Fukushima : deux ans après la catastrophe
Selon l’OMS, l’accident de Fukushima va entraîner davantage de cancers. Le risque accru de cancers de la thyroïde près de la centrale serait de 70 %
Par Paul Benkimoun
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rendu public, jeudi 28 février, son premier rapport mondial sur les risques pour la santé de l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon. Si deux ans après la catastrophe, des conséquences graves semblent pouvoir être écartées pour les populations vivant dans les régions éloignées de Fukushima et a fortiori pour « les pays voisins », des risques notoirement plus élevés de cancers sont admis pour celles vivant à proximité de la centrale.
« En dehors des zones géographiques les plus touchées par les rayonnements, les risques prévus restent faibles et aucune augmentation observable des cancers n’est anticipée », estiment les experts de l’OMS. Les doses de rayonnements relevées « étaient bien inférieures » aux niveaux susceptibles d’induire des effets « déterministes » sur la santé, selon l’OMS. « De ce fait, concluent les experts, on ne s’attend pas à une augmentation de l’incidence des avortements spontanés, des fausses couches, de la mortalité périnatale, des malformations congénitales, d’anomalies du développement ou de handicap cognitif résultant d’une exposition in utero aux radiations. »
Les conclusions de l’OMS sont toutes autres pour la population vivant à proximité de la centrale ainsi que pour ses salariés. Le rapport évalue le risque accru de cancer au cours de la vie pour les nourrissons exposés dans la zone la plus contaminée. L’augmentation serait de 4 % pour l’ensemble des tumeurs malignes et de 6 % pour le cancer du sein chez les femmes. Elle atteindrait 7 % pour la leucémie chez les hommes. Enfin, le « sur-risque » pourrait atteindre jusqu’à 70 % pour le cancer de la thyroïde chez les femmes.
Concernant les travailleurs qui sont intervenus dans la centrale après la catastrophe, le rapport indique que, « pour l’instant », l’accident « n’a pas entraîné d’effets liés à une irradiation aiguë ». « Aucun des sept décès signalés parmi les travailleurs n’est attribuable à l’exposition à des radiations. »Pour un tiers des travailleurs cependant, les risques de cancer au cours de la vie sont accrus de 20 % pour les plus jeunes.
Ces conclusions sont vivement critiquées par l’Organisation non gouvernementale (ONG) Greenpeace qui juge que « le rapport de l’OMS sous-estime honteusement l’impact des premières radiations de la catastrophe de Fukushima sur les personnes présentes à l’intérieur de la zone d’évacuation d’un rayon de 20 kilomètres, et qui n’ont pas été capables de partir rapidement ». Greenpeace cite les travaux d’une experte allemande, Oda Becker, qui évalue à « des centaines de millisieverts » la dose à laquelle ont été exposées les personnes à moins de 20 km de la centrale. L’ONG considère que ce rapport est « une déclaration politique pour protéger l’industrie nucléaire » et non « un travail scientifique axé sur la santé des personnes ».
Le document de l’OMS spécifie que les experts ont rempli des déclarations publiques d’intérêt. La situation de trois d’entre eux – dont le Français Dominique Laurier, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) – a été discutée. L’OMS a jugé que, « compte tenu de leurs compétences et expertise uniques » les liens déclarés ne justifiaient pas leur exclusion.
Au Japon, les médias rappellent que la compagnie Tepco, exploitante de la centrale de Fukushima, n’a toujours pas fourni aux autorités les relevés d’exposition aux radiations des quelque 20 000 travailleurs de l’usine.
Paul Benkimoun
Source : publié dans Le Monde daté du 2 mars 2013
En SAVOIR plus :
• « Rapport mondial sur les risques pour la santé de l’accident nucléaire de Fukushima » ; OMS, 28 février 2013 à : http://www.who.int/fr
• « Fukushima deux ans après : des victimes livrées à elles-mêmes », 6 mars 2013 à :
http://www.greenpeace.org/belgium/fr/presse/rapports/fukushima-2-ans-apres-des-victimes-livrees-a-elles-memes/; Rapport de Greenpeace (28 pages) téléchargeable (en pdf) en cliquant ci-après : 190213_Fukushima_2ans_indemnisations
• Assurances : l’exception nucléaire à :
AGIR :
• Le samedi 9 mars à Paris (13h30) : Participer à la grande Chaîne humaine pour l’arrêt du nucléaire civil et militaire organisé par une vingtaine d’organisations ; infos à : http://chainehumaine.org/
• Signer la PETITION « Arrêtons l’écocide en Europe ! » à : http://www.endecocide.eu/?page_id=691&lang=fr