Le monde juif au temps de Jésus
Cet exposé d’Yvonne Bonnamy a été fait devant le collectif NSAE-Dordogne
Après la déportation d’une partie du peuple juif, l’édit de Cyrus, roi de Perse, avait permis le retour des exilés souhaitant revenir en terre sainte. Mais cette décision n’avait pas été motivée ni par un élan de sympathie pour les malheureux restés en Juda ou les souffrances des exilés, ni par un souci du “vrai dieu”. Cyrus et son fils Cambyse favorisaient la promotion des cultes locaux et laissaient une large autonomie aux élites locales pour s’assurer la loyauté des provinces de leur vaste empire.
Contrairement aux Assyriens dans le royaume du Nord, les Babyloniens n’avaient pas transféré de nouvelle population étrangère en Juda et les élites, de retour, réussirent à imposer leur autorité sur l’ensemble de la population. Pourtant, on ne vit pas apparaître sur la scène politique un descendant de la maison de David. On ne trouve trace que de personnalités sans liens apparents avec la lignée royale davidique, peut-être pour éviter d’entretenir des espérances messianiques en Juda. C’est le clergé, dont l’importance s’était affirmée durant l’exil, qui jouant un rôle majeur, conserva son autorité. Le pays était donc gouverné par une double autorité : politique avec des hauts commissaires désignés par l’autorité perse et religieuse avec les prêtres. Le Temple devint le centre de l’autorité du peuple de Yehoud (nom porté par la Judée sous la domination perse) et ce fut l’un des tournants les plus cruciaux de l’histoire juive. C’est alors qu’il y eut écriture et réécriture des textes sacrés, notamment du pentateuque, pour les adapter à la nouvelle situation.
Après la conquête d’Alexandre au 4e s. av. et la chute de l’empire perse, les rapports qui s’établirent avec les Séleucides de Syrie débouchèrent rapidement sur une persécution religieuse qui vit au 2e s. av. la libération du pays par Judas Maccabée qui fonda la dynastie Hasmonéenne réunissant le pouvoir politique et celui du Grand prêtre. Après de nombreuses rivalités internes, disputes, certains persécutant les Pharisiens, d’autres s’appuyant sur eux, un nouveau danger se profila à l’horizon de la dynastie : l’influence romaine. C’est Pompée qui désigna Hyrcan II comme héritier et Grand Prêtre mais en lui retirant la royauté ce qui mit fin à l’indépendance de la dynastie. Ce sont les Romains qui soutinrent les prétentions d’Antipater puis du fils de celui-ci Hérode le Grand, leur allié qui, roi de 37 à 4 av., petit à petit fit disparaitre tous les descendants de la dynastie hasmonéenne y compris sa femme Mariamne et ses deux fils les plus aptes à régner, ce qui déboucha ensuite au partage de son royaume en 3 parties par les Romains
Ce roi, qualifié de “moitié-juif”, sa mère étant une princesse arabe du royaume napatéen ne se maintint au pouvoir que grâce à l’appui de Rome, ses sujets niant sa légitimité, se plaignant de sa cruauté et s’inquiétant des constructions païennes dont il parsema le pays. La Judée se partagea bientôt en deux parties : le centre du pays avec Jérusalem soucieux d’intégrisme religieux et la côte et les cités grecques du pays qui profitèrent de sa munificence. Bien qu’il ait agrandi et embelli le Temple, il suscita l’hostilité des Pharisiens qu’il finit par persécuter.
Le personnage est contradictoire : Fou amoureux de Mariamne, il la tue par jalousie et parce qu’il en a peur ; soucieux d’établir une dynastie, il élimine dans des procès bâclés plusieurs de ses enfants ; admirateur du monde grec où les représentations d’êtres vivants sont légion, il entreprend de reconstruire le Temple avec le souci scrupuleux de respecter les règles de pureté mais, pris dans ses contradictions, il demande à ce qu’un aigle soit représenté au-dessus de la grande porte du temple engendrant une émeute noyée dans le sang. Ses abus et ses excès surprirent même les Romains, c’est dire !
