Dans le sillage de la dégradation de la note française par Moody’s, Laurence Parisot met gouvernement et syndicats sous pression, appelant à des réformes «profondes et décisives».
Par Dominique Albertini
La mine est sombre, le ton est grave. Et très revendicatif. Bien servie par la dégradation de la note française par l’agence Moody’s, Laurence Parisot a exhorté gouvernement et syndicats à plus de concessions vis-à-vis des entreprises. «Nous sommes dans une guerre économique avec un genou à terre, a estimé la présidente du Medef lors de sa conférence de presse mensuelle, ce mardi matin [1]. J’appelle à l’unité au service de notre économie.»
Deux semaines après l’annonce par Jean-Marc Ayrault d’un train de mesures en faveur de la compétitivité, la «patronne des patrons» a fait connaître ses exigences vis-à-vis du principal dispositif, le crédit d’impôts sur les sociétés d’un montant total de 20 milliards d’euros. Mécanisme «intéressant», juge-t-elle, à condition que les entreprises y aient accès dès 2013, et non 2014. Le contraire serait une «terrible déception» pour le patronat, a prévenu Laurence Parisot.
Bercy cogite
Deuxième exigence patronale : l’accès à ce crédit d’impôt ne devrait être soumis à aucune condition pour les entreprises, notamment en termes de création d’emplois. Enfin, la somme remboursée étant fonction du nombre de salariés payés entre une fois et 2,5 fois le Smic, le Medef demande que les différents niveaux de salaires compris dans cette fourchette soient pondérés au même niveau.
Du côté de Bercy, «rien n’est encore tranché», indiquait lundi à Libération un proche de Pierre Moscovici. Un démarrage partiel de la mesure en 2013 est cependant envisagé, selon des modalités encore à préciser. L’idée d’une modulation du crédit selon les niveaux de salaire ne serait pas abandonnée. Quant aux contreparties attendues des entreprises, le ministre de l’Economie a cité lundi «le civisme fiscal, l’évolution de la gouvernance des entreprises et des grands progrès sur le marché du travail avec souplesse et sécurité», mais pas des créations d’emplois.
Restera, une fois les arbitrages connus, à les faire accepter à la majorité parlementaire. Celle-ci devrait se montrer plus exigeante que le gouvernement vis-à-vis des entreprises, notamment quant aux contreparties demandées à celles-ci.
Ultimatum sur la flexibilité
Autre gros dossier du moment, sur lequel Laurence Parisot a également haussé le ton : les négociations sur l’emploi. Patronat et syndicats ont jusqu’à la fin de l’année pour trouver un accord alliant «flexibilité» pour les employeurs et meilleure sécurisation des parcours professionnels pour les salariés. Une discussion mal engagée, et dont il faudra voir comment les acteurs réagissent à la mise en demeure de la présidente du Medef. «Nous ne signerons pas d’accord si, du côté des organisations syndicales, il n’y a pas une acceptation des principes que nous mettons derrière la notion de flexibilité, a en effet prévenu Laurence Parisot. Nous ne pouvons plus le cacher derrière d’autres mots, comme “adaptabilité” ou “souplesse”. Il faut “détabouïser” la flexibilité.» Laurence Parisot a notamment réclamé un plafonnement des dommages et intérêts pour les TPE et PME attaquées devant les prud’hommes, ou encore la facilitation des licenciements économiques.
La présidente du Medef a par ailleurs promis que ce «deuxième chapitre» du dossier compétitivité «ne serait pas le dernier». «La situation nous oblige à avancer à grandes enjambées vers des réformes profondes et décisives» a-t-elle estimé. Augure d’un quinquennat très sportif sur le plan social.
Dominique Albertini – 20 novembre 2012
[1] texte intégral sur le site du MEDEF à :En savoir plus :
• « Les patrons veulent congédier le CDI » article paru dans Politis du 22 novembre 2012, téléchargeable (en pdf) ci-après : MedefetCDI-Politis22.11.12
• « Des manifestations presque quotidiennes » (en Espagne), article paru dans Le Monde du 23 novembre 2012, téléchargeable (en pdf) ci-après : ManifestationQuotidiennes-Monde23.11.12
• « Marché du travail : Paris regarde l’exemple italien » article paru dans Le Monde du 28 novembre 2012, téléchargeable (en pdf) ci-après : Marché du travail-Monde28.11.12