Instrumentum Laboris : la réaction de Noi Siamo Chiesa
Le Saint-Siège a publié jeudi 26 juin le document de travail (Instrumentum Laboris) servant de base à l’assemblée extraordinaire des évêques consacrée à la pastorale familiale, qui se tiendra à Rome du 5 au 19 octobre 2014. Nos amis italiens de Noi Siamo Chiesa (Nous Sommes Eglise) nous ont transmis leur réaction à ce document ; vous en trouverez ci-après la traduction.
L’Instrumentum Laboris est intéressant. Les vrais problèmes sont enfin posés au Peuple de Dieu et aux évêques.
Les réponses à la consultation lancée par le Synode des Evêques, comme elles nous ont été présentées, sont d’un grand intérêt. Rien de comparable avec les textes similaires des synodes précédents, prolixes, ennuyeux et inutiles. Tout cela est dû au pape François, qui a eu le courage de renverser les procédures établies et d’essayer d’aller, de façon informelle, dans le sens de cette collégialité qui est nécessaire.
Cela étant constaté, la lecture d’Instrumentum laboris soulève des questions, assez évidentes de méthode. Quelles sont les Conférences épiscopales qui ont répondu ? Comment la consultation a-t-elle été gérée à partir du centre des différents épiscopats ? Combien de questionnaires les évêques ont-ils reçus de la base ? Comment était composée cette base (paroisses, associations, particuliers, agrégations spontanées …) ? Quelles sont les questions les plus populaires et celles qui le sont le moins? et ainsi de suite. Je comprends que cela n’aurait pas été facile de répondre, mais, au moins, un peu plus d’information aurait été nécessaire. De la part des évêques italiens d’ailleurs, nous attendons tout. En fait, dans notre pays, rien n’a été communiqué des réponses à la consultation. Nous savons qu’elle a été traitée très mollement par la curie diocésaine.
Les problèmes qui ont émergé sont nombreux, importants et vitaux pour l’avenir de l’Église et la proposition de l’Évangile. Avant tout je ne peux manquer de souligner que les questions rassemblées par l’Instrumentum laboris, avaient, en grande partie, fait l’objet jadis de l’attention de l’ère « conciliaire » de notre Église dans des analyses, réunions, livres, lettres ouvertes …. Il a manqué l’écoute des années passées. Jamais, surtout dans notre pays, le système ecclésiastique n’a accepté, sauf en de rares exceptions, de parler, d’essayer de comprendre les réflexions sur la nouvelle réalité de la thématique familiale que beaucoup d’entre nous proposaient. On s’est attardé à toujours répéter la même musique et à organiser des « campagnes » de type propagandiste comme la « Journée de la famille ».
Les questions sont toutes là, à partir de celles de la crise de la famille (voir chap. 64-79) avec les réalités extérieures qui en sont souvent la cause. Il y a les nouvelles situations qui depuis des années ont un impact, plus qu’avant, sur le vécu quotidien de chacun de nous (médias, Internet, consumérisme d’un côté, précarité et pauvreté de l’autre …….) et puis également sur notre vie de relations, à partir précisément de la famille. Il y a des problèmes pastoraux difficiles à affronter. Rarement dans l’histoire de notre Eglise on est parti des situations concrètes au lieu des anathèmes ou des prescriptions. Le « modèle de famille », prêché depuis toujours, a peu de rapport avec la réalité, souvent aussi dans le monde catholique. Les deux synodes de cette année et de l’année prochaine auront beaucoup, peut-être trop, de questions à discuter, mais devront être bien conscients que ce document préparatoire du Synode n’a aucune valeur magistrale. En effet, Il insère aux informations et aux descriptions plusieurs passages où la ligne semble encore dictée, celle de toujours, dont il faudrait ne pas tenir compte. Par exemple, l’homosexualité est reliée à la théorie du genre, comme si l’émergence de la problématique liée à l’homosexualité n’était pas due à la prise de conscience croissante que les homosexuels ont leur propre orientation sexuelle, mais à une « confusion des genres » qui aurait infecté les sociétés occidentales. Il faut au contraire discuter largement, à certains égards, à partir de zéro.
En préliminaire, je me demande si le vieux « modèle » de famille tient encore ? et puisque les situations mentionnées dans l’Instrumentum sont si différentes d’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, pourquoi ne pas discuter aussi de la possibilité d’une pastorale très diversifiée d’un pays à l’autre (je pense aux rituels, au rôle de la maternité, à l’éducation des enfants, au rapport avec la loi civile….), gérée par les Eglises locales et impliquant fortement des protagonistes laïcs, en particulier des femmes ?
En simplifiant, Il me semble que les deux synodes sont face à deux options : la première est d’accepter simplement une modification de langage et une approche plus pastorale vis-à-vis de toutes les questions plus ouvertes, la seconde est celle qui retient comme indispensable, au moins sur certaines questions, des modifications aussi de nature doctrinale / magistrale (l’histoire de l’Église en connaît beaucoup). Je donne deux exemples concrets : la ligne de Humanae Vitae doit être explicitement changée. Sa non- réception persistante par le peuple chrétien rend intolérables des hypocrisies comme celles qui sont encore proposées dans le document de travail, dans son passage le plus malheureux, pour justifier une erreur commise par un pape, fut-il presque un saint. Deuxième exemple : la question des divorcés remariés exige une solution. Le problème est clairement posé dans l’Instrumentum sous tous ses aspects ; maintenant les évêques, soutenus par tous les opérateurs de la pastorale familiale, peuvent décider de récupérer l’ancienne tradition, toujours suivie aujourd’hui par l’Église orthodoxe. Ces deux choix, qui devraient être possibles, iraient dans le sens d’une morale familiale plus fondée sur la liberté de conscience et sur la responsabilité personnelle, au-delà de la miséricorde dont parle l’Evangile (et le pape François). Cela me semblerait un passage vrai et aisément compréhensible, au niveau des masses, pour que l’Eglise soit davantage entendue dans une société sécularisée.
Vittorio Bellavite, coordinateur de « Noi Siamo Chiesa »
Traduction française de Lucette Bottinelli
Source : publié le 30 juin 2014 par Noi Siamo Chiesa (section italienne du mouvement international We Are Church – IMWAC) à : http://www.noisiamochiesa.org/?p=3392
Sur le même sujet :
« Document de travail du Synode des évêques sur la famille » à :
http://nsae.fr/2014/06/27/document-de-travail-du-synode-des-eveques-sur-la-famille/