Le rapport final sur l’état des congrégations religieuses féminines aux États-Unis dressé à la suite d’une visite apostolique dépêchée par le Vatican, a été présenté mardi 16 décembre lors d’une conférence de presse au Vatican. Il marque l’aboutissement d’une enquête lancée il y a 6 ans. On trouvera ci-après la traduction du commentaire qu’en a fait Sr Joan Chittister *
C’est par là qu’il aurait fallu commencer
par Joan Chittister
J’ai appris quelque part que « Tout esprit part du sommet ». L’attribution pourrait être apocryphe, peut-être, mais dans ce cas c’est néanmoins vrai. Mardi, en fait, j’en ai vu la vérité de mes propres yeux.
La diffusion mardi [16 décembre] du rapport final sur la visite apostolique des religieuses américaines, lancée en 2008 par le cardinal Franc Rodé, alors préfet de la Congrégation pour la vie religieuse, adopte un ton complètement différent de celui du début.
Le plan, comme défini alors, donnait tout simplement le mandat d’envahir les congrégations religieuses américaines pour examiner la qualité de vie vécue par les sœurs américaines. Lancé sans discussion ni collaboration avec les religieuses en question, le plan a pris l’allure d’une chasse aux sorcières et a marqué négativement l’ensemble du processus.
Le processus seul a alerté les sœurs sur le manque de confiance et de respect qu’on leur portait, en tant qu’institutions mêmes, et encore plus en tant que personnes. Il a également alerté les laïcs, des milliers et des milliers d’entre eux, dont la propre vie spirituelle avait été nourrie par les changements que les sœurs avaient effectués dans leur travail et leurs modes de vie au fil des ans. Ce sont les laïcs qui connaissaient de près et de quelle façon la catastrophe potentielle qui pourrait advenir à l’Eglise elle-même en bloquant ces changements à l’avenir.
L’imposition violente du processus, semblable à la chute d’une guillotine médiévale, commandée d’en haut et sans possibilité de révision, a rencontré une résistance appropriée d’un bout à l’autre du pays. Les religieuses réunies en conclave solennel ont réitéré que les changements dans la vie religieuse, depuis Vatican II, sont venus directement de leurs tentatives de rendre possibles le ministère et l’évangélisation dans le monde de Vatican II. Et cependant, elles savaient aussi que c’était pour ces mêmes développements qu’elles se voyaient elles-mêmes jugées et condamnées pour mauvais comportement religieux.
Néanmoins, aujourd’hui, six ans plus tard, sous le cardinal João Braz de Aviz, ce rapport final publié en réponse à cette évaluation nationale a presque extrait l’esprit négatif et punitif qui y était attaché. L’esprit au sommet a changé. Le ton a changé. Le degré de collaboration a changé.
En conséquence, ce rapport final devient une norme pour le futur dialogue, oui, mais en même temps, son manque de transparence irrite un peu. La visite est expliquée ici comme destinée à transmettre le soutien bienveillant de l’Eglise dans un dialogue respectueux de « sœur à sœur » – semblable à la visite de Marie à Elisabeth. L’explication donnée par les rédacteurs d’aujourd’hui, à savoir que l’examen provenait simplement d’un intérêt et d’un soutien, affaiblit en fait le présent document en refusant aux religieuses les excuses qu’elles méritent de recevoir.
En fait, le rapport de mardi, qui reconnaît l’impact capital de la communauté des religieuses américaines sur le développement de l’Eglise aux Etats-Unis, est précisément le document qui aurait dû ouvrir la discussion plutôt que la clore.
Deux questions restent en suspens
La première est le rôle actuel des femmes dans l’Eglise. Si les religieuses sont autant respectées par l’Eglise, il semblerait que l’Eglise devrait les impliquer dans les prises de décisions qui affectent leur vie.
La seconde est la possibilité très réelle, si la conférence de presse sur la publication du rapport final est prise au sérieux, que ce modèle même de l’évaluation romaine de congrégations particulières entreprises par la Congrégation, indépendamment des congrégations concernées, puisse facilement devenir la norme.
Avant de franchir cette étape, cela devrait à coup sûr être examiné longuement et assidûment par toutes les parties impliquées. Les congrégations religieuses de femmes doivent-elles être traitées bon gré mal gré selon le caprice d’un seul bureau sis dans un bâtiment éloigné de milliers de kilomètres ?
Ce sont des questions qui exigent une longue et sérieuse réflexion. C’est le genre de préoccupations qui outrepasse une évaluation de registres ou d’inventaires de la communauté. Ce sont les questions qui rendront réelles à la fois la préoccupation de l’Église universelle pour le développement des religieuses et pour le développement de l’Eglise masculine elle-même.
Pour moi, l’air s’est éclairci, la voie s’est ouverte, les conclusions sont bien exposées. Nous sommes tous, religieuses et Eglise elle-même, en train de basculer dans un monde chancelant. Le mantra pour le moment doit être, « Ce sont nos sœurs, dont nous sommes bien contents. Puissent leurs efforts nous faire nous lever tous pour servir un monde nouveau avec des cœurs nouveaux et saints ».
Joan Chittister
Traduction française de Lucienne Gouguenheim
*Sr Joan Chittister est religieuse bénédictine et écrivaine aux Etats-Unis. Elle a été supérieure de sa communauté et présidente de la LCWR (Leadership Conference of Women Religious : https://lcwr.org/). Elle collabore régulièrement au journal National Catholic Reporter (NCR) où elle tient une rubrique en ligne (« From where I stand »).
Source : texte original publié (en anglais) dans National Catholic Reporter à :
http://ncronline.org/preview/ending-should-have-been-beginning
Source illustration : http://ncronline.org/authors/joan-chittister
En savoir plus :
►Le RAPPORT (en anglais) est disponible à :
http://press.vatican.va/content/salastampa/it/bollettino/pubblico/2014/12/16/0963/02078.html
et téléchargeable (pdf) à : http://press.vatican.va/content/salastampa/it/bollettino/pubblico/2014/12/16/0963/02078.pdf
►« Religieuses américaines : le rapport du Vatican globalement positif » à :
Sur le même sujet :
►« Les enjeux sont importants pour la LCWR qui ouvre son assemblée annuelle » à :
http://nsae.fr/2014/08/13/les-enjeux-sont-importants-pour-la-lcwr-qui-ouvre-son-assemblee-annuelle/
►« Les femmes à la croisée des chemins dans l’Eglise » à :
http://nsae.fr/2013/12/17/les-femmes-a-la-croisee-des-chemins-dans-leglise/
” L’esprit au sommet a changé. Le ton a changé. Le degré de collaboration a changé.”
C’est déjà ça ! Réjouissons-nous avec les Nuns et félicitons-les, elles sont aussi l’Eglise qui avance. . Un peu de reconnaissance est appréciable. Quant aux excuses, cela n’existe pas au Vatican, ou alors dans quelques siècles …
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