Un nouveau contexte au Vatican
Le cardinal Kasper, le « théologien du pape », minimise l’attaque du Vatican contre les religieuses américaines
Par David Gibson
Le cardinal allemand, que l’on a appelé le « théologien du pape », a déclaré que les critiques récentes faites par le Vatican aux religieuses américaines étaient typiques de la vue « étroite » qu’ont tendance à avoir les responsables de la Curie romaine, et il a dit que les catholiques des États-Unis ne devraient pas être trop inquiets.
« Je suis considéré comme suspect, moi aussi ! » a dit en riant le Cardinal Walter Kasper lors d’une apparition lundi à l’Université Fordham [NDT : Université jésuite de New-York]. « Je ne peux pas les aider », a-t-il ajouté, faisant référence aux critiques dont il est l’objet à Rome.
Agé de 81 ans, Kasper, qui a servi comme responsable œcuménique du Vatican sous les papes Jean- Paul II et Benoît XVI, est considéré comme un proche allié du pape François. Quand François a convoqué les évêques pour un sommet de deux jours sur les questions de la famille en février 2014, il a demandé à Kasper de faire le discours d’ouverture destiné à mettre en place le canevas des débats.
À bien des égards, Kasper peut mieux refléter le point de vue de François que la répression des religieuses américaines lancée par le bureau doctrinal du Vatican. De même que François a minimisé l’importance de l’observance des règles et des questions brûlantes dans un effort pour élargir l’appel de l’Eglise, Kasper a mis en avant l’importance de la souplesse et du réalisme pastoral pour accompagner les catholiques au long de leurs vies imparfaites.
Kasper est aux États-Unis pour débattre de son livre « Mercy : The Essence of the Gospel and the Key to Christian Life » [la Miséricorde : essence de l’Evangile et clé de la vie chrétienne]. Celui-ci comporte un texte de présentation du pape François, qui a fait de la miséricorde une pierre angulaire de son ministère depuis qu’il a été élu l’an dernier.
Lundi, Kasper a dit à l’auditoire que, après que François ait fait l’éloge de son livre, quelques jours seulement après son élection, « un vieux cardinal vint à lui et dit : Saint-Père, vous ne pouvez pas faire cela ! Il y a des hérésies dans ce livre ! »
Quand François a raconté l’histoire à Kasper, raconte-t-il, le pape a souri et ajouté : « Ceci entre par une oreille et sort par l’autre. »
C’était la façon de Kasper d’éclairer le contexte dans lequel arrivent les critiques acérées faites par le tsar doctrinal du Vatican, le cardinal Gerhard Müller, aux dirigeantes de plus de 40 000 religieuses américaines pour leur désobéissance à Rome et leurs « erreurs fondamentales » dans leurs croyances.
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi de Müller a essayé de maîtriser les sœurs américaines pendant deux ans. Les pourparlers étaient censés aller bien, surtout après l’élection de François. Mais les critiques de Müller et ses avertissement draconiens, qui mettent les religieuses en demeure de tenir compte de ses exigences, apparaissent comme un revers majeur pour ces espoirs.
Kasper a déclaré qu’il espérait que la confrontation entre le Vatican et la Leadership Conference for Women Religious (LCWR : Conférence de direction des religieuses] serait surmontée.
« Si vous avez un problème avec la direction des ordres de religieuses, alors vous devez avoir une discussion avec elles, vous avez à dialoguer avec elles, échanger des idées », dit-il. « Peut-être doivent-elles changer quelque chose. Peut-être aussi la Congrégation (pour la Doctrine de la Foi) doit-elle changer un peu d’esprit. C’est la façon normale de faire les choses dans l’Eglise. Je suis pour le dialogue. Le dialogue suppose des positions différentes. L’église n’est pas une unité monolithique. »
« Nous devrions être en communion », a-t-il poursuivi, « ce qui signifie également le dialogue avec l’autre. J’espère que toute cette controverse se terminera par un bon dialogue, paisible et constructif. »
À Fordham, Kasper a également salué une théologienne féministe américaine, Sr. Elizabeth Johnson, que les sœurs des États-Unis prévoient d’honorer et qui est l’objet de critiques de Müller.
Müller avait écharpé la LCWR pour sa décision d’honorer Johnson sans demander l’approbation de Rome. Johnson, théologienne de renom qui enseigne à Fordham, a été réprimandée par le comité doctrinal des évêques américains en 2011 pour les arguments qu’elle a développés dans son livre populaire « Quest for the living God » [Quête du Dieu vivant].
Interrogé sur Johnson et une autre théologienne féministe, Elisabeth Schussler Fiorenza, dont les vues ont également été contestées par la hiérarchie, Kasper a répondu qu’il les connaît toutes les deux depuis des années et il a ajouté : « Je les estime toutes les deux. »
Kasper – qui fut souvent un « sparring partner » de son compatriote théologien allemand le cardinal Joseph Ratzinger, qui devint plus tard Benoît XVI – a déclaré que les critiques font partie du discours universitaire, mais il a ajouté que la congrégation doctrinale « voit parfois les choses un peu trop étroitement. »
Il a dit que la critique de Johnson « n’est pas une tragédie et nous la surmonterons », et il a noté que saint Thomas d’Aquin, théologien médiéval maintenant considéré comme l’un des plus grands esprits de l’Eglise, a été condamné par son évêque et a vécu dans l’ombre pendant des années.
« Alors, elle est en bonne compagnie ! » a déclaré Kasper à propos de Johnson.
David Gibson – 6 mai 2014
Traduction française de Lucienne Gouguenheim
Source : publié le 6 mai 2014 par National Catholic Reporter (NCR) à :
http://ncronline.org/news/vatican/cardinal-kasper-popes-theologian-downplays-vatican-blast-us-nuns
Illustration : logo de l’Université jésuite de Fordham avec la devise : sapienta et doctrina.
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