Bilan annuel au niveau micro : des pousses dans le désert
Vous trouverez ci-après la traduction par notre ami Francis Hildenbrand du billet du 6 janvier 2013 du théologien LEONARDO BOFF (cf site Servicios Koinonia : « La columna semanal de Leonardo Boff ») qui fait suite à son billet du 31 décembre 2012 (publié ici le 23 janvier : « Bilan annuel au niveau macro : cela va de mal en pis »).
De saint Augustin (« En chaque homme, il y a à la fois un Adam et un Christ »), à Léandro Konder, en passant par Abélard, (« Sic et non »), Hegel et Marx, nous savons que le réel est dialectique. C’est-à-dire il est contradictoire, car les contraires ne s’annulent pas mutuellement, mais se trouvent en tension permanente et coexistent, produisent ainsi une dynamique dans l’Histoire. Ceci n’est pas un défaut de construction mais la marque déposée de notre réel. Personne ne l’a mieux exprimé que le Poverello d’Assise quand il priait : « Là ou il y a de la haine, que j’apporte l’amour, là où il y a les ténèbres, que j’apporte la lumière, là où règne l’erreur, que j’apporte la vérité… ». Il ne s’agit pas de nier ou d’annuler un des pôles, mais de choisir celui qui est lumineux, et de le renforcer, de sorte qu’il peut empêcher l’autre, le négatif , de devenir destructeur.
Pourquoi cette réflexion ? Elle est une tentative pour démontrer que le mal n’est jamais assez mauvais pour empêcher la présence du Bien, mais que le Bien n’est pas encore assez bien pour vaincre la force du Mal. Il nous faut apprendre à vivre avec ces contradictions. Dans un article précédent, j’ai tenté de dresser un bilan global et négatif du macrosystème, qui a fait apparaître que tout va de mal en pis. Mais une approche dialectique fait apparaître un côté positif qu’il est important de mettre en valeur. Si nous jetons un regard plein d’espoir sur le bilan du microsystème, nous voyons que des fleurs éclosent dans le désert. Et ceci se passe dans le monde entier. Il suffit de participer aux forums sociaux mondiaux et aux mouvements sociaux qui ont lieu en beaucoup d’endroits pour reconnaître qu’une vie nouvelle fleurit parmi les victimes du système, même dans des entreprises et parmi les forces dirigeantes, qui tournent le dos aux vieux paradigmes et qui ont commencé à construire une nouvelle arche de Noë.
Voici quelques-uns de ces points des ces changements qui pourraient préserver la vitalité de la terre et de notre civilisation :
• Le 1er point consiste à dépasser la dictature de la raison analytique instrumentale, principale responsable de la dévastation de la nature, par l’intégration de la logique émotionnelle ou logique du cœur, ce qui nous implique alors dans le destin de la vie et de la Terre, afin que nous soyons attentionnés et aimants, et que nous cherchions le bien vivre.
• Comme second point, il faut nommer le renforcement au niveau mondial de l’économie solidaire, de l’agro-écologie, de l‘agriculture biologique, de la bio-économie, de l’éco-développement comme alternatives à la croissance matérielle par le PIB.
• Le 3ème point concerne l’éco-socialisme démocratique, qui propose de nouvelles formes de production, notamment avec la nature au lieu de contre la nature, accompagnées par le contrôle global nécessaire.
• Le 4ème point est le bio-régionalisme qui se présente comme une alternative à une globalisation uniformisante et qui valorise les biens et les services de chaque région particulière avec sa population et sa culture.
• Le 5ème est le bien vivre des populations autochtones des Andes. Il exige la construction d’un équilibre entre l’homme et la nature par une démocratie communautaire et par le respect des droits de la nature et de la terre, notre mère. Il convient aussi de nommer ici l’index du bonheur national brut instauré par le gouvernement du Bhoutan.
• Le 6ème est la sobriété partagée ou la simplicité volontaire qui renforce l’autonomie alimentaire de tous, la juste mesure et le contrôle de soi sur le désir obsessionnel de consommer
• Le 7ème est le rôle principal manifeste des femmes et des peuples autochtones qui apporte à la nature une nouvelle bienveillance et qui promeut des méthodes solidaires de production et de consommation.
• Le 8ème est l’acceptation lente mais croissante de la précaution comme condition d’une réelle durabilité. Cela signifie une séparation d’avec la catégorie du développement comprise comme une logique de réseau de vie , qui sécurise les liens de tous avec tous et maintient la vie sur terre.
• Le 9ème point est la percée de l’éthique de la responsabilité universelle, car nous sommes tous responsables de notre destin commun, du nôtre et de celui de la terre notre mère.
• Le 10ème point représente la réintégration de la dimension spirituelle, qui dépasse les religions et nous permet de nous sentir comme une partie du tout, de percevoir l’énergie universelle qui traverse et maintien tout, et fait de nous des soignants et des gardiens de l’héritage sacré que nous avons reçu de l’univers et de Dieu.
Toutes ces initiatives sont plus que de simples graines. Elles sont déjà des pousses qui montrent la possible floraison d’une nouvelle terre, habitée par une humanité qui apprend à prendre une responsabilité, à être attentive, et à aimer et à renforcer ainsi la durabilité de notre petite planète.
Voir : Leonardo Boff y Mark Hathaway « El Tao de la Liberación, explorando la ecología de la transformación »( Ed. Vozes 2012)*.
Leonardo BOFF – 06.01.2013
Traduction en français par Francis Hildenbrand
Source : texte original (en espagnol) publié le 06.01.2013 à : http://www.servicioskoinonia.org/boff/articulo.php?num=533
Traduction allemande publiée le 15 janvier 2013 à :
http://www.wir-sind-kirche.de/?id=281 (rubrique « neu Leonardo Boff »).
* Présentation du livre :
• en espagnol :
• en anglais : « The Tao of liberation , exploring the ecology of transformation » Ed. Orbis Books.
http://www.taoofliberation.com/