REFLEXIONS CRITIQUES SUR LE SYNODE
Nos amis de Noi Siamo Chiesa (Nous Sommes Eglise Italie) nous ont transmis leurs premières réflexions après la publication du rapport final du Synode le 18 octobre. Vous trouverez ci-après la traduction de leur déclaration.
Un Synode important. Le rapport final (Relatio Synodi ) [1] est en retrait sur celui de la première semaine (Relatio post disceptationem) [2]. « Noi Siamo Chiesa » s’impliquera dans les prochains mois avec toute la mouvance « conciliaire » pour que tout ne reste pas comme avant.
Cette première phase du Synode sur la famille restera dans l’histoire de l’Eglise. Des questions qui avaient été soulevées depuis longtemps par la « base » du peuple de Dieu ont été examinées par une institution ecclésiastique qui n’a jamais eu dans le passé un rôle important, tant par sa composition que par son rôle seulement consultatif. Ces limites de départ ne l’ont pas empêchée, grâce au mérite principal du pape François, d’affronter la réalité de la famille sans se laisser paralyser par les modèles du Catéchisme, les normes du droit canon, les «vérités» définies pour toujours. Ainsi, les joies, les souffrances, les contradictions et les différentes cultures et pratiques avec lesquelles vit la famille dans l’univers catholique, ont été photographiées convenablement, en particulier dans le Message [3] et la première partie du rapport final. Mieux vaut tard que jamais. Le questionnaire proposé il y a un an par le secrétariat du Synode, a en fait lancé une écoute qui, depuis de trop nombreuses années, du sommet à la base de la structure ecclésiastique, avait été empêchée parce qu’on prétendait que tout avait déjà été dit dans la doctrine et la pratique.
Au Synode les relations familiales ont été confirmées – et ce ne pouvait pas ne pas l’être – dans l’expérience de chaque croyant, comme le siège des affections, de la solidarité, de l’éducation, mais aussi des tensions, des contradictions, des difficultés. La communauté chrétienne, plus que toute autre structure de vie associative, participe et est conditionnée par ce vécu. Le Synode a parlé de cela. Il me semble que la discussion a été vive, mais il est dommage que, par une décision non motivée, les interventions individuelles n’aient pas été divulguées, comme par le passé ; toutefois, dans la presse et les médias, les principaux problèmes ont été largement discutés avec des oppositions vives qui viennent de loin.
En préliminaire de ce partage d’itinéraire qui a été commencé et sera achevé en octobre 2015, je fais quelques brèves observations synthétiques sur la première Relatio Synodi concluant les travaux le samedi 18 octobre, avec l’engagement de « Noi Siamo Chiesa » dans les prochains mois, de faire d’autres analyses et propositions :
- Il me semble remarquable que le Synode ait renversé les précédentes diabolisations du mariage civil et de la cohabitation, et qu’il en ait relevé à la place, « les éléments positifs »;
- c’est une bonne chose que le tabou de l’interdiction absolue de la participation des divorcé-remariés à l’Eucharistie ait été levé. Les solutions proposées, en particulier dans le Relatio post disceptatione, relèvent encore de la logique de la procédure visant à la déclaration de nullité du mariage (que, toutefois, l’on souhaite simplifier et accélérer). Cela semble une voie insuffisante. Il faut avoir le courage de prendre acte des cas de mariages tout à fait valides qui ont pris fin pour diverses raisons, dans lesquels les conjoints, le cas échéant après un parcours de repentance, sont libres de conclure un deuxième lien de type sacramentel qui soit pleinement accepté dans la communauté ecclésiale ;
- je ne comprends pas ce que signifie, au paragraphe 53, parler de possible «communion spirituelle» des divorcés-remariés. De quoi parle-t-on ? Pourquoi alors ne pourraient-ils pas accéder à la communion sacramentelle ? Qui dit cela ne pêche-t-il pas par un peu de ruse ou d’hypocrisie ? ;
- La lecture du paragraphe 55 sur les personnes d’orientation homosexuelle me laisse stupéfait. On fait une citation (sans indication de la source, comment une telle chose est-elle possible ?) selon laquelle «il n’y a pas le moindre fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille ». Puis on cite un document de l’ancien St Office. Point à la ligne. La marche arrière par rapport aux paragraphes 50, 51 et 52 du Relatio post disceptatione est complète et laisse amer. Alors au cours de la première semaine, on a plaisanté ! Le problème avait été largement traité avec un esprit ouvert à l’accueil dans la ligne d’une orientation générale qui se répand lentement dans l’Eglise et à laquelle ont contribué les mouvements d’homosexuels croyants. Je suppose que la contre-offensive factieuse des conservateurs a été efficace et que les nombreuses 62 voix contre ce paragraphe sont celles des évêques qui souhaitent que rien ne change et que l’on poursuive par conséquent dans les erreurs de diabolisation et d’exclusion du passé ;
- sur Humanae Vitae il est dit que « va être redécouvert son message qui met l’accent sur la nécessité de respecter la dignité de la personne dans l’évaluation morale des méthodes de régulation des naissances. » Dans cette phrase on ne comprend pas bien ce qui peut faire revivre Humanae Vitae. Mais le Synode a-t-il discuté de Humanae Vitae ? Il ne semble pas. Alors cette citation semble être faite en passant, par souci du respect de l’autorité papale (et à la veille de la béatification de Paul VI), tenant pour acquis que cette encyclique est en fait devenue caduque parce que, depuis le début et de façon continue, elle n’est pas assimilée dans la perception générale du peuple de Dieu. N’aurait-il pas été préférable d’utiliser la parrêsia demandée par le pape François et dire les choses comme elles sont ? ;
- Le débat au Synode semble avoir pris des chemins différents de ceux suivis jusqu’à maintenant par la Conférence épiscopale italienne sur les questions de la famille. Pas de ton de croisade, pas de «campagnes», pas de «valeurs non négociables», pas de «loi naturelle». J’espère, comme beaucoup d’autres, que la rencontre décennale de l’Eglise italienne l’an prochain à Florence marquera un tournant.
Les douze mois qui nous séparent du Synode ordinaire d’octobre 2015 devraient faire émerger le meilleur dans l’Eglise – c’est au moins ce que nous attendons – la conscience que chaque chrétien et que toute l’Eglise doivent toujours être en marche. Celui qui s’arrête reste seul comme témoin du passé.
Rome 20 octobre 2014
Vittorio Bellavite, porte-parole national de « Noi Siamo Chiesa »
Traduction française de Lucette Bottinelli
Source : publié le 20 octobre 2014 par « Noi Siamo Chiesa » à : http://www.noisiamochiesa.org/?p=3593
Notes :
[1] Relatio Synodi (rapport final du Synode) du 18 octobre 2014 à :
http://press.vatican.va/content/salastampa/de/bollettino/pubblico/2014/10/18/0770.html
[2] Relatio post disceptiationem, (rapport post discussion) du 13 octobre 2014, téléchargeable en cliquant ci-après :
Synod14 – « Relatio post disceptationem%22 Péter Erdő13.10.14
[3] Message du synode des évêques adressé aux familles (18 octobre 2014) à :
http://press.vatican.va/content/salastampa/fr/bollettino/pubblico/2014/10/18/0768.html
Sur le même sujet :
« Bilan d’une première semaine de Synode sur la famille à Rome » à :
http://nsae.fr/2014/10/15/bilan-dune-premiere-semaine-de-synode-sur-la-famille-a-rome/