Samsung : «pratique commerciale trompeuse »
Samsung accusé de fermer les yeux sur « les conditions de travail indignes » chez ses sous-traitants chinois
Par Rémi Barroux
« Pratique commerciale trompeuse. » C’est sous ce motif que le cabinet de juristes Sherpa, l’organisation non gouvernementale (ONG) Peuples solidaires et l’association de consommateurs Indecosa-CGT devaient porter plainte contre Samsung, mardi 26 février, auprès du parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis). La démarche des trois organisations vise les publicités sur les engagements éthiques du groupe d’électronique sud-coréen auprès des consommateurs français.
« Samsung prétend s’assurer du respect des droits des ouvriers qui fabriquent ses produits, en s’imposant des codes de bonne conduite comportant des règles éthiques strictes. Mais l’entreprise ferme les yeux sur les conditions de travail indignes qui prévalent dans les usines chinoises qui fabriquent pour son compte », explique l’avocat William Bourdon, président de Sherpa.
Les organisations françaises s’appuient sur le travail de China Labor Watch, une ONG située à New York, qui a infiltré une dizaine de fournisseurs de la marque coréenne. L’enquête, présentée mardi à Paris par son directeur, Li Qiang, révèle des heures supplémentaires excessives – parfois plus de cent heures forcées par mois –, des violations des règles de santé et de sécurité et, surtout, un « recours massif »au travail des enfants de moins de seize ans.
OUVRIÈRES DE MOINS DE 16 ANS
« Nous sommes loin de l’image de l’entreprise citoyenne, socialement responsable, que la communication de Samsung vante », estime Me Bourdon.
L’enquête en Chine a duré plusieurs mois en 2012. Après avoir forcé l’américain Apple à se préoccuper des pratiques sociales dans les ateliers de son sous-traitant chinois Foxconn, c’est sur Samsung que ces ONG mettent la pression.
Le sud-coréen a nié l’emploi d’enfants dans ses entreprises chinoises, mais reconnu la nécessité d’améliorer les conditions sociales des salariés, notamment sur les horaires.
« Nous avons constaté que sur une usine de 3 000 ouvriers, il y en avait 50 à 100 de moins de seize ans. Il s’agit presque exclusivement de jeunes filles, considérées comme plus malléables et plus soumises, raconte Li Qiang. Nous avons adressé des photos de ces jeunes ouvrières aux responsables des usines de Samsung, mais ils ont nié avoir employé des mineures. Nous sommes retournés sur les lieux et avons identifié sept cas incontestables. Samsung a continué de nier qu’ils les employaient, même après que nous leur ayons adressé la photocopie des cartes d’identité, avec les dates de naissance. »
D’autres témoignages sur une usine à Huizhou, au Guangdong, montrent cet emploi de stagiaires mineures qui, souvent, dissimulent leur âge pour pouvoir être embauchées.
« L’entreprise dit avoir été abusée, mais China Labor Watch montre que les contrôles à l’embauche manquent de rigueur, rapporte Fanny Gallois, de Peuples solidaires. Si la majorité des violations se fait chez les sous-traitants et si les écoles ont une part de responsabilité, en envoyant pendant de longs mois des stagiaires mineurs contre de l’argent, c’est à Samsung de faire respecter le droit. »
« ARMÉES DE LOBBYISTES »
Les associations se défendent de cibler le géant sud-coréen en particulier. « Cela doit appeler d’autres procédures, car d’autres opérateurs sont dans la même situation, indique Me Bourdon. Ces entreprises ont des armées de lobbyistes qui affirment leur responsabilité sur le destin de la planète, le développement durable et, dans le même temps, des armées de juristes qui combattent l’irruption d’un droit contraignant. »
C’est ce « double langage » que les ONG entendent mettre en lumière par leur démarche judiciaire, en espérant une enquête internationale.
« Si nous ne poursuivons pas Samsung en justice, le fait qu’ils puissent continuer leur pratique de dumping social poussera les autres multinationales à retomber dans les vieilles ornières », affirme Li Qiang, qui dit continuer « à surveiller les usines d’Apple en Chine de près ».
Rémi Barroux
Source : publié le 26.02.2013 dans lemonde.fr/économie et dans le Monde daté du 27 février 2013.
Aller plus loin :
• LIRE le dossier de presse des ONG, téléchargeable (en pdf) en cliquant ci-après : DP-Samsung
• SIGNER l’appel urgent à envoyer à Samsung à :
http://www.peuples-solidaires.org/appel-urgent-357_chine-samsung/