« Le combat perdu de l’Eglise » ? *
Par Christine Fontaine
Membre de l’équipe animatrice « Dieu maintenant »
Cette Eglise dont beaucoup de croyants se séparent
Une jeune femme est dans un train avec sa fillette de 7 ans. Peu de temps auparavant, la petite lui avait demandé : « C’est quoi, Dieu ? » et la maman, un peu démunie, lui avait offert l’Ancien et le Nouveau Testament rédigé pour des enfants. La fillette, pendant le voyage, s’amuse à modeler des personnages : « Celui-là, c’est Jésus – celle-là, c’est Marie, la maman de Jésus – cet autre là, c’est Joseph : il a adopté Jésus quand il est né. » Tout le monde, dans le wagon, profite des commentaires de l’enfant et s’en amuse. Une grand-mère lui dit : « Tu en sais des choses ! » et la petite de répondre : « J’ai lu tout le Nouveau Testament. L’Ancien pas encore, c’est trop compliqué ! ». Alors la maman qui s’était tue jusque là sent la honte lui monter au visage. Elle a honte que l’on puisse penser qu’elle appartient à cette Eglise qualifiée de réactionnaire. Ainsi en va-t-il de nombreux catholiques. Profondément croyants au Dieu de Jésus-Christ, ils demeurent dans l’Eglise ou sur ses marges mais ils ne sont pas pour autant solidaires de son fonctionnement. D’autres s’en sont complètement détachés et déclarent : « Jésus-Christ, oui mais l’Eglise, non jamais ! »
Pourquoi des croyants s’éloignent-ils de l’Eglise ? A-t-on raison de la qualifier de réactionnaire ? Quelles sont les situations concrètes sur lesquelles buttent des chrétiens ? Est-il possible de dégager le système dans lequel elles sont prises ? Des changements sont-ils possibles pour que ces catholiques retrouvent leur fierté ?
* Le titre – sans point d’interrogation – est de Danièle Hervieu Léger (« Le Monde » du 12 janvier 2013)
Cet article, en trois chapitres, tente d’opérer un va-et-vient entre des situations concrètes et le système qui les sous-tend (cliquer ci-après sur le lien internet pour accéder à chacune des parties) :
– Des lois qui ne fonctionnent plus ?
(Des lois à 1% – Loi et Tradition – Un pouvoir totalitaire ?)
http://www.dieumaintenant.com/lecombatperdudeleglise.html#chapitre1
– Dans quelle culture vivons-nous ?
(Deux systèmes de pensée incompatibles – Un système centré – Un système décentré – La crise de l’Eglise institutionnelle)
http://www.dieumaintenant.com/lecombatperdudeleglise.html#chapitre2
– La rupture instauratrice
(Dans l’Evangile, des lois à 0% – Le Dieu de l’Hospitalité inconditionnelle – La place de l’Eglise dans la société aujourd’hui)
http://www.dieumaintenant.com/lecombatperdudeleglise.html#chapitre3
Le texte complet (9 pages sans illustration) est téléchargeable en cliquant ci-après :
Source : publié le 30.09.2013 à : http://www.dieumaintenant.com/lecombatperdudeleglise.html
L’article de Madame Fontaine est passionnant et extrêmement riche.
Cependant, il est insuffisant car trop situé dans le contexte de la société occidentale et de sa culture.
Avant de poursuivre, et pour bien préciser les choses, je dirai que je suis catholique, pratiquant, et même membre de la hiérarchie de l’église catholique car je suis diacre permanent.
En dehors de l’église, ingénieur de formation, je suis devenu historien et exégète.
En ce qui concerne la relation de l’homme et de la femme, l’humanité a dû trouver des solutions à une contradiction fondamentale :
• d’une part, la seule certitude, concernant le don de la vie, c’est la maternité.
• D’autre part, la richesse (sauf dans de rares cas) est détenue par la partie masculine de la population, ce n’est pas pour rien qu’on appelle le patrimoine.
Au fil des temps, les groupes humains ont élaboré une multitude de solutions pour résoudre la contradiction fondamentale. On peut se référer avec profit à une étude un peu ancienne mais extrêmement approfondie exposant un grand nombre des solutions mises en œuvre :
« Histoire du mariage sous toutes ses formes » par le professeur Giraud – Teulon.
