissance. Ce sont pourtant ces « données » qui vont, à jamais, caractériser chacun comme un être unique au monde. Ces données incontournables de la filiation, qui s’imposent à chacun, viennent rappeler à l’homme qu’il n’est pas tout-puissant, qu’il ne se construit pas tout seul, mais qu’il reçoit sa vie des autres, d’un homme et d’une femme (et pour les croyants, d’un Autre).
SIM Je cherche la pertinence de ce paragraphe. CAB (O.K.)
TXT Les deux sexes sont égaux et indispensables à la vie
Ensuite, faire le lien entre conjugalité et procréation est important pour la reconnaissance de l’égalité des sexes, qui sont l’un comme l’autre indispensables à la vie. Le fait d’être né d’un homme et d’une femme signe notre origine commune, notre appartenance à l’espèce humaine. La dualité sexuelle homme/femme est en effet une « propriété des vivants ».
SIM C’est un fait incontournable que nous sommes une espèce sexuée. Une loi n’y changera rien.
D’autre part, le lien entre conjugalité et procréation n’a jamais été important pour l’égalité des sexes. Au contraire, les femmes se libèrent en revendiquant ne pas être uniquement une matrice pondeuse.
TXT Les droits des enfants
Enfin, la lisibilité de la filiation et l’inscription dans une histoire et une lignée sont essentielles pour la construction de l’identité. La Convention des Droits de l’enfant de l’ONU stipule expressément qu’un enfant, dans la mesure du possible, a droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Si les circonstances de la vie peuvent empêcher cela, il ne faudra pas que le législateur prenne l’initiative d’organiser l’impossibilité pour les enfants de connaître leurs parents ou d’être élevés par eux. Ce qui sera le cas s’il accède aux demandes de parenté des personnes homosexuelles que ce soit par le biais de l’adoption ou de la procréation médicalement assistée.
SIM Encore une fois, une belle présomption d’irresponsabilité des parents homosexuels.
TXT L’utilité sociale
A côté de ces fonctions anthropologiques fondamentales, le mariage a aussi une utilité sociale. Même s’il n’est plus l’unique porte d’entrée de la vie de famille, il continue à favoriser la stabilité conjugale et familiale, qui correspond à une aspiration profonde d’une très grande majorité de la population. Celle-ci est non seulement bénéfique pour ses membres, mais elle profite à toute la société car elle permet aux familles de mieux assumer leur rôle dans le domaine de l’éducation et de la solidarité. A défaut, c’est la collectivité qui doit prendre le relais. Ces enjeux anthropologiques et sociaux ainsi que la protection des droits de l’enfant sont passés sous silence. Le discours dominant, égalitariste, choisit délibérément d’ignorer la différence entre les personnes homosexuelles et hétérosexuelles à l’égard de la procréation et veut faire croire que le lien entre conjugalité et procréation n’est pas pertinent pour la vie en société. Un coup d’œil sur les conséquences juridiques d’une telle réforme démontre le contraire.
Evaluer les conséquences juridiques de la réforme envisagée
Le sort de la présomption de paternité
En cas d’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, se posera la question du sort de la présomption de paternité, actuellement prévue à l’article 312 du Code Civil. La première solution possible est de décider que cette présomption ne s’appliquerait pas aux couples de même sexe. Il y aurait alors dans les faits deux types de mariages, et il importerait que les citoyens soient clairement informés de cette distinction. Cette hypothèse, retenue aux Pays-Bas et en Belgique, ne règle pas la question du lien entre la compagne de la mère et l’enfant de celle-ci. Une deuxième solution, plus radicale, consisterait à supprimer la présomption de paternité pour tous. Cela reviendra à instaurer officiellement la dissociation entre conjugalité et procréation et viderait le mariage de son sens. Quel sens peut avoir un mariage civil qui, en refusant de régler la transmission naturelle de la vie, n’honore plus la promesse de fidélité des époux ? Une troisième solution, encore plus radicale, a été retenue au Canada. La présomption de paternité est transformée en présomption de parenté et joue aussi pour les partenaires homosexuels : la compagne de la mère sera la « co-mère » de l’enfant. Dans ce cas, la lisibilité de la filiation, qui est dans l’intérêt de l’enfant, est sacrifiée au profit du bon vouloir des adultes et la loi finit par mentir sur l’origine de la vie !
SIM Ici, je suis fatigué de me répéter. Me lire plus haut.
La filiation est un mensonge vis-à-vis de la Nature, car c’est un récit construit de toute pièce. Et c’est très bien comme çà !
TXT La loi ne doit pas mentir sur l’origine de la vie
Les choses se compliquent encore davantage devant les questions d’adoption et de procréation médicalement assistée. Par exemple, comment concevoir une adoption plénière qui supprime la filiation d’origine et dit que l’enfant est « né de » ses parents adoptifs ? (SIM c’est le cas aujourd’hui pour les couples hétérosexuels !) TXT Faut-il faire croire à un enfant qu’il est né de deux hommes ou de deux femmes ? Les complications juridiques sont nombreuses. Tout notre système juridique est basé sur la distinction des sexes, puisque la transmission de la vie passe par la rencontre d’un homme et d’une femme.
