Un prisonnier politique expiatoire
Georges Ibrahim Abdallah,
trentième année dans les prisons françaises. Un appel d’élus
Par Alain Gresh
J’ai déjà évoqué à plusieurs reprises le cas de Georges Ibrahim Abdallah, notamment dans Le Monde diplomatique (avec Marina Da Silva, « Georges Ibrahim Abdallah, un prisonnier politique expiatoire », mai 2012, [1]). Il entame, demain 24 octobre 2013, sa trentième année d’incarcération. Il existe peu de prisonniers politiques qui sont, à l’heure actuelle, encore embastillés pour une si longue période, à part des Palestiniens oubliés de tous et, à ma connaissance, personne d’autre.
Georges Ibrahim Abdallah lors de son procès (1987)
Son sort est tellement scandaleux que même l’ancien préfet Yves Bonnet, patron de la Direction de la sécurité du territoire (DST) de 1982 à 1985, et ex-député UDF, demande sa libération (« Le sort de Georges Ibrahim Abdallah », Sud-Ouest, 17 septembre 2013, [2]).
Lire également « Georges Ibrahim Abdallah, prisonnier des raisons d’Etats », par Pascal Priestley (TV5 monde, 24 octobre 2013) [3].
Un livre témoignage, Où le sang nous appelle (Le Seuil), écrit par Daniel Schneidermann et Chloé Delaume, évoque longuement le cas de Georges Ibrahim Abdallah, dont Delaume est la nièce [4] . On trouvera, sur le site de cette dernière, un texte où elle raconte qu’elle a remis l’ouvrage à Christiane Taubira qui, avec d’autres, a son mot à dire sur le dossier (« #Sérail, famille, magie », 8 octobre 2013, [5]) :
« Mon père, mes oncles, ma famille. Le caveau de mon père, mon oncle Georges en prison. Visiter papa ça c’est fait, comment s’y prendre avec Tonton. Georges Ibrahim Abdallah, emprisonné depuis 30 ans, combattant libanais dans une cellule de France. Prisonnier politique. Peut-être libéré à condition d’être expulsé immédiatement vers le Liban, dès sa sortie. Il suffirait pour ça que Manuel Valls signe l’arrêté. A quoi bon froisser l’ambassade américaine, indisposer l’Etat d’Israël pour ce détenu. Georges Ibrahim Abdallah, marxiste, cause palestinienne, des fractions et des guerres devenues d’outre siècle. Il préfère ne pas, Manuel Valls. Depuis janvier dernier, et il ne bougera pas. Aucun intérêt, ni pour lui, ni pour la France, dans cette histoire.
Penser à l’émission Faites entrer l’accusé, ses affaires criminelles grouillant de pédophiles meurtriers récidivistes. Entre la bonne conduite et les remises de peine, ils sortent après 15 ans. Réaliser qu’en France certains combats ne se purgent que par la perpétuité, les années de plomb se paient cher, et l’outre-siècle n’est plus coté.
Ce week-end j’ai loupé la Nuit Blanche. Mais j’ai donné Où le sang nous appelle à Christiane Taubira.
Ce livre ne porte en lui aucun sort de libération, il n’a pas le pouvoir de modifier le réel. Faire sortir un oncle de prison, c’est beaucoup plus difficile que de tuer sa grand-mère.
Le performatif ne fonctionne pas, ici dire n’est pas faire. Même si Christiane Taubira est une femme puissante, qui fait parce qu’elle a dit. Même en imaginant qu’elle se trouve convaincue, faire sortir Georges, elle ne pourrait pas. Le gouvernement français ne va pas s’emmerder pour un vieux communiste arabe, l’Ennemi numéro 1, la peur est toute mitée, plus personne ne sait qui c’est, Georges Ibrahim Abdallah.
Il a raison, François Hollande, “La politique ce n’est pas de la magie”. Par contre, la magie peut être politique. Alors si cet hiver un cyclone fait tomber les murs de la Centrale de Lannemezan, il n’est pas impossible qu’il soit revendiqué. D’ici là je vais devoir maîtriser le sumérien. »
Dans une déclaration faite le 23 octobre à la presse, son avocat, Me Jean-Louis Chalanset, déclare : « Aujourd’hui dans la 30ème année de sa détention, on refuse de l’expulser, seule condition à sa libération, au mépris des décisions des juges et au mépris de tous les usages concernant un étranger condamné à une peine criminelle. Il convient de souligner que jamais en France un prisonnier politique n’a été détenu aussi longtemps que Georges Ibrahim Abdallah. »
Il évoque aussi la lettre que, pour la première fois, des élus, députés, sénateurs, maires, conseillers régionaux — socialistes, communistes, Verts, ainsi qu’une centriste — adressent au président de la République pour réclamer sa libération et son retour au Liban, dont les autorités sont prêtes à l’accueillir. Nous la publions ci-après *.
Alain Gresh – 23 octobre 2013
Source : http://blog.mondediplo.net/2013-10-23-Georges-Ibrahim-Abdallah-trentieme-annee-dans-les
Notes :
[1] http://www.monde-diplomatique.fr/2012/05/DA_SILVA/47661 [2] http://www.sudouest.fr/2013/09/17/le-sort-de-georges-ibrahim-abdallah-1170987-2780.php [3] http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/Georges-Ibrahim-Abdallah/p-26598-Georges-Ibrahim-Abdallah-prisonnier-des-raisons-d-Etats.htm [4] http://livre.fnac.com/a6063632/Chloe-Delaume-Ou-le-sang-nous-appelle – ficheResume [5] http://www.chloedelaume.net/?p=2360* Lettre ouverte d’élus au président de la République française : téléchargeable en cliquant ci-après :
Lettre ouverte au président de la République