Un revenu pour tous, sans conditions
Par Collectif *
Chômage de masse, pauvreté, précarité, pression insoutenable sur les ressources naturelles et sur les hommes… La bataille pour l’emploi et la course à la croissance menées depuis plus de 30 ans semblent conduire à une impasse. Face à ce constat, des personnalités de différents bords politiques suggèrent de changer de logiciel de pensée et soutiennent l’instauration d’un revenu de base : le droit à un revenu pour tous, sans condition. Ils appellent à signer l’Initiative Citoyenne Européenne en cours, afin d’obliger l’Union européenne à ouvrir le débat sur le sujet.
Notre pays n’a jamais été aussi riche. Pourtant, 8,5 millions de Français, dont 2,5 millions d’enfants, vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Nous sommes installés depuis quarante ans dans une situation de chômage de masse qui touche près de 5 millions de personnes. De nombreux travailleurs sont en situation précaire, occupent des temps partiels subis ou des emplois trop mal payés pour les sortir de la pauvreté. Sans compter l’explosion de la souffrance au travail qui, en plus de coûter 3 à 4% du PIB, détruit des vies.
La solution à ces problèmes, nous dit-on, serait la croissance économique. Or malgré tous les efforts mis en œuvre pour la retrouver depuis quarante ans, celle-ci n’a jamais suffi à résorber le chômage. Au contraire, les gains de productivité réalisés au cours du dernier siècle ont permis d’automatiser de nombreuses tâches, réduisant ainsi le besoin de main d’œuvre. En outre, l’explosion de la production industrielle nous a conduits à accroître notre pression sur les ressources naturelles et nos émissions de gaz à effet de serre.
Notre proposition : le revenu de base
Mais ce constat ne constitue pas un horizon indépassable. Nos sociétés modernes sont en mesure d’assurer à tous une vie digne. Pour y parvenir dès maintenant, nous, citoyens français et européens de tous bords politiques, demandons l’instauration d’un revenu de base. Il s’agit de distribuer à tous, de la naissance à la mort, un revenu inaliénable, inconditionnel, individuel et cumulable avec les revenus du travail salarié et du patrimoine, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie.
Il ne faut pas voir dans le revenu de base une nouvelle forme de charité ou un simple outil pour gérer la pauvreté, mais un nouveau droit humain garanti par la société au même titre que le droit à l’éducation ou le droit de vote.
Le revenu de base donne sens à l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille ». Le Conseil européen a d’ailleurs reconnu l’existence d’un « droit fondamental de la personne à des ressources et prestations suffisantes pour vivre conformément à la dignité humaine ».
Sans revenu, pas de citoyen
L’idée du revenu de base n’est pas nouvelle. Dès la fin du XVIIIème siècle, l’homme politique franco-américain Thomas Paine la défendait dans son essai sur La Justice Agraire en expliquant que « sans revenu, point de citoyen ». Depuis, de nombreux penseurs lui ont emboîté le pas, dont 5 prix Nobel d’économie (James Meade, James Tobin, Milton Friedman, Jan Tinbergen et Herbert Simon).
Le revenu de base a été expérimenté au Canada, en Inde en Namibie et en Alaska, avec des résultats notables sur le développement de petites activités productives, l’éducation des enfants, l’accès aux soins, la diminution de la délinquance et une construction positive de soi. Et ce projet séculaire pourrait bientôt devenir réalité. Suite à une forte mobilisation citoyenne, les citoyens suisses décideront par référendum d’ici 2015 d’inscrire dans la loi le versement d’un revenu de base 2500 francs suisses [1] à tous les résidents du pays.
Le revenu de base libère le travail et les initiatives humaines
Le revenu de base est un vecteur de transformations positives pour notre économie et notre société. Il ne permet pas seulement d’éradiquer la misère et de relancer une économie laissée atone par l’insuffisance de la demande. Il libère également des énergies nouvelles en donnant la possibilité à chacun de choisir librement une activité réellement épanouissante et enrichissante, utile socialement et économiquement. En nous soulageant du travail subi et de la contrainte vitale que représente la recherche d’un moyen de subsistance, le revenu de base permettrait de travailler autrement. Il libère du temps pour donner un nouveau souffle à l’activité associative, l’engagement citoyen, les projets professionnels, la création artistique et ainsi recréer du lien social, familial et de la confiance dans nos villes, nos quartiers et nos villages.
Au-delà de ses effets positifs sur la pauvreté, l’activité économique et le lien social, le revenu de base permet de mettre fin aux effets pervers du système actuel d’aides sociales générant humiliations et stigmatisations injustifiées [2]. Inconditionnel, le revenu de base est distribué automatiquement, sans qu’aucune démarche ne soit nécessaire pour le percevoir. On peut en outre accepter un emploi sans craindre de perdre son revenu de base, ni même de le voir diminué, contrairement au RSA. Ainsi, avec le revenu de base, le travail paie toujours.
Une proposition économique équilibrée
Le revenu de base n’a pas vocation à se substituer à notre modèle social mais plutôt à le parfaire pour le rendre plus émancipateur. Les travaux d’experts sur son financement ne manquent pas. Seule la volonté politique fait encore défaut. C’est pourquoi nous, citoyens français, suisses et européens, au-delà de nos clivages politiques et idéologiques, soutenons et signons l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) pour le revenu de base. Nous avons jusqu’au 14 janvier pour récolter 800 000 signatures à travers l’Europe et ainsi contraindre la Commission Européenne à étudier cette proposition.
Le Revenu de Base n’est pas une solution clé en main à tous les problèmes actuels. Mais il pose les bases d’une société plus juste, plus humaine, et propose enfin une vision positive du 21ème siècle.
Notes :
[1] Soit environ 2000 €, ce qui correspond au seuil de pauvreté suisse
[2] Complexité administrative, fort taux de non recours, effets de seuil économiquement néfastes
* Premiers signataires : Yves Cochet (eurodéputé écologiste, ancien ministre), José Bové, Eva Joly, Karima Delli, Michèle Rivasi (eurodéputé(e)s), Jean Desessard (Sénateur EELV), Christophe Girard (Maire PS du 4ème arrondissement de Paris, Conseiller régional IDF), Corinne Morel Darleux (Conseillère régionale Rhône Alpes PG – FdG), Paul Ariès (rédacteur en chef de la revue les Z’indigné(e)s), Jean-Paul Jouary (philosophe), Vincent Liegey, Stéphane Madeleine, Anne-Isabelle Veillot et Christophe Ondet (auteurs du manifeste pour une dotation inconditionnelle d’autonomie), Yves Citton (enseignant et philosophe) et la revue Multitudes, Frédéric Brun (inspecteur général au ministère de l’agriculture, président de Oikia, organisme de coopération écologique européen), Anne Querrien (Sociologue, urbaniste), Yann Moulier Boutang (Professeur de sciences économiques), Baptiste Mylondo (enseignant en économie et philosophie politique), Marie Pezé (docteur en psychologie, spécialiste de la souffrance au travail), Marc de Basquiat (docteur en économie), Étienne Chouard (enseignant, blogueur), David Poryngier (Président du Mouvement des libéraux de gauche), Thierry Crouzet (écrivain, blogueur).
• A SIGNER dès aujourd’hui, l’initiative citoyenne européenne : http://basicincome2013.eu/ubi/fr/
• En savoir plus : cf le Mouvement Français pour un Revenu de Base à : http://www.mfrb.fr/
Source : publié le 10 janvier 2014 par Basta ! à :
http://www.bastamag.net/Un-revenu-pour-tous-sans
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