1948- 2013 : 65 ans d’un nettoyage ethnique … qui continue en toute impunité !
Par François Leroux
15 mai 1948 : lorsque cinq pays arabes entrent en guerre contre Israël au lendemain de sa déclaration d’indépendance, le nettoyage ethnique de la Palestine est déjà bien entamé. Les non juifs de Tibériade (18 avril), de Haïfa (22 avril), de Jérusalem-Ouest (30 avril), de Safad et Beisan (début Mai), de Jaffa (13 mai)… ont déjà été expulsés par la force ou la terreur. Des dizaines de villages ont déjà été détruits ou rasés et la population parfois massacrée par les milices sionistes comme à Deir Yassine le 9 avril.
Entre le vote de l’ONU du 29 novembre 1947 qui recommande à la puissance mandataire la partition de la Palestine en 2 Etats (qui, sans l’approbation de la population palestinienne autochtone, contrevenait aux principes des Nations Unies sur le droit à l’autodétermination) et le 15 mai 1948, plus de 400 000 Palestiniens furent chassés de leurs terres et de leurs maisons. 400 000 autres le furent après le 15 mai par l’armée israélienne.
Cette séquence des faits est souvent inversée dans les chronologies accompagnant des revues ou livres traitant de cette période. Les réfugiés n’apparaissent, quand ils ne sont pas oubliés, qu’après le 15 mai 1948 et que comme une conséquence de la guerre déclenchée par les pays arabes ! Alors que ce nettoyage ethnique était planifié : « plan Daleth » finalisé le 10 mars 1948 !
Le groupe de l’AFPS qui travaille sur le thème « Israël Palestine dans les manuels scolaires » a interpellé des éditeurs sur la présentation de cette période et prépare un colloque au Sénat en septembre.
Au total plus de 500 villages furent détruits ou rasés et plus de 800 000 Palestiniens expulsés et contraints de se réfugier au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Cisjordanie, à Gaza. (75% des habitants sont des réfugiés)… Le 11 décembre 1948 l’Assemblée générale de l’ONU vote la résolution 194 sur le droit au retour pour les réfugiés. L’expulsion de plus de 80% des habitants non-juifs du territoire devenu israélien, lui- même étendu par la guerre d’annexion à 78% de la Palestine mandataire, à partir des 55% attribués à un « Etat juif » par le plan de partage, constitue un véritable nettoyage ethnique.
Si la Nakba (la « catastrophe » de 1947 à 1949) est l’évènement le plus important dans le processus de dépossession et d’expulsion des Palestiniens, la politique coloniale du mouvement sioniste est continue depuis sa création et s’est poursuivie après 1948 dans le cadre de l’Etat israélien avec ses moyens armés, administratifs, judiciaires…
L’historienne Sandrine Mansour-Mérien le montre bien dans son livre récent « L’histoire occultée des Palestiniens 1947-1953 »(éditions Privat). Elle propose une nouvelle définition de la Nakba au niveau de sa datation. Partir de 1947 pour arriver en 1953 implique que la cause de l’expulsion n’est pas la guerre mais bien liée à un projet bien plus ancien et qui a continué à être appliqué sur le terrain pour arriver à ce que l’historien palestinien Nur Masalha disait être le projet sioniste : « Plus de terre et moins d’Arabes ». Ainsi de 1949 à 2000, 54 autres villages ont été rasés en Israël et 52 000 Palestiniens chassés ( source : Palestinian Land Society), sans compter les villages bédouins du Neguev dont des centaines d’habitation sont rasées tous les ans et dont plus de 10 villages sont menacés de démolition par le gouvernement israélien (plan Prawer).
En 1967 la guerre et l’occupation israélienne de la Cisjordanie ajoutent plus de 300 000 nouveaux réfugiés.
Si des historiens ou de rares personnalités israéliennes ont reconnu ce qui s’est réellement passé en 47- 49, les dirigeants israéliens successifs sont dans le déni et présentent les Palestiniens et les pays arabes comme les responsables des 5 millions de réfugiés ! Ils refusent de reconnaître le droit au retour des Palestiniens y compris son principe, point central de toute négociation sérieuse, alors même qu’Israël avait dû avaliser toutes les résolutions de l’ONU (y compris la 194) pour être admis à l’ONU le 11 mai 1949. Sur cette question, les dirigeants occidentaux se taisent ou s’alignent sur la position israélienne !
En 2013 un nettoyage ethnique rampant continue avec le Mur d’annexion, l’asphyxie économique d’enclaves comme celle de Qalqilya. Dans la vallée du Jourdain, 37 colonies (plus 10 avant-postes) et 24 bases militaires occupent 77% de l’espace et refoulent les Palestiniens en spoliant leur terre et leur eau, en détruisant leurs habitations, leurs puits… Les Palestiniens n’y sont plus que 67000 au lieu d’environ 260 000 avant 1967.
Devant ces crimes et ce constat accablant des sanctions fortes s’imposent contre l’Etat d’Israël qui de plus enferme la population de Gaza régulièrement agressée, réprime et emprisonne massivement,… Et un Etat de Palestine viable et souverain, sans colonies, avec Jérusalem-Est comme capitale doit être reconnu sans conditions par la France !
François Leroux,
Bureau National de l’AFPS , 15 mai 2013
Source : Association France-Palestine Solidarité (AFPS)
http://www.france-palestine.org/1948-2013-65-ans-d-un-nettoyage
A LIRE :
« L’histoire occultée des Palestiniens (1947-1953) » par Sandrine Mansour-Mérien, Ed. Privat, Collection Histoire , 350 p, 17 €, 2013.