George Ibrahim Abdallah : prisonnier politique depuis 30 ans en France
« 30 ans, cela fait 30 ans que Georges est en prison » nous rappelle André Rosevègue, dans le récit de sa récente rencontre avec le prisonnier, publié ci-après.
A la prison de Lannemezan, l’Union Juive Française pour la Paix a rencontré un homme debout.
Par André Rosevègue
C’est la première fois que je rentrais dans une prison. Cela faisait des mois et des mois que j’avais posé ma demande pour pouvoir rencontrer Georges Ibrahim Abdallah.
J’étais persuadé qu’elle me serait refusée. Gilbert Hanna, de Sud-Ptt et de la radio La Clé des Ondes à Bordeaux, m’avait convaincu de la présenter, ne serait-ce que par principe. Pour les visites non familiales, la question est : « en quoi cette visite peut faciliter la réinsertion du détenu ? ».
Quand j’ai été interrogé par la gendarmerie sollicitée par le Procureur de Tarbes, j’ai répondu que je pensais pouvoir apporter en tant que responsable de l’UJFP un point de vue original et intéressant sur la situation aujourd’hui.
C’est le 29 août que l’autorisation m’a été envoyée, et j’ai donc pu rencontrer Georges dès ce mercredi 3 septembre, accompagné de Gilbert – qui a proposé à l’Union Syndicale Solidaires de relancer l’expression publique de l’exigence de la libération de Georges. Voir par ailleurs la pétition adoptée par son congrès et à laquelle l’UJFP apporte son soutien [1].
30 ans, cela fait 30 ans que Georges est en prison. Ce qui frappe tous ceux qui le rencontrent au premier contact, c’est un mélange de force et de sérénité. Quand les grilles s’ouvrent, et que les détenus qui ont de la visite arrivent, Georges apparait d’emblée en sage enjoué et respecté par tous, détenus, gardiens, visiteurs. « Oh, la petite a grandi cet été, comment s’est passé ta rentrée ? … »
Je ne vais pas vous raconter plus de 4 heures de discussion, d’autant que j’ai choisi de ne pas prendre de notes cette fois-ci. Dès après notre accolade, Georges s’excuse de ne pas avoir répondu à chacune de mes lettres. Et il évoque courrier, journaux, livres, relations avec ses voisins, et sa pratique intensive d’activités physiques.
Georges a une connaissance précise de l’actualité de son pays, le Liban, mais aussi de toute la région. Il manie avec bonheur et humour la rigueur du matérialisme historique. Ses points de vue, toujours d’un point de vue de classe, sont discutables, mais jamais dogmatiques.
Il ne fait pas que remercier l’UJFP de son soutien. Il développe l’idée de la grande importance qu’une association comme la nôtre, aussi modeste soit elle, casse par sa présence et le contenu de ses interventions toute idée que le conflit est religieux ou ethnique, et donc fait obstacle aux analyses réactionnaires et régressives.
Georges ne veut pas parler de la réunion du Tribunal le 30 septembre à la prison, car il ne veut pas faire de plans sur son éventuelle libération conditionnelle, il a été trop souvent échaudé.
Je sais que sa cellule déborde de livres et de journaux. Je lui remets cependant nos dernières déclarations, le numéro 1 de « De l’Autre Côté », et le hors série « Tarabut » (mouvement qu’il ne connaissait pas). Et je lui propose, même si je sais qu’il n’en pas vraiment besoin, un livre de la collection du CETIM « pensées d’hier pour demain », celui sur Amilcar Cabral. Sa réaction positive est immédiate : « oui, ça m’intéresse, c’est le genre de documents qui peuvent intéresser ceux avec qui je discute ici ».
Un homme debout.
Une rencontre qui oblige.
André Rosevègue
Source : publié le 8 septembre 2014 à : http://www.ujfp.org/spip.php?article3500
[1] APPEL pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah.
Voté au 6eme congrès 2014 de l’Union Syndicale SOLIDAIRES à Dunkerque (10 juin 2014)
Que cesse un invraisemblable déni de droit
Georges Ibrahim Abdallah est l’objet d’un invraisemblable déni de droit de la part du gouvernement français, qu’il importe de faire cesser au plus vite.
Militant libanais pro-palestinien, Georges Ibrahim Abdallah est emprisonné depuis 30 ans en France.
Incarcéré depuis 1984, il a battu le record détenu jusque-là par Nelson Mandela (27 ans), le chef du combat nationaliste sud-africain, et revendique désormais le titre de « Doyen des prisonniers politiques en Europe », au même titre que Moumia Abou Jamal, aux Etats-Unis.
L’homme, il est vrai, est atypique en ce que son parcours transcende les traditionnels clivages ethnico-religieux. Militant communiste issu d’une famille du Nord-Liban, Georges Ibrahim Abdallah a été condamné à la peine maximale prévue par la loi, pour complicité d’assassinat d’un responsable du Mossad israélien et d’un attaché militaire américain à Paris en 1982.
Au-delà du bien-fondé de sa condamnation sur la base de preuves sujettes à caution, l’homme a purgé, plus que largement, sa peine.
Libérable depuis 15 ans, il a été maintenu en détention sur intervention directe des Etats-Unis. Pour l’exemple, au prétexte qu’un « crime de sang » a été commis à l’encontre de personnes représentant des autorités publiques. Au-delà du débat sur la matérialité de ce crime, il aurait du être libéré selon les règles depuis 1999. De plus la justice, en 2012, a tranché par deux fois, en première instance et en appel, en décidant sa libération, avec à la clé, un arrêté d’expulsion devant être signé par le ministre de l’intérieur.
Le refus de signer cette expulsion a permis de porter le jugement en cassation. Cette dernière a estimé « qu’un prisonnier de longue durée doit faire une année de libération conditionnelle ». Ce qui est vrai pour un prisonnier français est « faux » pour un étranger qui doit être immédiatement expulsé. Aujourd’hui Georges Ibrahim Abdallah est en détention administrative. Cette exception comme toutes les mesures exceptionnelles a été appliquée à ce prisonnier détenu par la volonté des Etats-Unis ET de la France qui porte cette responsabilité.
Nous exigeons sa libération sans condition.
Source : http://www.solidaires.org/article48242.html
Liste des organisations, associations et personnes signataires sur le site à :
http://www.ujfp.org/spip.php?article3502
Aller plus loin : soutenir le collectif pour la libération de G. Abdallah à :
http://liberonsgeorges.over-blog.com/
Sur le même sujet :
« Un prisonnier politique expiatoire » à : http://nsae.fr/2013/10/31/un-prisonnier-politique-expiatoire/