On peut dire que la position traditionnelle et actuelle de l’église prend place dans la recherche par l’humanité d’une solution à sa contradiction fondamentale.
Un fait généralement ignoré ou passé sous silence, c’est la nature de la participation respective de l’homme et de la femme dans la conception de l’enfant.
À l’époque de Jésus, la femme n’était que la dépositaire d’un embryon déposé en elle par l’homme, à charge pour elle de l’amener à maturité pour sa naissance. On peut retrouver trace de cette conception, par exemple dans les anciennes litanies de la Vierge : « Vase de pureté »
La connaissance que nous avons maintenant du processus de la conception n’a jamais été vraiment intégrée par l’église dans sa théologie. Il faut dire que le faire ouvrirait un vaste champ d’études et de polémiques sur la conception de Jésus et la virginité de Marie.
En ce qui concerne, maintenant, les lois, on peut dire, très schématiquement, il existe deux grandes catégories de lois : les lois physiques régissant l’univers et les lois spirituelles qui doivent régir les hommes en société. Les unes et les autres étant supposés avoir été élaborés et dictés par Dieu (ou par une divinité).
Les lois de l’univers étant supposées immuables, on pense qu’il doit en être ainsi pour les lois spirituelles. Or, l’évolution de la connaissance montre que, en l’état actuel des choses, les lois physiques, loin d’être immuables, sont plutôt de nature statistique. Pour illustrer cela, voici un exemple sommaire :
On disait autrefois que si on donne une impulsion en ligne droite à une bille sur un tapis de billard (c’est-à-dire sans effet), elle suivra une trajectoire rectiligne.
De nos jours, la formulation sera plutôt que la bille suivra probablement une trajectoire rectiligne et, pour être plus précis, on ajoutera que la trajectoire ne pourra jamais être rectiligne car, dans notre univers réel, la ligne droite n’existe pas physiquement (une ligne est « à peu près » droite mais , soumise physiquement à quantité de contraintes comme, par exemple, la gravitation, elle s’incurve). Notre univers obéit à des lois physiques qui ne sont pas immuables, mais statistiques.
Si ces lois physiques de nature statistique sont issues de la volonté d’une divinité, pourquoi n’en serait-il pas de même des lois spirituelles ?
En ce qui concerne le Royaume, ses conditions d’entrée et ses caractéristiques, il faut, en priorité, se référer à l’Évangile de Matthieu. En effet, il évite soigneusement de parler de « royaume de Dieu », formulation qui laisserait supposer l’existence d’un royaume dont Dieu est le roi. Mathieu parle de « royaume des cieux », expression qui définit beaucoup plus un espace qu’une entité politique : à son époque Jésus n’avait pas d’autre mot que le mot royaume pour désigner un espace destiné à accueillir l’humanité.
Dans l’Évangile de Matthieu, également, la condition d’entrée dans le royaume est le service. Un service très particulier que Matthieu définit en opposition avec le service que je qualifierais de « servile », un service de disponibilité pour lequel il emploie le mot « diakonèia », celui qui exerce ce service étant qualifié de « diaconos ».
Le prototype de ce type de services, c’est Jésus lui-même qui déclare :
« Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir. »
C’est-à-dire que c’est son libre choix personnel de se mettre au service, sans définir a priori ni qui servir, ni servir à quoi.
Bien entendu, l’impulsion initiale déclenchant procédure, c’est l’Amour.
Madame Fontaine a raison de dire que Jésus n’a pas donné de lois au sens propre, il n’a donné qu’un commandement qui englobe toutes les lois : « aimez-vous les uns les autres ». Et il faut se rappeler qu’en hébreu le mot commandement (mitzvah) ne signifie pas un ordre mais une direction à suivre.
Alors, l’église, que doit-elle être ?
Ce n’est pas à moi de définir ce que doit être une église. Je voudrais simplement qu’elle accepte de formuler et de réfléchir à toutes les contradictions qui existent en elle et, en complément, réfléchir à cette formule issue du manuel de discipline générale des armées :
« La réclamation n’est permise aux subordonnés que lorsque l’ordre a reçu un commencement d’exécution. »