Par Jean Riedinger
La Croix du 15 janvier 2014 titrait page 17 : « Après les manifs pour tous des chrétiens entrent en politique ».
Ce titre m’a étonné. J’avais l’impression que parmi les adhérents des partis politiques, mais aussi dans de nombreuses associations citoyennes de toutes natures, il y a belle lurette que des chrétiens sont engagés dans la politique, sans compter ceux qui participent à la gestion des communes ou à des groupes de recherche politiques.
En lisant cet article j’ai compris que ce que ce quotidien appelait en réalité entrer en politique était la formation d’organisations politiques ou de partis chrétiens, autour d’une doctrine unique identitaire. Je crains alors la naissance de partis identitaires musulmans, bouddhistes, protestants, athées…etc. Bref une société éclatée sur des bases religieuses ou antireligieuses et au pire l’unité illusoire des totalitarismes.
Si les citoyens chrétiens militent dans une organisation politique, ils participent à la vie de ces organisations en fonction des finalités, objectifs, stratégies que se donnent celles-ci en vue de ce qu’elles estiment le meilleur. Ils le font à égalité avec leurs concitoyens d’autres convictions religieuses, humanistes, athées. Mais il serait désastreux que naissent des partis chrétiens ou des courants chrétiens à l’intérieur des partis.
La manif pour tous, censée étrangement éveiller le sens politique des catholiques français, n’est pas représentative de la totalité de tous les catholiques français, loin s’en faut. En outre comme l’écrit La Croix ce regain d’intérêt des catholiques pour la chose publique « très balbutiant dans les formes » a un net penchant du côté de l’opposition. Le parti de Mme Boutin, des mouvements comme Civitas ou Printemps Français, ne représentent pas les catholiques en général, mais des personnes qui ont fait certains choix sociétaux. D’autres formes d’organisations catholiques se cherchent, plutôt à droite. La Croix cite un autre exemple celui des « Poisssons roses » qui est un groupe identitaire catholique au sein du PS.
Pour ma part je récuse toute forme de parti chrétien de droite ou de gauche, comme si la Foi évangélique indiquait des choix politiques précis ou évidents dans les sociétés modernes.
La sécularisation est un progrès évident de l’humanité vers la liberté de pensée et d’action. Elle impose la laïcité des engagements politiques.
Nous avons appris avec la laïcité à mettre notre appartenance commune humaine avant tout choix convictionnel qui est second socialement. Donc à entrer dans un monde ouvert d’échanges et de recherches des valeurs humaines universelles les plus riches d’épanouissement pour l’humanité.
En tant que chrétiens c’est donc en dehors des partis auxquels nous adhérons qu’il est souhaitable d’échanger sur la compatibilité de nos choix avec les exigences du message évangélique. Et un travail qui accepte que nous ne possédions pas la Vérité en tout s’impose. Il concerne les évolutions des connaissances et des relations humaines vécues. Ce qui permet de penser et de vivre l’Evangile dans la réalité d’un monde à la fois un et divers : international, interconvictionnel et interculturel.
Jean Riedinger
Source : texte d’un intervention radiophonique récente faite par l’auteur.
Illustration : http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AManif_pour_tous_5.JPG