Débat sur la Résurrection
Dans son intervention lors de la rencontre de Vierzon autour du livre de J.S. Spong « Jésus pour le XXIe siècle » [1], Guy Lecomte avait mentionné le débat organisé en novembre 1971 par le Centre Catholique des Intellectuels Français entre Marcel Légaut et François Varillon autour du thème de la foi, et en particulier de la Résurrection. C’était à l’occasion de la publication par Légaut des deux ouvrages intitulés L’homme à la recherche de son humanité [2] et Introduction à l’intelligence du passé et de l’avenir du christianisme [3]. En se reportant au petit opuscule qui avait rendu compte du débat [4] on peut lire ces quelques extraits qui illustrent la pensée de Marcel Légaut et sa pertinence pour nous aujourd’hui.
François Varillon : Je me permets de vous poser naïvement la question : est-ce que vous affirmez avec saint Paul que si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi et vaine et vide ?
Marcel Légaut : Je voudrais demander à saint Paul de préciser ce qu’il entend par ce mot « ressuscité ». Si c’est le fait que les disciples ont vu un Jésus objectivement ressuscité comme ils ont vu Lazare ressuscité quelques jours auparavant, je ne suis pas d’accord. Si au contraire, l’affirmation de saint Paul consiste à dire que Jésus est vivant maintenant, et que si Jésus n’était pas vivant maintenant, « notre foi serait vaine », je suis d’accord avec lui.
FV : J’admets tout à fait le mot « charisme » que vous employez [dans le livre, à propos de la Résurrection]. « Phénomène charismatique », j’ai même interrogé des exégètes de profession avant la soirée de ce soir pour savoir s’il m’était permis de vous concéder le mot « charisme ». D’accord pour le mot « charisme ».
ML : Si le mot « charisme » est accepté et que vous lui donnez le même sens que moi, nous pouvons dire ensemble que le charisme de la Résurrection n’a pu exister que parce que les disciples avaient la foi qui l’a permise.
François Varillon pose alors la question de la foi des Apôtres : « avant ou après la Résurrection » ?
FV :Pour ce qui est de la foi des Apôtres avant la Résurrection, il y a une grande divergence entre nous. Vous tenez beaucoup à cette foi qui était la leur avant la mort de Jésus. C’était une foi tâtonnante (…) C’est la Résurrection qui leur donne véritablement la foi. Ils avaient une certaine foi, mais c’est la Résurrection qui seule constitue le fondement définitif de leur foi en la réalité vivante de Jésus Christ. (…)
Gardons-nous de minimiser la Résurrection comme événement fondateur de la foi.
ML : Je trouve qu’en minimisant ainsi la qualité de la foi des disciples avant la Résurrection, vous allez contre ce que les Synoptiques et davantage encore l’Évangile de saint Jean affirment avec force. Si saint Paul dit que sa foi serait vaine si Jésus n’était pas ressuscité, il ajoute aussi qu’il n’a pas à connaître Jésus suivant la chair… Au contraire, saint Jean affirme qu’il a vu et entendu son Maître et que c’est cela qui donne valeur à son témoignage : un témoignage qui va jusqu’à affirmer tellement la divinité de Jésus avant sa mort sur la Croix que la Résurrection ne semble rien avoir à ajouter d’important à la foi des disciples, si ce n’est la confirmer.
(…) Plus vous ferez de la Résurrection le fondement de la foi, moins on donnera d’importance à la compréhension en profondeur de la vie de Jésus. Jésus ne sera plus le chemin par ce qu’il a vécu et a été, c’est sa résurrection et tout ce qu’elle a fait dire aux disciples et que transmettent les Évangiles qui devient capital.
Notes
[1] http://nsae.fr/2014/07/21/retrouver-dieu-au-coeur-de-lhumain-groupe-evangile-et-societe-parvis/ [2] Éditions Aubier, 1971 [3] Éditions Aubier, 1971 (réédité en 1997 par l’Association Culturelle Marcel Légaut) [4] Marcel Légaut François Varillon – Débat sur la foi – DDB, 1972