Des théologiens et des évêques africains réclament des discussions plus ouvertes au synode
Extraits d’un article de Joshua J. McElwee –National Catholic Reporter
Un certain nombre de théologiens et évêques de renom de l’ensemble du continent africain ont fortement appelé à élargir les discussions lors de la réunion mondiale des évêques catholiques qui aura lieu cet automne sur les questions de la famille. Selon eux, l’événement de l’année dernière s’est trop concentré sur des sujets préoccupant essentiellement les Européens et les Nord-Américains.
Lors de la séance d’inauguration d’une conférence qui s’est tenue à Nairobi du 16 au18 juillet 2015, les prélats et les universitaires ont fait valoir que les discussions de l’an dernier – qui ont attiré une couverture médiatique mondiale, scrutant les positions des évêques sur des questions controversées comme le divorce et le remariage et les relations entre personnes de même sexe – ont laissé de côté une multitude de problèmes urgents auxquels sont confrontées des millions de personnes vivant dans l’ensemble de l’Afrique
Image de la tonalité de l’événement, une théologienne participante a fait en écho un plaidoyer poignant. L’Église mondiale, a-t-elle dit, doit se recentrer entièrement pour parler pour les Africains sans voix qui souffrent de multiples façons.
Nontando Hadebe
“Comment nous sommes outragés ? Qui s’en préoccupe ?” lance Nontando Hadebe aux autres participants de la réunion, parlant spécifiquement de l’enlèvement de quelque 300 écolières par le groupe terroriste Boko Haram au Nigeria en 2014.
« Elle a juste besoin d’être une institution qui dit non – pas plus » poursuit-elle, appelant l’Église à se réorienter pour devenir « gardienne, pourvoyeuse, protectrice » des vies noires et africaines.
« Nous avons besoin d’une institution qui se scandalise et qui fait de cette indignation un enseignement prophétique », a déclaré la Sud-Africaine, théologienne en pleine ascension, qui a axé son travail sur les luttes des femmes africaines.
Hadebe, qui enseigne au Collège Saint-Augustin de Johannesburg, était l’une des 36 plus importants catholiques spécialistes d’éthique du continent réunis pour cette dernière rencontre d’une série qui s’est déroulée à l’Université jésuite Hekima depuis 2013 .
Organisé comme un « Colloque théologique sur l’Église, la religion et la société en Afrique », l’événement de cette année a vu les universitaires et les prélats sélectionnés discuter d’un large éventail de questions, telles que les questions de la destruction écologique et le fondamentalisme religieux, et l’impact de François sur la forme des structures de l’Église de l’Afrique.
Mais la plupart des discussions ont été plus axées sur la réunion d’octobre du Synode des Évêques, la seconde de deux réunions successives des évêques convoquées par François en 2014 et 2015 pour se concentrer sur les questions de la vie de famille.
Parmi ceux qui ont traité ce sujet il y a eu trois prélats : Mgr Kevin Dowling, de Rustenburg en Afrique du Sud ; Mgr Emanuel Barbara, de Malindi, au Kenya ; et Mgr Antoine Kambanda de Kibungo, au Rwanda,.
Dowling et Barbara ont tous deux carrément blâmé la réunion 2014 pour ne pas s’être suffisamment concentrée sur les questions africaines.
Dowling, un porte-parole mondial de premier plan en tant que coprésident du groupe catholique international pour la paix, Pax Christi, a déclaré qu’il espérait que l’événement de 2015 permettrait d’éviter de se contenter de réaffirmer des doctrines de « construction à prédominance eurocentrique. »
Plus de temps, a-t-il dit, devrait être consacré lors de la réunion à « toutes les questions systémiques qui menacent les relations entre les personnes dans les sociétés et rendent si difficiles pour les parents aujourd’hui de nourrir leur relation avec leurs propres enfants et ainsi de les élever de façon saine et vivifiante. »
Barbara, qui a été choisi pour participer au synode si les évêques kenyans désignés n’étaient pas en mesure de le faire, a déclaré que le premier synode a été concentré « beaucoup plus sur une Europe ou une culture européenne anciennement convertie au christianisme et maintenant confrontée à de grands défis en raison du changement d’époque ».
Les Africains, a dit Barbara, sont confrontés à de nombreux défis différents de ceux des Européens. Beaucoup d’Africains, dit-il, sont toujours aux prises avec les questions liées à leur récente conversion au christianisme et à la façon de vivre leur foi tout en respectant leurs cultures traditionnelles.
L’évêque du Kenya a appelé à une nouvelle théologie du mariage dans un contexte africain.
« Si nous voulons avoir du respect pour nos familles chrétiennes d’Afrique, nous devons travailler sérieusement sur une théologie chrétienne africaine du mariage », a-t-il dit. « Il ne suffit pas d’appliquer des modèles qui sont là depuis des siècles. »
Un théologien ougandais, Emmanuel Katongole, a même critiqué ce qu’il a appelé une « tyrannie des questions morales pressantes » qui réduit immédiatement les problèmes de l’Église à affronter les questions de sexualité ou d’autorité.
« L’effet global de commencer avec les ‘’questions morales urgentes’’ est de faire une parodie de la voix de l’Afrique », a déclaré Katongole, professeur d’études de théologie et de la paix à l’Institut Kroc de l’Université Notre-Dame. « C’est d’obscurcir ce qui pourrait être plus général, plus urgent, mais les questions touchant des millions d’Africains sont peut-être moins sexy.”
« On se demande pourquoi la sexualité est une question morale pressante, mais le fait que des millions d’Africains manquent de produits de première nécessité comme l’eau, la nourriture et un toit ne le soit pas », a-t-il dit. « Pourquoi l’orientation sexuelle est-elle un droit humain fondamental, mais pas le droit à l’eau ? »
Appel à une organisation africaine
Lors de trois séances animées lors du rassemblement de Nairobi, centrées sur « l’Évangile de la Famille : De l’Afrique à l’Église mondiale », les participants ont signalé un large éventail de sujets particuliers concernant la famille que doit affronter, disent-ils, l’Église sur leur continent, mais qui n’ont pas été discutés de manière adéquate au synode 2014.
Parmi les questions, trop nombreuses pour être énumérées dans leur intégralité:
– Les luttes pour leur propre identité des Africains qui se sentent séparés de leur culture traditionnelle après s’être convertis au christianisme ;
– Les violences domestiques liées au genre, en grande majorité contre les femmes ;
– L’absence des pères dans la vie familiale ; -
– La pauvreté paralysante et à grande échelle ;
– Le manque d’éthique et de principes des responsables, à la fois au niveau des gouvernements et des Églises
Plusieurs participants à la réunion ont appelé les dirigeants de l’Église africaine à travailler plus étroitement ensemble afin de coordonner leur prise de parole à propos de ces questions pendant le synode 2015.
Traduction par Lucienne Gouguenheim
Source (texte et illustration) : http://ncronline.org/news/global/african-theologians-bishops-cry-out-more-expansive-synod-discussions