Les dossiers noirs du nucléaire français
Un accident pourrait-il se produire dans une centrale nucléaire française ? Officiellement non, car nos installations sont sûres et un Fukushima serait impossible chez nous. En réalité, des incidents surviennent en permanence dans l’Hexagone. Certains sont graves et, quand on en décortique les circonstances et le déroulement, comme le font ici* avec une grande précision et beaucoup de pédagogie Monique et Raymond Sené, physiciens nucléaires, et Dominique Leglu, directrice de la rédaction de Sciences et Avenir, on mesure à quel point les Français ont déjà plusieurs fois frôlé la catastrophe et eu beaucoup de chance, comme à Civeaux en 1998 ou au Blayais en 1999.
Mais ce livre ne se contente pas d’analyser de nombreux exemples d’incidents liés à une intempérie ou à l’usure d’une pièce, à des défauts de conception, à des fragilités au niveau des réacteurs, des systèmes d’alimentation en électricité et en eau, des mécanismes de sécurité et des dispositifs de secours. Il montre aussi comment ces multiples problèmes, pourtant bien identifiés, comme la menace permanente de l’absence de protection des piscines de combustible usé, sont trop peu pris en compte et corrigés. « Où est passée la culture de la sûreté ? » s’alarment les auteurs. Elle tend à se dissoudre dans l’arrogance et la culture du secret des décideurs, d’une part, dans la volonté de compresser les coûts salariaux et d’équipement au détriment de la sécurité, de l’autre. Deux facteurs de risque qui ont joué un rôle certain à Fukushima.
Antoine de Ravignan
*A LIRE : « Les dossiers noirs du nucléaire français », Dominique Leglu, Monique Sené, Raymond Sené, Ed. Les Presses de la Cité, 248 pages, 20 €, Nov. 2013.
Source : article publié dans le mensuel Alternatives Economiques n° 332 – février 2014, rubrique Livres et revues. En kiosque (4,30 €).
Boutique en ligne : http://www.alternatives-economiques.fr/boutique
• Présentation de l’éditeur : Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima… et demain ? Fessenheim, Blayais ou Pierrelatte ?
Dormez tranquilles, braves gens, nous veillons sur votre sécurité. Telle est, en substance, l’antienne que les autorités nucléaires françaises répètent depuis maintenant près de cinquante ans. Le parc nucléaire français est certes l’un des plus importants au monde, mais c’est aussi le plus sûr, nous dit-on. Et pour cause : depuis toujours la sécurité serait au centre des préoccupations de l’industrie nucléaire. Pour preuve, il n’y a pas eu, il n’y aura pas, il ne peut pas y avoir, de Tchernobyl ou de Fukushima. Pourtant, selon les auteurs, fins connaisseurs d’une industrie historiquement habituée à prendre ses aises avec la transparence, les choses sont loin d’être aussi claires. Car si la France a connu des incidents graves, dont certains auraient pu avoir des conséquences catastrophiques, elle a surtout eu beaucoup de chance. Ancrant leurs analyses dans une vision historique du développement du nucléaire français, armés d’une documentation imposante, fruit d’années d’études sur le sujet et d’une réelle compétence technique, les auteurs montrent à quel point la sécurité de nos cinquante-huit centrales en service tient parfois à un fil…
http://www.pressesdelacite.com/site/les_dossiers_noirs_du_nucleaire_francais_&100&9782258094437.html
• A ECOUTER : l’émission du 3 janvier 2014 sur RFI avec D. Leglu, autour de l’ouvrage et de la question : « Et si la sécurité nucléaire ne tenait qu’à un fil ? »
Partie 1 : http://www.rfi.fr/emission/20140103-1-securite-nucleaire-tenait-fil/
Partie 2 : http://www.rfi.fr/emission/20140103-2-securite-nucleaire-tenait-fil/