Une réforme bancaire inachevée
Par Christian Chavagneux
On entre vite dans le vif du sujet de ce livre [1] qui s’ouvre par une introduction à la baïonnette de l’économiste Gaël Giraud : un simulacre de régulation, voilà ce qu’est à ses yeux la loi de réforme bancaire française votée l’été dernier. C’est aussi l’avis des trois journalistes qui ont écrit ce livre et qui cherchent à expliquer comment on est passé du discours ferme et engagé du candidat Hollande en faveur d’une vraie régulation financière à une loi à leurs yeux vide de sens.
Il y a, d’abord, un lobby bancaire remarquablement organisé qui va vite faire entendre sa voix auprès de proches du candidat… tout à fait prêts à les écouter. Les banquiers ne tarderont pas à bénéficier d’un allié récurrent en la personne de Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France. Il y a, ensuite, le fait que le gouvernement a laissé une place énorme aux banques dans la dynamique d’élaboration de la loi. Et que les auditions publiques à la commission des Finances de l’Assemblée ont été non seulement limitées (5, contre 185 au Royaume-Uni !), mais aussi déséquilibrées en faveur des partisans d’une régulation a minima. Il y a bien eu des partisans d’une action plus ferme, mais ils sont restés minoritaires et peu organisés.
Il a fallu la mobilisation d’une brochette de parlementaires PS et EELV pour que quelques petites avancées aient lieu – en dépit des coups de téléphone du secrétaire général adjoint de l’Elysée Emmanuel Macron pour les empêcher – et pour que la France force les banques à plus de transparence dans les paradis fiscaux (on aurait aimé en savoir plus sur ce combat-là).
Pourquoi la loi bancaire impose-t-elle si peu de contraintes aux banques françaises ? Pas de scoop dans l’enquête de nos trois confrères. Le Trésor est visé ou plutôt son biais profinance et sa capacité d’influence politique. Les banques ont de leur côté instrumentalisé la crise des dettes publiques et menacé de ne plus pouvoir placer la dette française en cas de réforme audacieuse, un argument démonté par les auteurs.
Ces derniers croient sans doute trop que la séparation des banques serait une baguette magique qui réglerait tous les problèmes financiers. Mais leur démonstration, limpide et sans jargon, de l’influence politique des banquiers et des insuffisances de la régulation actuelle est sans faille.
Christian Chavagneux
[1] « Mon amie c’est la finance ! Comment François Hollande a plié devant les banquiers », par Adrien de Tricornot, Mathias Thépot et Franck Dedieu, Ed. Bayard, 2014, 250 p., 17 euros.
Source : publié (En vitrine – Livre de la semaine 31.01.2013) dans le mensuel Alternatives économiques n° 332 – février 2014, en kiosque (4,30 €). Le dossier de ce numéro est consacré à « La France du Front national ».
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