Evasion fiscale : l’Union européenne repousse un éventuel accord à plus tard
A l’issue d’un sommet européen consacré à la lutte contre la fraude fiscale, mercredi 22 mai, François Hollande a assuré que « ceux qui pensaient échapper à l’impôt en se réfugiant dans des paradis fiscaux doivent comprendre que le temps de l’impunité est terminé ».
Si le chef de l’Etat a dit qu’il n’accepterait pas de conditionner l’échange d’informations bancaires de particuliers à des pratiques similaires de la part de pays tiers, il a reconnu que le Luxembourg et l’Autriche, les deux pays qui refusent de lever le secret bancaire, n’ont pas changé de position et « maintiennent leurs exigences pour l’instant ».
Pour autant, il a indiqué que l’Autriche comme le Luxembourg avaient approuvé le communique final du conseil, qui prévoit que, dès le mois de juin, l’Union européenne « fera en sorte de favoriser les échanges automatiques d’informations » et négociera ensuite avec les pays tiers concernés avant d’adopter une directive sur l’épargne à la fin de l’année. Un accord sur l’échange automatique d’informations est attendu « avant la fin de l’année », a confirmé le président du Conseil de l’Union europénne, Herman Van Rompuy.
« Révision de la directive épargne »
L’échange automatique d’informations est déjà prévu dans une loi européenne sur les revenus de l’épargne, datant de 2003. Mais Vienne et Luxembourg bénéficient pour l’instant de dérogations. Il y a « un consensus sur la révision de la directive épargne », qui devrait étendre l’échange automatique d’informations à d’autres revenus que ceux de l’épargne, a précisé M. Van Rompuy. Le Luxembourg et l’Autriche bloquaient depuis 2008 l’adoption de cette directive révisée. Les deux pays se sont dits prêts à s’y rallier à condition d’être traités sur un pied d’égalité avec d’autres pays comme la Suisse.
M. Hollande, qui a annoncé qu’il recevrait Angela Merkel le 30 mai afin de mettre la dernière main à la contribution franco-allemande sur les nouvelles étapes de l’intégration de l’euro au Conseil européen de juin, s’attend néanmoins à des décisions européennes « à la fin de l’année ».
Les observateurs s’attendaient à ce que le sommet ne débouche pas sur des avancées concrètes, en raison notamment de l’attitude de l’Autriche et du Luxembourg. L’enjeu de cette rencontre était avant tout de convaincre ces deux pays de se convertir à l’échange automatique d’informations bancaires, de façon à ce qu’il n’y ait pas de distorsion au sein de l’Union européenne, et que l’Europe présente un front uni au niveau international.
Source : Le Monde.fr avec AFP et Reuters – 22 mai 2013
Pour ALLER PLUS LOIN :
Lire l’étude « Paradis fiscaux : l’industrie du secret » de Jean Merckaert, rédacteur en chef de la « Revue Projet », cofondateur en 2005, pour le CCFD-Terre Solidaire, de la plateforme d’associations et de syndicats contre les paradis fiscaux et judiciaires.
Ci-après le début de ce texte :
« L’affaire Cahuzac et l’« Offshore Leaks » révèlent l’existence, derrière les îlots exotiques, d’une industrie à part entière : celle de l’opacité financière. C’est elle que cible la loi américaine, en obligeant les banques étrangères à informer le fisc. L’Europe résiste encore à l’échange automatique des données. Se donnera-t-on les moyens pour sanctionner les fraudeurs et leurs complices ?
À l’heure où je prends la plume, la France suit avec une curiosité mêlée d’angoisse le sort d’un braqueur de banques qui s’est évadé de la prison de Sequedin (Nord), après avoir fait sauter quelques portes blindées et pris en otage des gardiens. De l’avis des commentateurs, ce qui distingue l’évasion artisanale de l’évasion professionnelle, c’est la capacité à prévoir un plan pour ne pas se faire reprendre. Car l’évadé n’agit jamais seul : il a besoin de planques, de transporteurs, de logisticiens, de faussaires, de complices pour le camoufler, sans le dénoncer.
Dans le domaine fiscal, l’évasion procède du même esprit, avec la même nécessité : le secret. Mais elle n’est pas toujours illégale : elle parvient souvent à tirer profit des interstices de la loi, seule la notion de fraude étant inscrite au Code pénal. Surtout, tandis que notre braqueur a toutes les polices européennes à ses trousses, celui qui dépouille la collectivité –nous ne traiterons ici que des particuliers– et ceux qui l’y aident et le protègent jouissent d’une relative impunité. Le constat sera-t-il totalement caduc après le vent de révolte qui souffle, en France, en Europe, au G20, à l’issue de l’affaire Cahuzac et de l’« Offshore Leaks » ? Il est encore tôt pour l’affirmer. »
La version intégrale de ce texte est disponible en ligne
depuis le 21 mai 2013 sur le site de Revue-Projet à :
http://www.revue-projet.com/articles/paradis-fiscaux-l-industrie-du-secret/
En savoir plus sur la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, consulter le site à :
http://www.stopparadisfiscaux.fr/