FAMILLE : REFLEXION DE LA COMMISSION «NSAE ET EVANGILE»
La Commission « NSAE et Evangile » a publié le 13 décembre 2013 le texte ci-après issu de la réflexion menée à partir du questionnaire du Vatican préparatoire au Synode sur la famille.
Le Vatican a rédigé un questionnaire envoyé aux évêques à propos du synode sur la famille prévu en 2014, en vue de préparer les lineamenta, document préparatoire habituellement rédigé à partir de la consultation des seuls évêques, et qui sert à rédiger l’instrumentum laboris, document destiné au synode et pouvant être soumis aux instances locales préparant le synode. La nouveauté ici est que le questionnaire ait été diffusé plus largement et qu’il ait ainsi été porté à la connaissance des fidèles ; certains évêques ont lancé des consultations, choisissant et limitant éventuellement les questions traitées.
Nous souhaitons profiter de la révélation publique de ce questionnaire pour mettre en lumière les concepts dépassés et le fossé idéologique qui s’est creusé entre la théologie officielle du Vatican concernant ces questions et la réflexion et le vécu concret des hommes et des femmes d’aujourd’hui.
Nous ne nous sommes pas situés dans le cadre du système de consultation mené par les évêques – même si certains d’entre nous ont participé à des rencontres organisées par eux – et n’avons pas envisagé de répondre à la totalité des questions posées. Nous voulons participer à l’élaboration d’une réponse commune de nos groupes de chrétiens progressistes à NSAE et à Parvis.
Quelques points importants issus de la réflexion de la commission en lien avec un texte de Philippe GRAZON et la réponse qu’a apporté le théologien José ARREGI [1] à ce questionnaire :
* Les points de friction importants entre la doctrine traditionnelle et la pratique ordinaire des chrétiens sont mentionnés (familles recomposées, divorcés-remariés, homosexualité…), mais le rappel strict de la loi ecclésiastique ne laisse aucune place à la discussion, à la prise en compte mesurée des situations de vie concrète ni de la pensée et des acquis de la connaissance de notre temps.
* L’homosexualité est considérée comme déviance (« comportement intrinsèquement mauvais du point de vue moral ») alors qu’elle est aujourd’hui scientifiquement reconnue comme une variante normale de l’orientation sexuelle humaine. « Comment pourrait-on continuer à dire que l’amour homosexuel n’est pas naturel, alors qu’il a été si commun et naturel, pour des raisons biologiques et psychologiques, parmi tant d’hommes et de femmes de tous les temps et sur tous les continents. » (J. Arregi)
* Le concept d’une « loi naturelle », comme loi définitive, intangible, censée réguler parfaitement l’agir humain n’est plus acceptable dans la pensée contemporaine et n’est plus défendu tel quel par la plupart des théologiens dans les facultés.
Il sous-entend un monde statique pouvant être décrit une fois pour toutes par une loi normative, alors que les acquis récents des sciences humaines et des sciences exactes démontrent que tout est évolution dans le réel, aucune loi absolument intemporelle ne saurait régir de façon parfaitement exacte et intangible les réalités de la nature et de l’action humaine. « La loi suprême de la nature est sa capacité de changement et de nouveauté. La nature est créative et inventive » (J. Arregi)
* La pastorale confrontée à la vie concrète a évolué alors que le catéchisme officiel n’a pas bougé d’un iota, cette hypocrisie n’est plus acceptée par les jeunes générations et par beaucoup de personnes qui préfèrent alors ignorer purement et simplement l’enseignement de l’Église. Ainsi, l’encyclique « Humanae Vitae » est une erreur profonde que la hiérarchie catholique ne devrait plus assumer.
* La procréation n’est pas pour nos contemporains le seul ni même le premier but du mariage. La doctrine de l’Eglise reste marquée par une politique nataliste mise en avant dans des groupes humains menacés d’extinction par la très forte mortalité infantile ou souhaitant devenir dominants par l’importance numérique de leur population
* Les grandes oubliées du questionnaire sont les femmes qui accèdent aujourd’hui aux mêmes possibilités de développement et d’accès aux responsabilités que les hommes et qui ne peuvent continuer d’être décrites par leur seule fonction de mater
* Le modèle théorique de la famille ne décrit pas ce que sont les familles réelles, dans leur extrême diversité. Il y a du positif et du négatif dans les recompositions liées aux structures familiales actuelles, certes, mais il convient de considérer tout cela avec bienveillance en partant de ce qui est positif pour en faire un tremplin pour le progrès humain.
Toutes ces familles, avec leurs difficultés, sont cependant des lieux de construction et d’épanouissement de l’individu dans toutes ses formes. Peut-on leur reprocher de ne pas être « le » lieu d’évangélisation, de ne pas assure la transmission ? « La crise dans la religion et la transmission de la foi dans la famille est due en premier lieu à la transformation culturelle profonde que nous traversons. Et un grand défi non seulement, ni peut-être même prioritairement pour les familles elles-mêmes, mais pour l’institution Église, est d’accepter les nouvelles clés spirituelles et les formes religieuses que l’Esprit inspire aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui. » (J. Arregi)
* En définitive, nous nous référons à l’Évangile, et pas à la loi consignée dans le catéchisme.
Compte rendu par Christophe Breysacher et Lucienne Gouguenheim
[1] : « Lettre ouverte au Pape François sur la famille » à :http://nsae.fr/2013/11/14/lettre-ouverte-au-pape-francois-sur-la-famille/