Conclusion
S’il appartient au pouvoir politique d’entendre la demande d’un certain nombre de personnes homosexuelles de bénéficier d’un cadre juridique solennel pour inscrire une relation affective dans le temps, c’est en fonction du bien commun dont il est garant qu’il doit chercher à y répondre. L’Eglise catholique appelle les fidèles à vivre une telle relation dans la chasteté, mais elle reconnaît, au-delà du seul aspect sexuel, la valeur de la solidarité, de l’attention et du souci de l’autre qui peuvent se manifester dans une relation affective durable. L’Eglise se veut accueillante à l’égard des personnes homosexuelles et continuera à apporter sa contribution à la lutte contre toute forme d’homophobie et de discrimination. La demande de l’élargissement du mariage civil ne peut être traitée sous le seul angle de la non-discrimination car cela suppose de partir d’une conception individualiste du mariage, qui n’est pas celle du droit français pour qui le mariage a une claire vocation sociale. Prétendre régler les problèmes de domination et d’abus de pouvoir, qui existent effectivement dans la société, par l’ignorance des différences entre les personnes, semble une option idéologique dangereuse. Les différences existent et c’est une bonne chose. La différence des sexes est une heureuse nouvelle. La demande d’élargissement du mariage aux personnes de même sexe met la société au défi de trouver des nouvelles formes pour vivre les différences dans l’égalité. Pour cela, le législateur sera amené à opérer des arbitrages délicats entre des intérêts individuels contradictoires. Le propre du pouvoir politique est en effet de défendre non seulement les droits et les libertés individuels, mais aussi et surtout le bien commun. Le bien commun n’est pas la somme des intérêts individuels. Le bien commun est le bien de la communauté tout entière. Seul le souci du bien commun peut venir arbitrer les conflits de droits individuels. La véritable question est alors de savoir si, dans l’intérêt du bien commun, une institution régie par la loi doit continuer à dire le lien entre conjugalité et procréation, le lien entre l’amour fidèle d’un homme et d’une femme et la naissance d’un enfant, pour rappeler à tous que :
• la vie est un don
• les deux sexes sont égaux et l’un comme l’autre indispensables à la vie
• la lisibilité de la filiation est essentielle pour l’enfant.
Une évolution du droit de la famille est toujours possible. Mais plutôt que de céder aux pressions de différents groupes, la France s’honorerait à instaurer un vrai débat de société et à chercher une solution originale qui fasse droit à la demande de reconnaissance des personnes homosexuelles sans pour autant porter atteinte aux fondements anthropologiques de la société.
SIM Conclusion.
Beaucoup de thèmes se croisent. La confusion règne et il est difficile sans analyse de se faire une opinion raisonnable.
Néanmoins, il est possible de réduire ce texte à un argument : l’invocation de l’Ordre Naturel. Toutes considérations juridiques et anthropologiques s’éclipsent devant une conception très idéale de la Nature, issue essentiellement de l’Ancien Testament.
Il me paraît intéressant de présenter une analyse succincte de ce texte et de souligner les insuffisances dans la réflexion.
Analyse du texte :
1. Le couple est considéré comme constitué d’un homme et d’une femme. Sa raison d’être est la procréation, tout acte sexuel ayant un autre but est réprouvé. Logiquement, une relation homosexuelle qui doit être vécu dans la chasteté, car stérile biologiquement, ressemble à une relation amicale. Le mariage ne sert donc à rien pour les évêques.
2. Les évêques rappellent la position de l’Église catholique sur la contraception et l’interruption de grossesse. Ils revendiquent une vision naturaliste de la procréation et refusent les avancées médicales. La seule contraception acceptée est l’abstinence. Cela ne doit pas être dur puisque tout acte sexuel doit avoir pour but la procréation.
3. Les autres arguments développés sont tronqués pour servir cet idéal que j’aurais aimé voir exposé dès l’introduction. Un simple exemple, les évêques lient fidélité et procréation. Si la relation est stérile biologiquement, la fidélité est remise en cause dans son principe puisqu’aucun acte sexuel ne se produit sauf s’il y a volonté de procréer. Les parents doivent être les géniteurs, la fidélité n’a pas d’autre sens que d’assurer la paternité biologique.
