Les cinq associations (Assfam, Forum Réfugiés, France Terre d’Asile, La Cimade et l’Ordre de Malte) qui sont présentes dans les centres et locaux de rétentions administrative ont présenté le 20 novembre 2012 leur rapport commun pour 2011. On trouvera ci-après leur communiqué de presse et l’éditorial du dossier de presse.
Communiqué de presse – 20 novembre 2012
En métropole, un quart des personnes étrangères placées en rétention à compter de juillet 2011 ont été éloignées avant le cinquième jour d’enfermement, c’est-à-dire avant d’avoir pu voir le juge judiciaire. En Outre-mer, le contrôle des juges relève de l’exception. C’est l’un des constats alarmants que dressent les cinq associations présentes en rétention dans leur rapport 2011.
Ce deuxième rapport commun apporte, chiffres et témoignages à l’appui, une analyse inédite de l’application de la loi Besson, entrée en vigueur en juillet 2011. Il met en évidence le contournement voire la mise à l’écart des juges au profit du pouvoir de l’administration, des situations de droits bafoués, d’éloignements expéditifs, d’interpellations abusives, d’enfermement inutile qui en devient parfois punitif. Ce constat, sans appel, est plus grave encore en Outre-mer.
Durant cette même année 2011, ces pratiques ont été à plusieurs reprises sanctionnées par les plus hautes juridictions françaises et européennes. Pour les personnes enfermées qui ont malgré tout pu exercer des recours, les juridictions nationales ont fréquemment sanctionné des procédures illégales.
Les Roumains et les Tunisiens ont particulièrement été ciblés en 2011, quand bien même les premiers sont des ressortissants de l’Union européenne et les seconds disposaient souvent des documents légalisant leur accès au territoire français. Le rapport révèle que l’éloignement de ces ressortissants permet à l’administration de faire du chiffre beaucoup plus facilement en s’affranchissant largement, une fois encore, du contrôle des juges.
La dernière loi sur l’immigration a donc sophistiqué un peu plus la machine à expulser, réglée pour répondre essentiellement aux objectifs de la politique du chiffre. Or, ce rapport sur les centres et les locaux de rétention administrative démontre les violations des droits toujours plus graves que produit ce dispositif.
Le document s’attache enfin à décrire l’impact sur les personnes enfermées de cette poursuite à tout prix d’objectifs quantitatifs.
Le rapport ne se contente pas de décortiquer un système : il permet de souligner l’urgence d’une réforme profonde des procédures d’éloignement.
Selon les promesses de François Hollande et en conformité avec les engagements européens de la France, la rétention administrative doit devenir une exception.
Editorial du dossier de presse
2011 est la deuxième année de collaboration entre les cinq associations auteures de ce rapport sur la situation de la rétention administrative en France. C’est aussi l’année de l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi durcissant la rétention administrative et le dispositif d’éloignement forcé des étrangers. C’est enfin l’année de remise en cause par les juges européens de la politique migratoire menée par la France.
Pour résumer l’année qui venait de s’écouler, le ministre de l’Intérieur annonçait un dépassement de l’objectif annuel fixé avec un total de 32000 personnes éloignées. Mais derrière cette annonce se cache une autre réalité : 17 000 éloignements forcés depuis la métropole, et plus de 15000 retours qualifiés de « volontaires ». Dans le même temps, 31 000 éloignements étaient conduits depuis l’Outre- mer, chiffre absent de la communication ministérielle.
Le constat de fond reste donc identique à celui réalisé par nos associations en 2010. L’administration a poursuivi coûte que coûte une politique de quotas d’éloignement dont le résultat chiffré doit être dépassé chaque année. Ce rapport entend témoigner des dégâts d’une telle politique qui a conduit la France à commettre de multiples abus et atteintes aux droits fondamentaux des personnes étrangères.
En 2011 le gouvernement a procédé à un durcissement de la rétention, sous prétexte d’une nécessaire transposition de la directive «retour». L’allongement à 45 jours de la durée maximale et surtout le recul du contrôle du juge judiciaire au 5ème jour de la rétention au lieu du 2ème, entraient en vigueur en juillet. Ces nouveaux outils au service de la politique du chiffre ont permis à l’administration dès l’été 2011 d’augmenter nettement le nombre de placements dans tous les centres de rétention.
Ce recul de l’intervention des juges est en contradiction avec les principes fondamentaux des lois de la République. Comment justifier en effet, dans un État de droit, que le contrôle du juge judicaire, garant de la régularité de la procédure et du respect des droits et libertés fondamentales, soit considéré comme un obstacle à l’éloignement qualifié d’« efficace » ?
Après l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, un quart des personnes étrangères éloignées depuis la métropole n’a plus accès au juge judicaire, droit dont est privée la quasi-totalité des personnes étrangères retenues dans les départements d’Outre-mer. Dans ces départements, le régime exceptionnel en vigueur prive les personnes de tout recours suspensif et permet à l’administration de reconduire en seulement quelques heures, avant le contrôle des juges. Ce régime, comme les conditions déplorables de la rétention dans certains CRA d’Outre-mer et notamment à Mayotte, restent inchangés, bien que 31000 personnes, dont 5389 enfants, aient été visées en 2011.
Au début de l’année 2011, cette politique a été sanctionnée car elle ne respectait pas les engagements européens de la France. La non transposition de la directive « retour » dans le délai prévu a conduit les juridictions nationales à censurer des procédures d’éloignement irrégulières au regard des dispositions européennes. Notamment parce que l’usage de la privation de liberté, quasi automatique dans la procédure d’éloignement, est apparu comme clairement incompatible avec la directive qui impose d’apporter des réponses moins coercitives.
De plus, le juge de l’Union européenne, interprétant la même directive, a exclu le recours à la peine d’emprisonnement pour les personnes étrangères au seul motif de leur maintien sur le territoire en situation irrégulière. Cette jurisprudence, confirmée par la Cour de cassation le 5 juillet 2012, avait rendu illégal, dès 2011, le recours à la garde-à-vue. En dépit de cette évolution, le gouvernement a continué à utiliser cette privation de liberté comme antichambre du placement en rétention, ce qui a conduit les juges français à prononcer de nombreuses annulations.
Pour parvenir aux objectifs fixés par le ministre de l’Intérieur, maintenus malgré ces violations du droit et de la jurisprudence, l’administration a notamment utilisé des procédures d’éloignements dont les taux d’exécution sont largement plus élevés et qui permettent généralement d’éviter le contrôle des juges.
C’est ainsi qu’ont été accrues les réadmissions de migrants vers des États de l’espace Schengen, dont nombre de Tunisiens arrivés en France en raison des événements du « printemps arabe ». D’autre part, de nombreux ressortissants roumains ont été éloignés, malgré leur statut de citoyens européens. Ces mesures n’ont cependant qu’une portée limitée, le retour en France depuis les pays de l’Union étant aisé et parfois tout à fait légal.
Ce deuxième rapport de nos cinq associations permet, à la faveur de constats et d’analyses effectués dans les centres de rétention, de pointer de graves dérives dans la politique d’éloignement. Puisse-t-il ainsi contribuer à la réviser en profondeur.
Source : http://www.cimade.org/communiques/4158-
A LIRE pour aller plus loin :
• le dossier de presse, téléchargeable (en pdf) en cliquant ci-après :
RapportRétention2011-dossier de presse
• le rapport 2011, téléchargeable (en pdf) en cliquant ci-après :