L’Eglise catholique se met au remue-méninges participatif
Alors qu’un synode extraordinaire sur la famille doit se réunir en octobre 2014 à Rome, le Vatican a envoyé aux conférences épiscopales du monde entier un questionnaire préparatoire, afin de faire remonter l’avis des catholiques sur les différentes problématiques qui pourraient être traitées l’an prochain à Rome.
Par Stéphanie Le Bars
L’ère de la démocratie participative vient-elle de s’ouvrir au Vatican ? Le document qui devait être publié mardi 5 novembre par Rome pourrait le laisser penser. En trente-huit questions portant sur les thèmes sensibles de la famille, des « situations matrimoniales difficiles », des divorcés, de la contraception ou des unions homosexuelles, l’Eglise catholique invite à une collecte d’informations et à un remue-méninges généralisé. L’objectif est d’alimenter les réflexions du synode des évêques, prévu en octobre 2014 sur les « défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation ».
Améliorer l’offre pastorale
De manière inhabituelle, Mgr Lorenzo Baldisseri, secrétaire général de ce synode, a demandé, mi-octobre, aux évêques du monde entier de diffuser ce document « immédiatement et le plus largement possible dans les doyennés et les paroisses ». Le public visé demeure flou, mais la Conférence des évêques anglais n’a pas attendu de plus amples consignes et pourrait faire des émules : elle a publié le questionnaire en ligne, permettant à tous les catholiques, « laïcs, prêtres, séminaristes, aumôniers, catéchistes… », qui le souhaitent de participer à ce sondage inédit. L’évêque de Guyane, lui, a déjà publié le texte sur le site de son diocèse. Depuis son élection, le pape François promet un travail plus collégial et une plus grande participation des laïcs au sein de l’institution catholique, qu’il juge trop centralisée.
Avec ce questionnaire, le Vatican cherche à la fois à dresser un état des lieux des situations matrimoniales des croyants à travers le monde, à évaluer la pénétration de son message au sein des familles actuelles et à ouvrir des pistes pour améliorer son offre pastorale face à de nouvelles demandes. « Au sein même de l’Eglise, la sacralité du mariage montre des signes de faiblesse, voire de total abandon », regrette le document. Il évoque les situations nouvelles et culturellement très diverses, qui requièrent, selon l’Eglise, « une attention » renouvelée : « Pratiques qui ne conduisent pas au mariage, union et adoption par des personnes de même sexe, mariages interreligieux, polygamie, système de castes et de dot, familles monoparentales, formes de féminisme hostiles à l’Eglise, reformulation du concept de famille, mères porteuses… »
Si, au travers du questionnaire, l’Eglise semble ouvrir quelques pistes, notamment envers les couples homosexuels, les divorcés-remariés, les non-pratiquants qui demandent le mariage ou le baptême pour des enfants élevés au sein de « mariages irréguliers », elle ne paraît guère encline à voir évoluer les fondements de sa doctrine sur le contrôle des naissances. Se référant à l’encyclique Humanae vitae, publiée en 1968 par Paul VI, qui écarte toute contraception artificielle, le document s’interroge certes « sur les aspects les plus problématiques qui rendent difficile l’acceptation de cette doctrine par la plupart des couples », mais il appelle surtout à « des approfondissements » autour de ces questions. Et invite même les croyants à trouver des moyens de « favoriser la croissance des naissances ».
Les conclusions de ce travail devraient déboucher en 2015 sur des orientations concrètes. L’ampleur des suggestions retenues dira la capacité de l’Eglise à prendre en compte la voix de son peuple.
Stéphanie Le Bars
Source : publié dans Le Monde daté du 6 nov. 2013.
En savoir plus :
LIRE l’intégralité du document intitulé « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation », téléchargeable (pdf) en cliquant ci-après : DocumentSynodeQuestionnaire04.11.13