Quelques critiques :
1. L’intérêt du bien commun a toujours à travers l’histoire été invoqué pour défendre des intérêts particuliers.
2. La vie est un don. Néanmoins, la vision passive de la procréation est anachronique. Aujourd’hui, il est possible de choisir quand nous voulons avoir un enfant grâce à la contraception. De plus, par les examens au début de la grossesse, il est possible de détecter des anomalies génétiques. Il s’agit d’un débat important pour l’Église qui refuse officiellement la contraception et l’interruption volontaire ou médicale de grossesse. Ce sujet se glisse subrepticement dans ce texte sans l’assumer pleinement, ce qui n’apporte que confusion.
3. Il ressort malheureusement de ce texte une condescendance inadmissible à l’égard des homosexuels qui ne fait qu’alimenter l’idée bien ancrée d’irresponsabilité, issue elle-même de la stérilité procréatrice de ce type d’union. Il s’avère qu’en effet, de nos jours encore, un homme ou une femme reconnus stériles se sentent profondément amputés de leur identité sociale. L’homme perd sa virilité et la femme toute sa raison d’exister. Ce rapport à la fertilité biologique est très puissant dans la construction de l’identité de chacun. Il regrettable que ce sujet important, dépassant largement les homosexuels, soit lui aussi mélangé sans discernement.
4. Une accusation grave et non fondée ressort de cet argumentaire : celle de communautarisme. Il s’agit d’un questionnement d’actualité. La société française perd de sa visibilité en ce qui concerne les revendications de tel ou tel groupe. En effet, la République est confrontée à deux mouvements bien distincts. Un premier mouvement se lève pour lutter pour plus d’égalité et de respect de la différence (salaire égal homme-femme, mariage ouvert aux homosexuels, nécessité de lieux de culte pour les musulmans, abolition de l’idée de race). Un deuxième mouvement vient perturber ce premier en demandant non pas l’égalité, dans un esprit d’universalisme, mais des privilèges au regard de l’appartenance d’un groupe (contribuables particulièrement riches, imposer des pratiques pour des raisons rituelles et non spirituelles, introduire dans la lutte contre le racisme l’idée de concurrence des mémoires – Shoa contre esclavage par exemple.). Confondre ces deux mouvements permet de décrédibiliser toute demande visant à réduire les discriminations et d’offrir une dignité à tout citoyen quel qu’il soit.
5. Un autre sujet vient s’insinuer dans cet exposé. Ce dernier évoque la fin du modèle patriarcal. L’analyse du texte montre que l’égalité des sexes n’est valable que dans la procréation, et ceci par obligation biologique. Une peur émerge : les hommes et les femmes vont se séparer et ne plus vivre ensemble. Je trouve cela un peu radical comme vision de l’avenir. Mais il s’agit d’une inquiétude et d’un argument opposé à la contraception par exemple depuis plusieurs décennies. Si la femme dispose de son corps et décide quand et comment avoir un enfant, l’homme se retrouve-t-il spectateur impuissant du processus de procréation ? On voit ici la courte vue des évêques et leur amateurisme en matière d’anthropologie. L’homme est certes remis à sa place, mais cette dernière a pris une importance beaucoup plus féconde depuis que les femmes commencent à s’émanciper. L’enfant s’inscrit dans un projet de vie, il n’est plus réduit à un don avec lequel il faut se dépatouiller. Ce n’est pas les exceptionnelles dérives comme le syndrome de l’enfant roi qui disqualifient la démarche d’un choix serein et d’une préparation à l’arrivée d’un nouvel enfant.
6. D’un point de vue juridique, il me semble important de définir ce qu’est un droit subjectif. Un droit subjectif est un droit qui est à la disposition de tout citoyen, quel que soit son sexe, ses origines, sa religion, son orientation sexuelle, ses opinions. La qualité de citoyen français permet d’accéder à ces droits. Le droit est la science du lien et, dans une démocratie, il joue le rôle de cadre commun pour que toutes les différences s’expriment en se souciant de la cohésion sociale et de la coexistence pacifique. L’ouverture à de nouveaux droits est en général très clivant. En l’occurrence, deux peurs obscurcissent tout jugement. D’une part, la remise en cause personnelle : si quelqu’un de différent de moi accède aux mêmes droits, je suis mis en danger dans ma façon de vivre. D’autre part, la jouissance du repoussoir : si on accorde des droits à un type de personnes, on ouvre la porte à des personnes encore pires. Sous l’empire de ces peurs déraisonnables, il est très facile de sortir du sujet et de tout mélanger. Il paraît futile alors de parler de débat. Les évêques sont saisis par ces deux peurs lorsqu’ils évoquent la fin de la différenciation sexuelle (biologiquement impossible) et donc la remise en cause de la relation hétérosexuelle d’une part, et « un contrat universel ouvert à deux ou plusieurs personnes » d’autre part.
7. Dans les trois monothéismes, il y a deux postures qu’il est possible d’avoir vis-à-vis des textes sacrés. Soit le texte fait office de Loi, et il est difficile de raisonner sur des sujets contemporains. Soit le texte constitue un message transcendantal, et il est possible de s’en inspirer pour faire nos choix aux temps présents.