Des racines et du zèle
par Christiane Bascou
Un jour de grosse pluie à Mayotte, de petites vallées en culs de sac, j’ai perdu mon chemin dans la montagne. Je commençais à m’inquiéter sérieusement quand j’ai été ‘sauvée’ par une femme qui rentrait de son petit champ perdu dans les hauteurs. Elle était pieds nus et lourdement chargée d’un gros sac de brins de riz en baluchon sur la tête, et pourtant j’avais du mal à suivre son allure immuable, sur les sentiers boueux et glissants, malgré mes chaussures de randonnée… une grosse pierre mal équilibrée a même cédé sous mon pied sur le terrain raviné et a failli m’entraîner dans sa chute. Remarquant que mon guide calait ses pieds surtout sur des racines, j’ai mis mes pas dans les siens… J’ai vu alors que partout les racines qui affleurent sont lisses, patinées par les milliers de pieds qui les ont foulées, alors que les pierres, même grosses, n’en portent pas toujours les traces, et ma pensée a dérivé vers l’idée même de racines: grandes ou petites, solidement arrimées au tronc, nourries de sa sève, souples sous le pied et élastiques, elles lui redonnent de l’élan, exactement comme les racines de la foi chrétienne, sur lesquelles notre vie peut s’appuyer et rebondir: l’Amour de Dieu inconditionnel, / la Bonne Nouvelle du pardon et de la vie toujours possibles / la solidarité avec tout être humain / l’engagement pour la paix et la justice… Ces racines sont directement reliées à Jésus, notre “tronc commun”, à son enseignement et surtout à sa vie. Nous pouvons guider nos pas sur ces racines divines en confiance : elles nous porteront toujours, en restant vivantes et souples.
Quant aux jalons souvent rigides construits par les hommes au cours de leur histoire, ils répondent à un besoin et sont utiles au moment où on les pose, mais au fil du temps, comme pour les grosses pierres du chemin, leur fondement, leur légitimité s’effritent et ils deviennent inutiles, voire dangereux. Alors ils doivent être remplacés par d’autres, et comme toutes choses humaines, être emportés par le temps.
Marchons sur les racines !
Cet article est extrait du Bulletin n°55 du CELEM (Chrétiens Et Libres En Morbihan, association adhérente de NSAE)