Diaconia, un autre visage de l’Eglise catholique
Par Laurent Grzybowski
Du 9 au 11 mai, 12 000 personnes engagées dans la lutte contre l’exclusion et la pauvreté se sont rassemblées à Lourdes, dans le cadre du projet Diaconia, lancé par l’Eglise catholique en France.
12 000 personnes venues de toute la France, dont 3 000 en situation de précarité, délégués par leurs diocèses, ont participé du 9 au 11 mai au rassemblement Diaconia 2013 à Lourdes, sur le thème : « Servons la fraternité ». Une démarche inédite et originale, confortée par la force des premiers mots et gestes du pape François. Le jour-même de son élection, le 13 mars, ce pape proche des pauvres avait appelé les catholiques à vivre « un chemin de fraternité ». A tel point que, les jours suivants, les inscriptions avaient grimpé en flèche, passant de 8 000 à 12 000 participants. C’est la première fois que les catholiques engagés dans la solidarité et dans le service des autres se rassemblent en masse… avec ceux-là mêmes qu’ils rencontrent quotidiennement par le biais de leur engagement : personnes de la rue, familles en précarité, chômeurs, prisonniers, gens du voyage, migrants avec ou sans-papier, malades ou handicapés…
« Face à la crise, nous refusons le fatalisme car nous avons une bonne nouvelle à annoncer », nous a expliqué Mgr Bernard Housset, président du Conseil national de la solidarité. «Tous, qui que nous soyons, nous pouvons trouver notre bonheur dans le service des autres et notamment des plus fragiles. Ceux-là ne veulent plus être considérés comme des assistés, mais comme des partenaires, c’est pourquoi nous cherchons à promouvoir la réciprocité des échanges. Les personnes en situation de fragilité ont des richesses à partager. Ils ne veulent pas simplement recevoir une aide, un sourire ou une attention, ils veulent aussi donner. Et ils ont beaucoup à nous donner. »
Membre du groupe Place et parole des pauvres, Marie-France a raconté face à la foule rassemblée dans la basilique souterraine Saint Pie X comment, un jour, elle avait découvert un tag inscrit sur le mur d’une église dont les portes étaient fermées, « Ouvrez la porte de l’église, Dieu est à tous ! », et comment cette parole avait fortement résonné en elle. Longuement applaudie, cette militante a ajouté : «Quelle place faisons-nous aux plus petits et aux plus fragiles dans nos paroisses ? Comment sont-ils pris en compte et vraiment inclus dans la communauté ? Vivre la fraternité n’est pas réservé aux spécialistes, ce doit être l’affaire de toute la communauté chrétienne. »
Par sa dimension à la fois sociale et populaire, par son ouverture aux autres, Diaconia a été aussi l’occasion de présenter un visage d’Eglise différent de celui des manifestations contre le mariage pour tous. « Dans le contexte de crise écologique, économique et financière que nous traversons, le rassemblement Diaconia est une manière d’affirmer que la rencontre et le partage avec les personnes fragilisées peuvent transformer des regards, des vies, des communautés et la société toute entière », a expliqué François Soulage, président du Secours catholique, l’un des initiateurs de la rencontre. « Avec Diaconia, l’Eglise montre aussi qu’elle peut s’intéresser à autre chose qu’au mariage gay, ou en parler autrement. Il y a parmi les participants des membres de l’association David et Jonathan, rassemblant des chrétiens homosexuels qui n’ont pas le même vision que ceux qui sont allés manifester contre le mariage pour tous. »
Ils sont en effet nombreux, dans les associations et les réseaux caritatifs, à penser qu’il est temps de tourner la page sur ce sujet. «Pourquoi descendre encore dans la rue le 26 mai ? », s’interroge Julien, 25 ans, militant de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), qui voit dans ces manifestations à répétition un « phénomène de classe ». A Lourdes, dans les conversations, beaucoup ont d’ailleurs dit leur ras-le-bol de voir leur Eglise associée à la droite ou à l’extrême droite, voire à des groupes franchement homophobes. Et ont regretté que les catholiques se soient autant mobilisés sur cette question… au détriment d’un combat qui leut paraît bien plus légitime : la lutte contre l’exclusion.
Jusqu’à l’évêque de Nanterre, Mgr Gérard Daucourt, qui n’a pourtant pas ménagé sa peine ces derniers mois pour mobiliser les catholiques de son diocèse contre le mariage gay. Lors d’un forum organisé pendant la rencontre, il n’a pas hésité à affirmer : « Si les catholiques mettaient autant d’énergie à combattre toutes les formes d’exclusion dans l’Eglise et dans la société qu’ils en ont mis à dénoncer le mariage pour tous, il n’y aurait plus un seul pauvre à l’entrée de nos églises. »
Laurent Grzybowski – 13 mai 2013
En savoir plus :
• Lire le message final du rassemblement «Diaconia 2013 Servons la fraternité », à Lourdes, du 9 au 11 mai 2013 en cliquant ICI
• Site de Diaconia 2013 : http://diaconia2013.fr/