Amour homosexuel
par José Arregi
“Je suis homosexuel et je me sens fils aimé de Dieu pour ce que je suis. Je vis avec joie et fidélité avec mon compagnon. Ces années de vie ensemble nous ont apporté beaucoup de bonheur et de bénédiction. Nous avons senti que nous avons grandi en conscience et spirituellement en tant que couple et en tant que personnes. Nous aimons Jésus, car il donne sens à notre vie de couple.
L’histoire personnelle de chacun de nous garde la trace indélébile de la tradition catholique. Nous avons appris tous deux au sein de l’Église à aimer Dieu, appris à lire l’Évangile, appris à nous aimer. Ceci ne peut se nier. Mais cela n’a pas été facile de nous réaliser en tant que personnes dans le contexte d’une Église et d’une société catholico-romaine homophobe, exclusive et, dans beaucoup de cas, homicide. L’institution catholico-romaine maltraite… les personnes qui sont différentes comme nous, comme c’est le cas de toute population différente par son genre et sa sexualité.
À ce stade de notre vie, après 16 ans en commun, nous sentons que l’Église reste en arrière dans notre cheminement spirituel et notre vie de couple. Un exercice de foi sain et libérateur exige une position claire et radicale face à une structure hiérarchique pratiquant la double morale, qui nous condamne et nous exclut.”
Amie, ami lecteur : les lignes qui précèdent sont la transcription littérale d’un mail que j’ai reçu il y a quelques jours depuis une belle ville colombienne où c’est toujours le printemps. Je ne connais pas personnellement le couple, mais depuis Arroa Behea, en cette matinée verte et pluvieuse, printanière, je les bénis de toute mon âme.
Merci pour être ce que vous êtes et pour vivre votre amour en accord avec ce que vous êtes. Vous êtes bénédiction pour l’humanité et pour toute la terre, comme cette douce pluie. Pardon, amis, pour toutes les cultures, sciences et régimes, religieux ou non, qui vous ont humiliés, emprisonnés et même brûlés au bûcher. Pardon en particulier pour les religions qui vous ont déshonorés, offensés et punis, toujours au nom de la vérité révélée, connue et contrôlée exclusivement, ceci oui, par sa caste dirigeante. Ils se saisissent de la vérité comme d’une arme, un prétexte, un instrument de domination. C’est une tragique négation de la vérité qui mouille et dilate comme la pluie, qui féconde et réinvente la vie comme le printemps.
Pardon surtout pour l’Eglise de Jésus qui vous a condamnés et vous condamne encore, parfois avec miséricorde apparente, fausse miséricorde. Pardon pour un certain cardinal de ce pays qui, au contraire de l’Organisation Mondiale pour la Santé, continue d’affirmer que l’homosexualité est une maladie comme votre hypertension ou le diabète ; et pour un certain évêque qui se targue de savoir comment vous « traiter » et même de vous avoir parfois guéris.
Incroyable ! Pardon pour le catéchisme de l’Église Catholique qui affirme que l’amour homosexuel est intrinsèquement contre nature et désordonné, qu’être homosexuel en soi n’est pas un péché, mais qu’il en est un de vivre comme tel. Il offense la nature, la création, la créativité sacrée que nous appelons Dieu. Et il le fait au nom de la Bible. Mais la Bible compte à peine deux textes qui condamnent la pratique homosexuelle, et ils sont d’une très douteuse interprétation : Lévitique 18, 22 et Romains 1, 26-27. Quand bien même seraient-ils deux mille.
Par ailleurs, ce même livre du Lévitique n’interdit- il pas de manger du porc et des fruits de mer, et ordonne des choses plus absurdes encore ? Et Paul ne nous enseigne-t-il pas dans cette même Épître aux Romains (ch. 13) que nous devons toujours nous soumettre et obéir aux autorités, également aux dictateurs ?
Je comprends très bien que l’un de vous ait renié l’Église catholique-romaine il y a 10 ans, et que l’autre vienne de le faire récemment, après avoir « mûrement et indépendamment réfléchi » et faisant expressément mentionner « Je ne renonce pas à la foi chrétienne, mais à une institution ecclésiastique ». Par dignité, par amour de l’Église, pour suivre Jésus. Non seulement je vous comprends, mais je vous félicite. Je crois que Jésus ferait de même.
Dans tous les cas, Jésus serait avec vous. Il est avec vous. Votre amour est sacrement de l’Amour. Jésus vous bénit. Le printemps vous bénit.
Traduction de Rose-Marie Barandiaran