À la mort d’Hérode, Rome manifesta une volonté de démembrement de la Judée en dépeçant son territoire. Puis, Archelaüs qui, étant ethnarque avait prééminence sur ses frères, Hérode Antipas et Philippe, fut, à la suite d’abus et de troubles internes, déposé en 6 ap. et exilé. Rome franchit alors un nouveau pas en décidant de gérer directement le territoire et nommant un préfet de rang équestre avant de transformer le poste pour y nommer un procurateur de rang sénatorial. Durant les 60 ans que dura cette gestion jusqu’à la première révolte juive en 66, plus d’une dizaine de préfets puis procurateurs se succédèrent à Césarée, sur la côte où ils avaient établi leur siège. C’est cette gestion romaine particulièrement lourde en taxes et foncièrement provocatrice vis-à-vis des coutumes juives qui fut à l’origine de la guerre de 66. Il y eut bien une tentative de restauration par les empereurs romains Tibère, Caligula et Claude d’une certaine royauté de 41 à 44 en la personne du petit-fils d’Hérode, Hérode Agrippa I sous la tutelle de Rome mais l’expérience s’arrêta à la mort du souverain.
Il ne faut pas imaginer le monde juif comme un monde unifié. A la situation politique traversée de tensions et de courants divers l’entraînant vers le chaos se surajoutaient des tensions et rivalités religieuses au sein même du peuple et des élites juives confrontées au paganisme hellénistique. Vers le temps de Jésus, la puissance sacerdotale juive a pour organe le Grand Conseil ou Sanhédrin qui siège à Jérusalem. Il se disait héritier des 70 sages qui devaient assister Moïse mais ses origines datent tout au plus de la domination perse et son nom n’apparait que sous le règne du dernier Grand prêtre hasmonéen Hyrcan II. Au temps de Jésus, c’est un corps constitué, à la fois haute Cour de justice et Conseil de gouvernement où prévaut l’aristocratie sacerdotale. S’y retrouvent aussi un certain nombre de laïcs et des Docteurs de la Loi à l’autorité grandissante, les Scribes.
À l’époque romaine, le Sanhédrin est un mélange de deux facteurs : la noblesse sacerdotale sadducéenne et les docteurs pharisiens. Si nous savons que tous les membres n’étaient pas à égalité, nous ignorons par contre leur mode de désignation : charge viagère par cooptation, désignation par l’occupant… certainement les deux. Le chef en est le Grand Prêtre. En droit, ses décisions se limitaient à la Palestine et même à la province procuratorienne mais, moralement, ses décisions étaient reconnues là où se trouvaient des groupes de Juifs régulièrement constitués.
Le Sanhédrin avait compétence religieuse, mais la juridiction criminelle appartenait au roi ou à l’autorité romaine. Cependant en matière religieuse, il semble bien qu’il usait librement du châtiment suprême contre les Juifs en matière religieuse. C’est lui qui établit l’étalon clérical par rapport auquel il apprécie et juge tout en Israël. Cependant la Grande Prêtrise avait cessé d’être héréditaire et viagère. Hérode et les Romains faisaient et défaisaient les pontifes au gré de leur fantaisie. Le Grand Prêtre vivait des offrandes du culte. Viennent ensuite les Prêtres qui officient dans le sanctuaire intérieur où les Lévites, dernière catégorie héréditaire, n’ont pas le droit d’entrer. Ces hommes sont par position conservateurs et représentent la tendance de la religion à s’immobiliser dans le définitif.
La synagogue n’a d’attestation archéologique qu’à partir du 3e s. av. C’est avant tout un lieu de réunion où on se rassemble le shabbat et les jours de fête pour écouter la Torah et les Prophètes, puis un sermon. Après la destruction du Temple, on y fera des prières ayant valeur du sacrifice. L’officiant n’est pas un prêtre et peut être pris parmi les assistants. Importantes en diaspora, les synagogues n’avaient, architecturalement, qu’une seule exigence : être tournées vers Jérusalem.
