Alerte en Grèce : le gouvernement veut privatiser les côtes et les plages !
Traduit par Laurelou Piguet
Privatiser les côtes grecques, brader les plages et les îles aux plus offrants : voila la dernière idée d’Athènes pour renflouer les caisses de l’État. Si ce projet de loi passe au Parlement, c’est tous les espaces protégés de Grèce qui sont menacés, sans parler des conséquences humaines et sociales, qui s’annoncent catastrophiques. Pour faire reculer le gouvernement grec, la mobilisation prend de l’ampleur.
Le projet de loi sur la « Délimitation, gestion et protection des côtes et plages », présenté en mai, avant les élections au Parlement européen, a provoqué un tollé généralisé. Dans les rangs de l’opposition bien sûr, mais également dans ceux du Pasok et de Nouvelle-Démocratie, et surtout au sein des organisations citoyennes et des écologistes. Considéré comme un outil de développement économique par le gouvernement, ce projet va permettre de céder les plages grecques à des investisseurs privés, afin de renflouer les caisses de l’État.
Selon Maria Karamanof, conseillère d’État et membre de l’Observatoire de l’environnement et du développement durable, ce texte a provoqué des réactions inédites, tant en Grèce qu’à l’étranger. D’après elles, les réformes envisagées par le gouvernement pourraient mettre en péril le cœur du patrimoine naturel et culturel du pays : les côtes, les régions lacustres, les zones humides, les écosystèmes fragiles, les vestiges antiques qui se trouvent sous la mer, etc. Elle souligne que, pour la première fois dans l’Histoire, les côtes grecques risquent de perdre leur caractère public, les citoyens n’y ayant plus accès gratuitement. Elle dénonce aussi des atteintes à l’État de droit. L’application du projet de loi, en suivant une implacable logique économique, va priver le pays de son plus grand atout, ses plages, ses mers et sa nature encore vierge, du moins par endroits.
Selon Despina Koutsoupa, membre de l’Association des archéologues grecs, cette réforme va également porter atteinte à la richesse archéologique de la Grèce, notamment au site immergé d’Elaphonissos en Laconie et aux zones qui vont devenir inaccessibles puisque la côte et les ports vont passer sous le contrôle du TAIPED (Fonds grec d’exploitation des biens d’État), puis sous celui d’entrepreneurs privés. Certains lieux risquent ainsi de ne plus être accessibles, comme le golfe de Navarin, lieu de la fameuse bataille de 1827 qui opposa une flotte turco-égyptienne à des navires anglais, français et russes. Certaines îles risquent d’être totalement privatisées, comme Gaidouronisi, en Crète, alors même qu’elles sont aujourd’hui considérée comme des zones archéologiques protégées.
Par la voix de porte-parole, M. Karabetsos, le réseau réseau panhellénique des organisations écologiques (80 organisations représentées) a qualifié le projet de « bombe à retardement ». « Si ce projet de loi est adopté, le territoire que nous connaissons sous le nom de Grèce va perdre ses espaces les plus importants. Le site de l’ancien aéroport d’Athènes, à Elliniko, a déjà été privatisé et 3,5 kilomètres de côtes ont été cédés pour construire des casinos et des centres commerciaux », souligne Panos Totsikas, du Comité de lutte pour le parc d’Elliniko. Dans ce cas précis, le Centre de recherches maritimes ajoute, de son côté, n’avoir jamais été sollicité pour faire part de ses remarques, ce qu’aurait pourtant justifié son expérience.
Pour lutter contre la réforme, de nombreuses actions ont vu le jour. Le 8 juillet à Corinthe, des coureurs se sont élancés pour un « supermarathon » de 240 kilomètres pour sauver les côtes grecques, né de l’initiative du marathonien Agis Emmanuel. Passé par Eleusine, Elliniko et le cap Sounion, ce dernier est arrivé le 12 juillet à Schoinias, à côté de Marathon, pour sensibiliser le public aux dangers de ce projet de loi. Un réseau appelé « Plages et côtes grecques : l’heure zéro » s’est aussi constitué à l’initiative de nombreuses organisations et associations. Il a réussi à réunir 130 institutions opposées au projet, et une pétition lancée par le mouvement international Avaaz a recueilli 149.000 signatures.
Par ailleurs, le Défenseur des droits a aussi exprimé des remarques et des réserves sur un certain nombre de points du projet de loi, réclamant que le texte soit revu pour pouvoir protéger l’environnement et maintenir le caractère public de la côte. Selon cette autorité indépendante, les interventions sur le paysage permises par le texte se feront, certes, au bénéfice du développement touristique, mais seront dangereuses et irréversibles. Il juge problématique la possibilité offerte par le texte de légaliser des altérations morphologiques profondes du paysage, dans un but commercial à court terme. Selon lui, le texte manque d’études transversales (sociales et environnementales). De plus, il prévoit que la destruction des constructions illégales puisse être annulée contre paiement d’une amende, et que les poursuites pénales seront annulées contre les particuliers ou les organismes ayant enfreint la loi, malgré des décisions de justice, et ce dans le but de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. Le Défenseur des droits rappelle également que la Grèce doit respecter les recommandations du Conseil européen, du programme d’action des Nations Unies en Méditerranée et la législation européenne sur l’environnement.
Le parti Syriza, par la voix de son dirigeant Alexis Tsipras, a repris cette semaine le flambeau de la mobilisation : mercredi 16 juillet, il a parlé d’une « catastrophe nationale ». Le gouvernement a fait savoir vendredi 18 juillet que le projet de loi serait de nouveau examiné en septembre, après avoir été un temps gelé.
Traduit par Laurelou Piguet
Source : traduction du Courrier des Balkans mise en ligne le 21 juillet 2014 à :
http://balkans.courriers.info/article25323.html
Photo : île de Galdouronis
Article original (en grec) publié le 26 juin 2014 sur la toile : Eleftherotypia
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