Les Français sont de moins en moins tolérants
L’intolérance monte en France, et rien ne semble pouvoir enrayer sa progression, à en croire le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) remis le 1er avril.
Comme chaque année, cet organe consultatif sous tutelle de Matignon dresse le bilan des actes et menaces à caractère raciste, antisémite ou islamophobe en France. Cette année comme les précédentes, le bilan est relativement sombre.
L’inquiétude face à l’immigration a ainsi atteint son niveau le plus élevé depuis 2002, selon le sondage de l’institut BVA que réalise à chaque fois la CNCDH pour accompagner son rapport : 16 % des personnes interrogées (du 2 au 12 décembre 2013 auprès d’un échantillon représentatif de 1 026 personnes) se sont dites « inquiètes » de ce sujet, soit 6 points de plus qu’il y a douze ans.
Les actes antimusulmans en hausse
Le chômage et la crise économique restent largement en tête des préoccupations des Français. Mais ils sont de plus en plus nombreux à penser que l’intégration des étrangers « fonctionne mal ». 63 % des sondés sont de cet avis, soit une hausse de 7 points par rapport à 2012. De même, 68 % des personnes interrogées pensent que ce sont avant tout les personnes d’origine étrangère « qui ne se donnent pas les moyens de s’intégrer », soit une augmentation de 8 points.
Globalement, la « tolérance » des Français aurait ainsi baissé de 12 points depuis 2009, selon un indice construit par une équipe de chercheurs de Sciences Po partenaire du CNCDH. « Cette baisse touche désormais toutes les minorités et est exprimée par toutes les sensibilités politiques », prévient-on à la commission. En clair, l’intolérance gagne aujourd’hui les sondés de droite comme de gauche.
Cette hausse de l’intolérance s’accompagne cependant d’une baisse globale de près de 20 points des actes et menaces à caractère raciste, antisémite ou islamophobe, recensés à la suite de dépôts de plaintes. Seule catégorie en hausse pour la troisième année consécutive : les actes antimusulmans (226 au total). Ils grimpent cette fois de plus de 10 points. « C’est préoccupant, car cette hausse concerne plus les actions (dégradations, homicides, menaces, etc.) que les menaces (propos, tracts, etc.) », souligne-t-on à la CNCDH.
« Groupes à part »
Pour la Commission, la baisse des actes et menaces à caractère raciste (– 14 points pour un total de 600 faits) ou antisémites (– 30 points, 423 faits) enregistrés par le ministère de l’intérieur pourrait être trompeuse et s’expliquer par les difficultés qui peuvent exister à déposer plainte dans un commissariat pour ces motifs. Il convient donc plutôt, selon elle, de prendre en compte les éléments déclaratifs du sondage. « On sait très bien qu’il y a beaucoup moins de dépôts de plaintes que de faits réels », justifie-t-on.
Pour la CNCDH, on assiste malgré tout à la création de nouveaux « boucs émissaires » : les musulmans et les Roms. Selon le sondage BVA, ce sont eux qui sont le plus désignés comme « des groupes à part dans la société française ». Pour les Roms, c’est l’avis de 87 % des sondés (soit plus 10 points par rapport à 2012), pour les musulmans, 56 % (+ 1 point). « Roms » et « musulmans » devancent largement les « Maghrébins » (46 %, + 4), les « Asiatiques » (41 %, + 3), les « Noirs » (23 %, + 4) ou encore les « juifs » (31 %, + 5).
La CNCDH confirme par ailleurs un phénomène nouveau : le sentiment que ce sont « les Français les principales victimes de racisme ». 13 % des interviewés le soulignent (+ 1 point), dont 16 % parmi les sympathisants de droite (dont 23 % pour ceux du FN) et 5 % parmi ceux de gauche.
Elise Vincent
Source : publié le 1er avril 2014 sur lemonde.fr à :
Accès au rapport complet :
• version téléchargeable (pdf) en cliquant ci-après :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000199/0000.pdf
• version papier (512 pages ; 18 €) ; informations et commande en ligne à :
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