Les Pharisiens représentent le principal courant au 1er s. Ils introduisent un certain nombre de croyances et de pratiques qui, pour eux, font partie de la loi orale : ils se flattaient de connaître plus exactement que quiconque la loi de Dieu, dans son texte et sa tradition, organisée pour la pratiquer plus ponctuellement et pour l’imposer aux autres. La piété de Jésus semble se placer sinon dans la forme du moins dans la ligne et dans l’esprit du mouvement pharisien. Nonobstant leur légalisme rigoureux, qu’eux-mêmes ne trouvaient pas pesant, les Pharisiens se trouvaient ouverts aux nouveautés religieuses, évoluant alors qu’ils étaient persuadés d’être immobiles. Leur conception du péché n’en voyait aucun irrémissible et, toujours rapporté à l’individu, ne pouvait être réparé que par suite de l’initiative du repentir individuel. La rédemption, chaque pécheur en porte le principe dans sa conscience et sa volonté. Ne sommes-nous pas là au voisinage de Jésus ? Les pharisiens croyaient aux anges et aux démons. Ils partageaient l’espérance de la résurrection et ils attendaient le proche avènement du royaume de Dieu. Issus des Hassidim qui avaient résisté aux contaminations grecques lors de la domination séleucide, leur fidélité à la Torah, leur discipline de vie et le zèle pieux qu’ils déployaient dans les synagogues leur gagnaient la considération du peuple et leur assuraient une grande influence sur lui. S’ils s’attachaient aux illusions nationalistes d’Israël en liaison avec un grand drame messianique, cependant l’indépendance politique n’était que le moyen de réaliser leur idéal de piétistes. Ils n’excitaient pas les agitateurs messianiques, mais ne les décourageaient pas non plus. Considérés par les Sadducéens comme de dangereux révolutionnaires, ils n’étaient pas non plus sympathiques aux autorités établies.
Les pharisiens formaient la pépinière des scribes. Les écoles semblaient être leur domaine propre permettant exégèse et analyse des textes sacrés. Ils apparaissent comme des exégètes et des juristes non comme des hommes de coup de main. Ils parlaient plus du Messie qu’ils n’étaient disposés à payer de leur personne en faveur des prétendants plus ou moins dignes de confiance qu’Israël voyait se lever de temps en temps.
Les sadducéens, courant qui subsista jusqu’à la destruction du temple en 70 pourraient être le groupe le plus ancien. Leur nom pourrait suggérer qu’ils se voulaient les continuateurs de Sadoq, grand prêtre du temple de David et de Salomon, mais cette étymologie est plus que douteuse en vertu du double d que comporte leur nom. Tenants de la seule loi écrite, ils s’opposent aux pharisiens sur le plan politique et religieux. Ils nient la résurrection, l’immortalité personnelle, la vie future et la rétribution. Ils rejettent, l’angélologie et la démonologie et nient la souveraineté du destin, la prédestination au bien ou au mal et croient à la liberté de la volonté humaine. Ils font figure de vieux croyants orthodoxes et rejettent les nouveautés. Conservateurs, ils le sont aussi en politique et le messianisme en tant qu’agitation populaire ne leur est pas sympathique. Ils se rallient au régime politique quel qu’il soit pourvu que la religion d’Israël demeure intégralement respectée et sauvegardée. Il leur arrive du reste de confondre quelque peu les droits de Iahvé avec leurs propres privilèges. Ils se recrutent parmi l’aristocratie sacerdotale, les riches de Jérusalem, les prêtres et les fonctionnaires du Temple, soit des gens en place et dont la situation personnelle vaut considération. Ils sont plus un parti qu’une secte religieuse.
Les Zélotes, s’appelant eux-mêmes les “zélés de Dieu”, rassemblaient des hommes nombreux qui, tout en s’apparentant aux différents courants, supportaient impatiemment le double scandale de l’impiété qu’affichaient trop de leurs compatriotes et de la domination des goyim qu’étaient les Romains sur le peuple de Dieu. Ils comptaient beaucoup sur Iahvé mais étaient résolus à aider le ciel de leur propre effort. On les nommait aussi cananéens. On peut les considérer comme l’aile gauche des pharisiens, mais ils ont de la liberté un amour invincible et ne reconnaissent d’autre chef ou maître que Dieu. Les zélotes vont utiliser le terrorisme contre les ralliés à Rome et les laxistes allant jusqu’à poignarder à mort dans la foule ou en public ceux qu’ils auront jugé expédient de supprimer. Ceci leur a fait donner le nom de sicaires ou assassins. Ils préfèrent la mort pour eux et leurs proches que de s’avouer les sujets d’un autre homme et réprouvent la passivité des pharisiens autant que le collaborationisme des Sadducéens. Ce sont eux qui tiendront Massada de 66 à 73 avant de tous se donner la mort.
