Message de Noël 2014 de Sabeel
Par Naïm Ateek
« N’ayez pas peur. » (Luc 2, 10)
Dans une perception palestinienne du monde, il y a des similitudes évidentes entre la situation politique en Palestine au temps de la naissance de Jésus et la situation politique en Palestine aujourd’hui. Il y a une occupation visible qui s’impose aux gens et les opprime ; et il y a des mots qui expriment ce qu’endurent les gens : peur, insécurité, instabilité, souffrance, chagrin, désespoir et autres sentiments négatifs que peuvent susciter un pouvoir répressif et un gouvernement israélien de droite.
C’est pourquoi les mots de l’ange aux bergers dans le récit de Noël font vibrer une corde sensible, « n’ayez pas peur ; car voici que je vous annonce une bonne nouvelle et une grande joie pour tout le peuple. » Qu’est-ce qui représentait une bonne nouvelle pour les bergers dans la Palestine du premier siècle et qu’est-ce qui représenterait une bonne nouvelle pour notre peuple palestinien aujourd’hui ? Ce n’est rien d’autre que LA LIBERTÉ ET LA PAIX, parce que les deux peuvent donner une vie de dignité, de sécurité et de stabilité au peuple.
Au milieu de ces temps difficiles, la signification implicite du message de Noël pour le peuple opprimé est fondamentalement clair : Dieu connaît et voit les souffrances de l’opprimé et Dieu est à l’œuvre non par les gens de pouvoir, mais par la naissance d’un enfant qui finalement porte en lui la réponse à la condition humaine d’injustice et d’insécurité ; par conséquent « n’ayez pas peur ». De plus, les anges ont donné aux bergers la formule de la paix sur terre, « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix pour ses bien-aimés. » (Luc 2, 14) Cela implique le besoin de deux éléments essentiels : d’une part, la paix sur la terre est possible lorsque les gens, y compris ceux qui exercent un pouvoir, consentent à se faire humbles devant Dieu, à aimer les autres et à se mettre à leur service, et à rendre gloire et honneur à Dieu. D’autre part, la paix est possible lorsque les gens font preuve de bonne volonté les uns à l’égard des autres. La bonne volonté de la part de tous est essentielle pour faire la paix. Du point de vue palestinien l’un des principaux obstacles à la paix est l’absence de bonne volonté. Tout au long du conflit israélo-palestinien, il y a eu des sommets, des accords, des feuilles de route, des ententes, etc. Ce qui a manqué c’est la bonne volonté de la part d’Israël. Le gouvernement israélien essaie en permanence d’imposer sa volonté aux Palestiniens plutôt que de se soumettre, comme le demandent les Palestiniens, à la volonté de la communauté mondiale et au droit international. La bonne volonté implique l’élimination de toutes les barrières qui s’opposent à la promotion de la dignité et de la qualité de vie de l’autre. La bonne volonté implique de négocier de bonne foi. Paix et bonne volonté sont possibles sur terre lorsque les gens veulent bien reconnaître la souveraineté absolue de Dieu et aiment à faire preuve de bonne volonté et de compassion à l’égard de leurs compagnons humains. C’est aussi simple que cela. Et nous croyons que cela a été initié et proclamé par la vie et l’action de Jésus-Christ, le sauveur et le libérateur, par son enseignement sur le bouleversement qu’apporte le Royaume de Dieu, par sa mort et sa résurrection.
Mais dans ce monde brisé où les puissances semblent faire la loi, les gens ne veulent pas entendre la formule de Dieu pour la paix. Le gouvernement d’Israël en est un exemple : il opprime et domine notre peuple, vole ses terres, expulse les gens de leurs maisons, les humilie et leur refuse les droits humains et politiques les plus fondamentaux. Et plus récemment, le projet de loi sur la nationalité israélienne ne témoigne d’aucune bonne volonté à l’égard des Palestiniens. Cependant, la venue du Christ manifeste la volonté de Dieu dont la vraie nature est amour, compassion et justice ; et dont le désir est de voir se réaliser la paix sur la terre et régner la bienveillance entre les gens. Voilà pourquoi Jésus a dit que ceux qui travaillent à la promotion de la paix sont enfants de Dieu. (Matthieu 5, 9)
En disciples de Jésus, nous avons la responsabilité d’être des artisans de paix et de promouvoir cette formule de paix et de bonne volonté. Nous devons faire tout notre possible pour la mettre en œuvre. C’est une responsabilité impressionnante, mais nous pouvons et devons l’assumer. Ce temps de Noël nous encourage et nous incite à nouveau à redoubler d’efforts dans notre travail pour une paix juste en Palestine-Israël.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix pour ses bien-aimés. »
Joyeux Noël et bonne année.
Naïm Ateek, Président de Sabeel
Source : traduction réalisée et publiée par les Amis de Sabeel France à : http://www.amisdesabeel-france.blogspot.fr/
Source illustration : Investig’Action dans l’article « Petit manuel de déstabilisation d’un régime hostile » publié le 28.02.2013 à : http://www.michelcollon.info/Petit-manuel-de-destabilisation-d.html
Aller plus loin :
consulter le numéro 70 – Automne-Hiver 2014 du magazine Cornestone (La Pierre d’Angle), revue du Centre œcuménique de théologie de la libération Sabeel, dans sa traduction française réalisée par les Amis de Sabeel France. Ce numéro est consacré au thème « La Santé, occupée… ». (cf à : http://www.amisdesabeel-france.blogspot.fr/).
TELECHARGHEABLE (pdf) en cliquant ci-après : CORNERSTONE – N° 70 – Version française