Les super riches, au-delà des 1 % : les 0,001 %
Par Jean Gadrey
L’extrême richesse et le pouvoir de nuisance des super riches (et des États qui leur ont taillé une fiscalité super légère) ne seront pas pour rien dans l’éclatement à venir de la bulle actuelle, mais pour l’instant ils battent des records. Au point que le très officiel institut étatsunien des impôts (IRS), via sa division des statistiques sur les revenus, vient de produire une étude sans précédent portant à la fois sur la richesse des super riches et sur leur taux réel d’imposition.
C’est un pavé dans la mare que l’on peut interpréter ainsi : même la majorité des dirigeants politiques et même les Américains très aisés supportent mal l’indécence des revenus extrêmes et encore moins le fait qu’ils soient moins imposés que ceux des… riches.
Dans cette étude, les super riches ne sont absolument pas les 1 % du haut de l’échelle des revenus, ni les 1 pour 1000 (les 0,1 %). Ce sont les 1 pour 10.000 (les 0,01 %) et surtout les 1 pour 100.000 : les 0,001 %. Bon, mais peut-être ne trouve-t-on dans cette dernière catégorie que de quelques personnes hors norme, des Bill Gates, des Warren Buffett et deux ou trois semblables, auquel cas ce serait d’un intérêt réduit même si les chiffres sont énormes ?
Tel n’est pas le cas. Le nombre total des déclarations d’impôt sur le revenu étant de 136 millions, le groupe des super riches compte 1.360 personnes. Sur un plan quantitatif, c’est un peu l’équivalent des « 200 familles » des années 1930 en France, dont Édouard Daladier disait lors du Congrès radical de Nantes en 1934 : « Deux cents familles sont maîtresses de l’économie française et, en fait, de la politique française… L’influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l’opinion publique, car elles contrôlent la presse ». Toute ressemblance avec l’influence de familles actuelles serait pure coïncidence…
Mais revenons au cas des États-Unis et de leurs super riches. Les chiffres sont ceux de l’année 2012. Quel est le seuil de revenu à partir duquel on appartient au groupe supérieur des 0,001% ? Réponse : 62 millions de dollars. Oui, vous avez bien lu, 62 millions perçus en 2012 comme revenu brut ajusté, ce qui veut dire revenu brut dont on a déjà déduit, dans sa déclaration d’impôts, diverses sommes non imposables et non négligeables. Non, ce n’est pas le patrimoine, c’est bien le revenu ANNUEL.
Après le seuil de super richesse, quel est le revenu MOYEN de ces 1.360 personnes ? Réponse : 161 millions de dollars, pratiquement le record historique de 2007, qui sera sans nul doute battu quand on aura les chiffres de 2013 et de 2014. Le rapport ne se livre pas à une multiplication élémentaire permettant d’en déduire le revenu « ajusté » cumulé des 1.360 personnes en 2012 : 219 milliards de dollars. Comme le revenu brut médian en 2012 était de 36.000 dollars (3000 dollars par mois), nos super riches gagnent en moyenne PRÈS DE 4.500 FOIS PLUS QUE L’AMÉRICAIN « MÉDIAN ».
Mais peut-être les impôts vont-ils corriger cet écart des revenus bruts ? Ces super riches doivent « subir » des taux d’imposition très élevés sur ces revenus gigantesques ? Voici le graphique qui répond à cette question : les super riches sont moins imposés que les 0,01%, eux-mêmes moins que les 0,1%, eux-mêmes moins que les 1%.
Taux d’imposition des plus riches en fonction de leur classe de revenu
Source : blog de Jean Gadrey