Les Esséniens ont une position totalement différente que celle des trois groupes précédents. Flavius Josèphe les présente comme un groupe initiatique, hiérarchisé, régi par une règle et vénérant son législateur, farouchement soucieux de pureté et pratiquant un ascétisme entraînant le célibat pour certains. Ils pratiquaient en commun des ablutions, des repas sacrés et l’étude de l’écriture sainte. On pense assez naturellement à une réalisation rigoureuse de l’idéal pharisien qui aurait subi une influence pythagoricienne. Ils avaient un établissement auprès de la Mer Morte et la découverte à Qumram des “manuscrits de la mer morte” a permis de recouper les renseignements fournis par Flavius Josèphe et d’autres textes hébreux ou araméens. Ils professaient des croyances tournées vers l’au-delà, des orientations mystiques et apocalyptiques et on leur reconnaissait des capacités divinatoires. Leur piété fervente nourrissait chez eux un culte du cœur qui compensait leur contestation du culte du Temple qu’ils estimaient souillé. La secte avait rompu avec les autorités du temple en raison de divergences dans l’application des règles bibliques de pureté, entraînant une persécution du maître de la secte. Ils avaient par contre développé les croyances messianiques. Très opposés aux pharisiens qu’ils accusaient de laxisme, les Esséniens rejoignaient les Sadducéens dans leur interprétation très rigoureuse de la loi divine, mais ils s’éloignaient de ceux-ci par leur foi en une vie posthume et une histoire du monde prédéterminée par Dieu.
le rouleau des Psaumes, l’un des manuscrits de la Mer Morte
Les sectes marginales, la Communauté [des Justes] ou les Fils de la nouvelle alliance avaient rompu avec le Temple. Il fallait être accepté pour être membre, inscrit sur des registres et prêter serment à la loi de Moïse et aux statuts de la secte. Ces regroupements comprenant instructeurs et surveillants et, à l’image de la société civile, prêtres, laïcs et prosélytes vivaient une attente messianique dans un désir de justice et d’application stricte de la loi. Dans l’ensemble, les statuts donnent l’impression d’une règle de vie suivant la loi plutôt que d’une doctrine.
Les communautés juives de la Diaspora ne se fondent pas dans la population qui les environne : leur religion s’y oppose autant que leur orgueil et ils ne cessent pas d’appartenir à la nation juive. Ils résident souvent dans un quartier séparé sans y être obligés, regroupés autour d’une synagogue. Ces communautés sont de type démocratique, élisant ses fonctionnaires et donnant son avis sur tout sujet. La direction même était assurée par un conseil dont les membres se nommaient les Anciens et où pouvaient se recruter des femmes. Protégée par la loi civile en tant qu’édifice religieux, la synagogue était le véritable centre et le foyer de la vie juive tout entière : on y prêchait, lisait la Torah, priait, tenait école, rendait la justice et y discutait des intérêts divers de tout le groupe. Jérusalem demeurait un objet de vénération, et de fréquents pèlerinages assuraient le contact entre la diaspora et la ville du Temple, de même que tout juif âgé de 20 ans payait une redevance annuelle au Temple.
Les Samaritains qui sacrifiaient sur le mont Garizim et non à Jérusalem, héritiers du royaume du Nord, ayant intégré une population étrangère déportée en Samarie par les Assyriens, étaient une population beaucoup plus mélangée que leurs voisins de Judée et se déterminaient par une ambiance accueillante aux influences du dehors et favorable aux combinaisons religieuses nouvelles. Il y avait là sans doute une terre d’élection pour les spéculations mystiques, gnostiques et magiques. Certaines sectes excluaient la foi en la résurrection, mais finirent par l’accepter. D’autres recherchaient une observance plus rigoureuse de la loi. Les Samaritains attendaient un messie qu’ils nommaient Taheb (Celui qui vient ou restaure) ce qui suscita des mouvements messianistes analogues à ceux de Judée. La Samarie devait vivre une intensité religieuse analogue à celle de Judée.
Le messianisme. En hébreu biblique, le nom “messie” qualifie un personnage qui a reçu une onction d’huile signifiant qu’il est investi d’une mission par une autorité supérieure. Est appelé messie, le roi oint, plus rarement un roi étranger comme Cyrus. L’institution monarchique était si bien enracinée dans la foi des auteurs bibliques qu’elle put survivre comme un espoir malgré la nocivité et la culpabilité du roi en exercice. Après la chute de la royauté, la nostalgie rejoignait l’espoir que Dieu n’avait pas abandonné son peuple et la conviction que Dieu, fidèle à ses promesses, ne démentirait pas l’élection qu’il avait faite de David et de sa maison.
