L’accord commercial entre l’UE et le Canada menace les interdictions de la fracturation hydraulique
Par Le Corporate Europe Observatory, le Conseil des Canadiens et le Transnational Institute
L’Accord Économique et Commercial Global (AECG) en cours de négociations entre l’Union Européenne (UE) et le Canada accorderait aux compagnies énergétiques des possibilités étendues pour venir défier les régulations et interdictions de développement du gaz de schiste (par la fracturation hydraulique, dommageable pour l’environnement) démontre un nouveau rapport du Corporate Europe Observatory, Conseil des Canadiens et Transnational Institute.
Tandis que les négociateurs canadiens visitent Bruxelles cette semaine afin d’accélérer la conclusion des négociations de l’AECG, « Le droit de dire non » [1] met en garde contre les clauses de protections des investissements proposées dans l’accord, qui viendrait mettre en péril la capacité des gouvernements à réglementer ou interdire la fracturation hydraulique.
Actuellement, les États membres de l’UE étudient les risques environnementaux et de santé publique liés à cette technologie nouvellement populaire pour extraire les gaz ou le pétrole naturel difficile d’accès. Alors que la majorité des pays concernés avec des dotations en gaz de schiste prennent des positions contre la fracturation hydraulique [2], les puissantes compagnies pétrolières et gazières repoussent ces régulations.
« L’AECG permettra aux grandes compagnies gazières et pétrolières de contester les régulations et interdictions de fracturation hydrauliques en Europe à la dérobée. Elles auraient juste besoin d’une filiale ou d’un bureau au Canada [3] », a averti Timothé Feodoroff, du Transnational Institute.
En vertu de l’Accord de Libre-Échange Nord-Américain (ALENA), il existe déjà un précédent de contestation judiciaire des régulations et interdictions de la fracturation, qui vient comme un aperçu de ce qui pourrait potentiellement attendre l’Europe. La firme américaine Lone Pine Resources Inc. défie le moratoire sur la fracturation hydraulique émis par la province canadienne de Québec et poursuit le gouvernement canadien pour des compensations.
« Le cas de Lone Pine montre que les gouvernements sont très sujets à des conflits investisseurs-États contre le principe de précaution dans le cadre de projets énergétiques controversés » a déclaré Stuart Trew, qui mène les campagnes sur les questions commerciales chez le Conseil des Canadiens. « Le système de règlement des différends d’investisseurs à États dans le projet de l’AECG créerait des risques inutiles pour les communautés européennes pesant les avantages et les inconvénients de la fracturation hydraulique ».
Les Etats membres de l’UE ont déjà une expérience de différends d’investisseurs à États qui compromettent les énergies renouvelables et les politiques de protection de l’environnement. L’Allemagne est actuellement poursuivie en justice par la firme Vattenfall en raison de la sortie du pays du nucléaire. Vattenfall exige 3,7 milliards € en compensation de perte de profits.
« Les membres du Parlement Européen devrait mettre l’intérêt public avant celui des investisseurs, et s’opposer au mécanisme de règlement de litige entre les investisseurs et l’État dans l’AECG. Ce dernier ouvrirait la voie à des millions d’euros d’indemnités à être versées aux grandes entreprises par les contribuables européens, pour une législation dans l’intérêt public » a expliqué Pia Eberhardt, du Corporate Europe Observatory.
Les négociations de l’AECG entre l’UE et le Canada ont été lancées lors d’un sommet bilatéral en mai 2009. Plusieurs des chapitres proposés dans l’accord vont contraindre l’espace politique de l’UE et de ses États membres, mettant des mesures efficaces et légitimes de protection de l’environnement en danger de litiges commerciaux ou d’investissements du Canada. Les négociateurs espèrent conclure l’accord avant l’été.
Le Corporate Europe Observatory, le Conseil des Canadienset le Transnational Institute exhortent l’UE, les États membres et le gouvernement canadien de ne pas inclure un système de règlement de litige entre les investisseurs et l’État dans l’AECG.
Notes :
[1] http://corporateeurope.org/fr/publications/le-droit-de-dire-non-l-accord-commercial-entre-le-canada-et-l-union-europ-enne-menace[2] La France, la Bulgarie et la région de Cantabrie dans le nord de l’Espagne ont déjà interdit la fracturation hydraulique au nom de préoccupations environnementales, tandis que la Roumanie, l’Irlande, la République tchèque, le Danemark et le Nord-Westphalie en Allemagne ont proclamé un moratoire. Tout comme dans les pays où un moratoire a été déclaré, les projets prévus aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suisse ont été suspendus jusqu’à ce que l’on procède à des évaluations sur les risques environnementaux. En Norvège et en Suède, la fracturation a été déclarée économiquement non viable. Des projets en Autriche et en Suède ont été annulés pour la même raison, sans mesures législatives.
[3] Il y a beaucoup de compagnies pétrolières et gazières, dont le siège ou des bureaux sont au Canada, qui ont déjà commencé à explorer les réserves de gaz de schiste en Europe, notamment en Pologne. Bien que beaucoup de ces entreprises ne soient pas strictement canadiennes, une filiale basée au Canada leur permettrait de contester les interdictions et régulations de la fracturation via l’AECG. Il est amplement prouvé que les entreprises vont changer leur nationalité afin de bénéficier d’un tel traité.
Amsterdam/Bruxelles/Ottawa, le 6 mai 2013
Source :
En savoir plus :
Consulter le document d’information (8 pages) « Le droit de dire non » téléchargeable (en pdf) en cliquant ci-après : ceta-fracking-briefing-fr