Manifeste : enfants victimes de la violence et de la guerre
Par le Centre Primo Levi
L’Histoire, notamment celle du XXème siècle et de la Shoah nous a appris combien l’impact transgénérationnel de la violence peut être présent sur les descendants des victimes. Aujourd’hui encore les guerres et crises qui secouent notre planète, en Syrie, en Centrafrique et ailleurs laissent des générations entières marquées par la violence et l’exil.
Dans son Livre blanc publié en juin 2012 [1], le Centre Primo Levi estimait à 125 000 le nombre des personnes victimes de la torture et de la violence politique exilées en France. Parmi elles, des dizaines de milliers d’enfants et d’adolescents partis avec leur famille ou arrivant seuls dans notre pays pour y chercher refuge.
On évoque le plus souvent les demandeurs d’asile en termes de chiffres, de flux, de procédures… sans forcément s’arrêter sur leur vécu, leurs souffrances, les traumatismes dus aux violences subies et à l’exil auquel ils ont été contraints. Parmi eux : de nombreux enfants. Sur la seule année 2013, 14 536 enfants [2] accompagnant leurs parents ont demandé l’asile. Comment vivent-ils ? Qu’éprouvent-ils ? La France, signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant, met-elle en place les moyens nécessaires pour les accueillir dignement, les aider à se construire et à vivre une enfance un tant soit peu normale ?
Centre de soins pour les victimes de la torture et de la violence politique exilées en France, le Centre Primo Levi, consacre depuis plusieurs années un espace d’accueil spécifique aux enfants et adolescents. Confronté à une constante augmentation des demandes de prise en charge et à la détérioration des conditions d’accueil, il tire aujourd’hui la sonnette d’alarme en publiant le Manifeste Enfants victimes de la violence et de la guerre, quel accueil en France ?
Victimes directes ou témoins d’atrocités commises contre leurs proches, ces enfants ont souvent quitté leur pays à la hâte, laissant derrière eux des parents, des frères, des sœurs, leurs camarades, leur communauté, avant de parcourir un long chemin d’exil souvent miné de dangers. Arrivés en France, c’est le désenchantement. Là où ils pensaient retrouver un peu de stabilité, ils sont déplacés d’hôtels en hébergements d’urgence, vivent dans une très grande précarité. Recueil d’expériences et de témoignages, le Manifeste « Enfants victimes de la violence et de la guerre, quel accueil en France ? » donne la parole à différents professionnels qui les accompagnent, les soignent et les éduquent. Il pointe les nombreux dysfonctionnements dans l’accueil qui leur est réservé mais avance aussi, à l’heure où se dessine en France une réforme de l’asile, différentes recommandations.
Notes :
[1] Soigner les victimes de torture exilées en France – Livre blanc du Centre Primo Levi, juin 2012.
[2] Demandes enregistrées auprès de l’OFPRA – Chiffre OFPRA Rapport d’activité 2013.
Les recommandations
Fort de son expérience et de sa pratique, ce sont aussi des solutions et des recommandations que le Centre Primo Levi a souhaité rassembler et partager au sein de ce Manifeste. Face aux souffrances de ces enfants, à leur parcours chaotique sur notre sol, à leurs conditions de vie souvent très dures, il est de la responsabilité de tous de se mobiliser.
Tout comme leurs parents, les enfants exilés en France, victimes des guerres et de violences dans leur pays d’origine sont invisibles et absents des politiques de santé publique :
• Encourager la production de données et d’études épidémiologiques concernant les enfants victimes de guerre et de violence, exilés sur notre territoire.
• Inclure ces enfants dans les politiques de santé publique, notamment dans les plans de santé mentale.
Ces enfants ont généralement une multitude d’intervenants autour d’eux : enseignants, assistants sociaux, psychologues, etc. mais les actions des uns et des autres ne sont pas toujours coordonnées, ce qui aboutit le plus souvent à une prise en charge incohérente et inefficace :
• Faciliter les financements qui permettent le développement du travail en réseau et la coordination des différents intervenants en organisant autour des enfants des réunions regroupant toutes les parties.
Les structures publiques sensées repérer et accueillir ces enfants en grande souffrance ne sont pas formées à la prise en charge de ces traumatismes et manquent de moyens pour les recevoir :
• Former le personnel travaillant notamment dans les écoles, les CMPP, les CMP, les PMI, les crèches et autres structures de santé ou d’accueil en lien avec ces enfants au repérage précoce des traumatismes et à leur prise en charge adaptée.
• Intégrer dans les études et formations de médecine et des professionnels du domaine médico-social et social des modules consacrés à la prise en charge des populations exilées.
• Financer systématiquement dans ces structures l’accès à l’interprétariat professionnel.
• Faciliter le travail et la coordination entre les structures publiques et les intervenants.
• Promouvoir la pluridisciplinarité (médico-psycho-sociale et juridique), l’interprétariat professionnel, les temps de consultations adaptés.
Le système d’asile actuel est saturé et ne permet pas une prise en charge appropriée des familles avec des enfants ; de ce fait, nombre de familles sont dans une très grande instabilité et en situation de précarité préoccupante, dont les effets sur les enfants sont dévastateurs :
• Généraliser l’hébergement en CADA pour les familles qui le souhaitent par la création substantielle de nouvelles places.
• Favoriser, dans tous les cas, la stabilité de l’hébergement et des logements pour les familles.
• Faciliter l’accès à l’allocation temporaire d’attente (ATA) pour les personnes qui ne sont pas logées en CADA et prendre en compte la composition familiale pour en définir le montant.
• Assurer une évaluation satisfaisante des situations de vulnérabilité tout au long de la procédure d’asile et placer sous la compétence du Ministère de la Santé et des Affaires sociales toute démarche d’évaluation de la santé et de la situation sociale des demandeurs.
• Favoriser la création de structures d’accueil de jour publiques adaptées aux familles et permettant aux familles sans domicile fixe d’accéder à une alimentation correcte.
La scolarisation est une obligation, et surtout, la meilleure chance pour ces enfants de retrouver une inscription sociale. Pourtant nombre de mairies ou d’établissements scolaires font obstacle à leur accueil :
• Sensibiliser les mairies et établissements scolaires à la situation de ces enfants et les mettre en contact avec d’autres structures soutenant ces enfants.
• Favoriser la garde des jeunes enfants et leur scolarisation dès la maternelle.
LIRE le MANIFESTE « Enfants victimes de la violence et de la guerre : quel accueil en France ? » : texte complet téléchargeable (31 pages ; pdf) en cliquant ci-après : MANIFESTE-Centre-Primo-Levi
AGIR en signant la PETITION en ligne à :
Source : L’INFO – La Lettre du Centre Primo Levi – Vivre après la torture – N° 6 – Juin 2014.
http://www.primolevi.org/manifeste