Les prophètes, voulant apporter à leur auditoire quelque consolation, annoncèrent que la grâce divine susciterait un descendant de David dont l’avènement marquerait la fin de la crise nationale, qui restaurerait le royaume dans sa grandeur d’antan et serait vraiment un lieutenant de Dieu sur terre. Cette espérance de restauration davidique semble avoir été formulée par des prophètes comme Isaïe et Jérémie pour l’opposer déjà à des conditions politiques désastreuses. Après la chute de Jérusalem en 587 av., Ezéchiel, durant l’exil, exprima l’espérance messianique : la royauté rétablie pour un rejeton de Daniel s’exercerait sur une Terre sainte régénérée de manière merveilleuse. Le messianisme devient la promesse d’un renouveau universel cosmique autant qu’historique.
Lors de la reconstruction du temple par Darius le Perse, une vision de Zacharie présente deux branches d’olivier déversant leur huile sur deux hommes : Zorobabel, descendant de David (qui ne tarda pas à quitter la scène politique) et le Grand Prêtre du temple restauré qui ne pouvait être qu’un descendant légitime d’Aaron. Seul resta le grand Prêtre et sous le protectorat perse puis des grecs d’Egypte, la situation politique resta stable. Les persécutions religieuses des grecs de Syrie entrainèrent le soulèvement de Judas Maccabée en réenflammant les aspirations nationalistes à l’indépendance. Mais cette révolte n’aboutit qu’à restaurer un pouvoir unique pour une dynastie sacerdotale contestée tant par le pouvoir sacerdotal évincé que par les tenants d’une dynastie légitime, les Hasmonéens n’étant pas de la lignée de David. Des opposants à cette lignée de rois-prêtres ont espéré en un miracle divin faisant apparaître un descendant de David, messie d’Israël donc laïque, et d’un messie d’Aaron, descendant de la lignée authentique.
Si le mot “messie” prend alors une acception eschatologique que la Bible ne lui avait jamais donnée, c’est que ces personnes devaient recevoir l’onction par le chrême d’Aaron qui était perdu. Donc cette espérance était rejeté pour la fin des temps. Une des parties les plus récentes du Livre d’Hénoch complète le tableau des croyances messianiques préchrétiennes en identifiant au messie, lieutenant de Dieu lors du jugement eschatologique, le personnage appelé “fils d’homme” par le prophète Daniel.
Les manuscrits de Qumran livrent un instantané de la pluralité des attentes messianiques dans le Judaïsme au moment où apparait Jésus : on y trouve le messie royal, le messie sacerdotal et la figure eschatologique. Il y a des messianismes juifs et non un messianisme juif. Les premiers chrétiens ont cherché à fusionner ces trois messies dans la personne de Jésus. Les Évangiles ont présenté l’hérédité davidique de Jésus, l’Épître aux Hébreux insiste sur la doctrine messianique du sacerdoce du Christ, l’annonce de son retour eschatologique reprenant le dernier aspect.
L’agitation anti-romaine resta endémique malgré une répression féroce (26 insurrections de la mort de Jésus à la chute du Temple). Les plus importantes furent celles de Juda le Galiléen et de ses fils qui, tous finirent en croix. En 69, une révolte chassa les Romains qui revinrent assiéger Jérusalem. La ville tomba après un siège effroyable. Le Temple fut rasé et ses richesses figurèrent au triomphe de Titus. Un des chefs de la révolte, Eléazar ben Yaïr, gagna la forteresse de Massada qui, après un siège en règle tomba vers 73. En 136, la volonté de créer une ville romaine Aela Capitolina sur les ruines du temple et l’interdiction de la circoncision provoquèrent la révolte de Bar Kohba qui fut salué du titre de messie par Rabbi Aquiba. Après la répression, il fut interdit aux Juifs survivants de s’approcher de Jérusalem et le pays totalement ruiné vit la majorité de ses habitants rejoindre la diaspora. Seuls survécurent, car répandus dans la diaspora, le courant chrétien et pharisien.
Source de l’illustration: https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3APsalms_Scroll.jpg
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