Les peuples d’abord, pas la finance !
Faillite de la banque Icesave : une cour européenne donne raison à l’Islande
L’Islande avait le droit, lorsque ses banques se sont effondrées en octobre 2008, de refuser de rembourser les épargnants étrangers, a tranché lundi 28 janvier 2013 la cour de l’Association européenne de libre-échange (AELE). La cour a rejeté les arguments présentés par le Royaume-Uni et les Pays-Bas, a affirmé le tribunal dans son arrêt. Le jugement était attendu pour savoir si l’argent public doit sauver ou non des banques en faillite.
Après la faillite de la première banque privée du pays, Landsbanki, l’Islande a dû nationaliser en urgence son système bancaire, sans pouvoir répondre aux inquiétudes des déposants d’Icesave, une banque en ligne filiale de Landsbanki prisée par les épargnants britanniques et néerlandais. A l’époque du krach, Icesave comptait près de 4 milliards d’euros de dépôts.
Les gouvernements britannique et néerlandais avaient alors remboursé intégralement les épargnants d’Icesave avant de réclamer la facture à Reykjavik. Mais, en 2010 puis 2011, les Islandais ont refusé par référendum les modalités de remboursement négociées avec Londres et La Haye, en arguant qu’il n’y avait pas d’obligation légale pour qu’ils assument les pertes d’une banque privée.
La Commission européenne a poursuivi l’Islande devant le tribunal de l’AELE pour violation de la directive européenne relative aux garanties des dépôts, qui oblige à assurer un minimum de 20.000 euros aux déposants d’une banque en faillite.
Selon l’Islande, la directive oblige l’Etat à créer un fonds de garantie des dépôts mais pas à le garantir avec de l’argent public.
En vendant les actifs de Landbanski, l’Islande a déjà remboursé la moitié des sommes dues et espère régler la totalité d’ici à trois ans.
L’Islande s’est réjouie lundi de ce jugement, qui est définitif. « Icesave n’est désormais plus un obstacle à la reprise économique de l’Islande », a affirmé le gouvernement dans un communiqué.
« Cette affaire a été particulièrement difficile à gérer à la fois d’un point de vue national et international, et a occasionné, entre autres choses, des retards considérables dans la mise en œuvre du programme du gouvernement », a poursuivi l’exécutif islandais.
Le ministre des Affaires étrangères Össur Skarphedinsson s’est félicité du respect de la souveraineté de l’Islande dans cette affaire. « Nous avions une cause juste », a-t-il déclaré à la presse.
« Je pense que la défense dans cette affaire, la plus grande jamais portée devant la cour de l’AELE, représentera un exemple pour les années à venir dans les annales de la loi européenne », a-t-il ajouté.
La Commission européenne a réagi en « prenant note » de ce jugement. « Nous avons besoin de temps pour en étudier toutes les implications », a indiqué dans un communiqué Stefaan De Rynck, porte-parole du commissaire chargé des Services financiers, Michel Barnier.
Il indique cependant que « la Commission maintient son interprétation du mécanisme de garantie des dépôts » en vigueur.
Le montant de la garantie a été relevé en 2009 de 20.000 à 100.000 euros par déposant.
La Commission dit par ailleurs « se réjouir » du fait que le gouvernement islandais ait indiqué que les remboursements se poursuivraient, indépendamment du jugement.
Source :
ALLER PLUS LOIN :
• ANALYSE du jugement du tribunal en faveur de l’Islande par le CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) à : http://cadtm.org/Le-tribunal-de-l-AELE-rejette-les
Lire le communiqué ci-après :
Le tribunal de l’AELE rejette les réclamations « Icesave » contre l’Islande et ses habitants
C’est avec une certaine satisfaction que le CADTM apprend la décision du tribunal de l’AELE (Association européenne de libre-échange) [1], qui rejette toutes les plaintes déposées par les Pays-Bas et le Royaume-Uni contre l’Islande dans l’affaire Icesave [2].
Le jugement indique clairement que ce n’est pas la responsabilité du pays où une société bancaire a son siège de couvrir les coûts des garanties de son système bancaire, et le mécanisme de filet de sécurité doit être financé par les banques elles-mêmes. Cela confirme implicitement que le processus de liquidation normal, tel qu’il a été appliqué à « Landsbanki »(maison-mère de Icesave), est tout à fait correct quand une banque, même « too big to fail » (trop grosse pour tomber), a plus de dettes que d’actifs. Ce qui serait le cas de la plupart des grandes banques européennes si les actifs toxiques dans leurs bilans étaient comptabilisés à leur valeur réelle.
C’est le contraire de ce qui a été mis en place, depuis 2007 et le début des crises financières à répétition, pour sauver les grands actionnaires des banques sur le dos de la collectivité. Les gouvernements des pays industrialisés ont apporté leur garantie aux banques de leur pays au bord de la faillite, utilisant sans justification les fonds publics pour faciliter les flux de trésorerie des banques. Au même moment, les gouvernants ont commencé à marteler l’idée que la faute revenait à la population . Ce discours vise à convaincre les citoyens et citoyennes qu’ils doivent accepter des réductions de salaires, une dégradation de la couverture sociale, une augmentation de la précarité et une détérioration des conditions de travail. Les peuples ne sont pas à blâmer et ne sont pas d’accord avec les mesures d’austérité qui leur sont imposées. Cette décision de justice démontre le caractère légitime de l’opinion des populations et, ce faisant, montre le caractère illégitime de ces mesures d’austérité.
Le système bancaire européen retient toujours son souffle, attendant le jour où ses actifs toxiques arriveront à maturité et ne pourront plus être cachés. À ce moment, il sera demandé (ou plutôt ordonné) à la population de les renflouer à nouveau. Les gouvernements, à travers les structures qui ont depuis été mises en place, vont aller quémander aux marchés financiers pour emprunter leur propre argent et le redonner aux banques qui détiennent les actifs toxiques. Avec la décision de l’AELE, nous savons maintenant que ce ne sont pas aux peuples (Grec, Irlandais, Portugais ou autres) de payer et que la volonté des gouvernements à agir ainsi démontre leur complicité avec les banques.
Les crises financières se poursuivront à moins que les banques ne soient expropriées sans indemnisation, socialisées, placées sous contrôle populaire et démocratique et mises au service des besoins de la population plutôt que des marchés financiers. Il est également nécessaire d’identifier à travers l’audit citoyen de la dette publique toutes les dettes illégitimes, notamment celles provenant du sauvetage bancaire, afin de les annuler.
Traduction Yvette Krolikowski et Stéphanie Jacquemont
29 janvier 2013
Notes
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Associ… [2] http://www.eftacourt.int/• SE MOBILISER avec le Collectif pour un Audit Citoyen de la dette :
– « Pour une commission d’enquête parlementaire sur la dette publique ! » Le Collectif pour un audit citoyen de la dette s’adresse aujourd’hui aux députés et sénateurs pour leur demander la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur la dette publique ; cf le Communiqué du 18 février 2013
– Pour sortir de la crise de la dette : cf « 6 idées recues sur les déficits et l’austérité » à :
http://www.audit-citoyen.org/?p=2272 ;
Document (4 pages) téléchargeable (en pdf) en cliquant ci-après : 6IR