La mort d’Internet
Par Olivier Zilbertin
Il est des messages dont on préférerait ne pas être le porteur. Mais il est aussi des circonstances où il est impossible de se dérober. Alors voilà : nous sommes au regret de vous annoncer la fin d’Internet.
Vous avez bien lu : la fin. La disparition, l’extinction, la liquidation. On ne trouve jamais les bons mots dans ces occasions. On pense avant tout à la peine de la famille et des proches. Inutile de vous dire que nous sommes nous-mêmes particulièrement affectés par cette triste nouvelle, car nous y étions très attachés. Songez qu’il avait à peine 30 ans !
La fin des utopies
Quand donc se sont manifestés les premiers symptômes du mal ? Lorsque l’on a commencé à cliquer sur des liens qui ne nous menaient nulle part sinon sur des bulletins d’abonnement ? A moins que ce ne soit quand on a mis les passagers payants à l’avant et les gratuits à l’arrière ? Quand on a appelé les pompiers et que sont venus les pyromanes ? Qu’importe, maintenant ! L’heure est au recueillement, pas à la polémique.
Si c’est cela qui vous inquiète, sachez cependant que vous pourrez toujours faire vos courses sur votre tablette, envoyer un courrier électronique – peut-être même avec une pièce jointe – et a priori consulter la météo. Idem pour les horaires et les billets de train ou de cinéma, les virements bancaires. Alors quoi, direz-vous ?
Ce n’est pas de cela dont il s’agit. Géographe et chercheur au sein du laboratoire Chôros de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Boris Beaude vient de publier Les fins d’Internet [1]. Dans un entretien que l’on peut écouter sur l’Atelier des médias de RFI [2], M. Beaude s’explique sur l’emploi du pluriel et de la majuscule dans le titre de son livre. Il détaille pourquoi « Internet va disparaître ». La surveillance des Etats, la fin des utopies (liberté d’expression, intelligence collective et partagée, gratuité…), la fin de la circulation libre et gratuite de l’information…
Internet est menacé en somme parce que l’intelligence collective est détournée à des fins particulières et mercantiles. Plus grave, craint l’auteur : « Une part de notre humanité risque de disparaître » avec Internet. « Nous assistons à un moment qui exige d’être aussi intransigeant à l’égard des dérives dont toute société politique est capable qu’à l’égard des dérives dont Internet est l’objet. » Cet avis tient lieu de faire-part.
Olivier Zilbertin- 20 avril 2014
[1] Les fins d’Internet, Boris Beaude, FYP Editions, Collection Stimulo, 96 p., 9,90 €, 2014. [2] Internet est sur le point de disparaître : entretien avec le géographe Boris Beaude, publié par Ismaël Halissat le 11 avril 2014. Entretien à écouter (47 min) et extrait à lire à : http://atelier.rfi.fr/profiles/blogs/les-fins-d-internetSource : chronique publiée dans le Cahier du « Monde » n° 21541 (Eco&Entreprise) daté 20-21 avril 2014 ; http://lemonde.fr
EN SAVOIR PLUS sur l’ouvrage (Introduction, Table des matières, Conclusion) à : http://www.beaude.net/ie/