Les évêques de l’Union européenne et la crise des migrants
Par Christa Pongratz-Lippitt [1]
Le Cardinal autrichien Christopher Schönborn a demandé à tous les évêques de l’Union européenne de “trouver une ligne commune” sur la crise qui se développe en Europe, où les gouvernements sont aux prises avec la façon de répondre aux dizaines de milliers de migrants qui cherchent refuge en Europe.
“Nous attendons de l’UE qu’elle trouve une position commune sur la question des migrants et nous attendons aussi une ligne commune des évêques de l’UE,” a dit Schönborn le 6 septembre
Il a noté que le Conseil des Conférences épiscopales européennes, qui comprend les présidents des conférences épiscopales de 45 pays membres de l’UE, se réunit en Terre sainte du 11 au 16 septembre [2]. À l’issue de cette réunion, les évêques européens devraient avoir une déclaration claire sur la crise.
Les plus de 20.000 réfugiés qui ont franchi la frontière austro-hongroise les six derniers jours venaient principalement de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan. La guerre civile en Syrie, qui a commencé il y a quatre ans, a tué plus de 220.000 personnes et en a déplacé 7,6 millions. Des bombes ont détruit les grandes villes, et il y a une grave pénurie de nourriture, d’eau et de fournitures médicales. Plus de 3 millions d’Irakiens ont été déplacés depuis les zones contrôlées par des militants de l’État islamique et de nombreux autres sont menacés par les milices. Et l’Afghanistan n’a rien connu d’autre depuis 1978 que la guerre et les conflits.
Schönborn a fait appel à l’unité épiscopale alors que François, au Vatican, a appelé toutes les paroisses catholiques et la communauté à travers l’Europe à loger au moins l’une des dizaines de milliers de familles de réfugiés.
“Face à la tragédie des dizaines de milliers de réfugiés fuyant la mort par la guerre ou la faim, sur le chemin vers l’espoir de la vie, l’Évangile nous appelle, nous demande d’être les « prochains des plus petits et des plus abandonnés », a déclaré François à la foule rassemblée sur la place Saint-Pierre pour l’Angélus hebdomadaire le 6 septembre.
Schönborn, archevêque de Vienne, a promis de trouver un hébergement pour jusqu’à 1 000 migrants dans son archevêché.
Le vendredi (4 septembre), plus de 2.000 migrants se sont mis en route à pied le long de la route principale de Budapest, en Hongrie, en direction de la frontière autrichienne – un périple de 200 km. Ils avaient attendu pendant des jours à la gare principale de Budapest pour monter à bord de trains pour l’Autriche, mais en avaient été empêchés par les autorités hongroises.
Plus tard ce soir-là, les autorités hongroises ont envoyé des bus pour les ramasser et les conduire à la frontière. Les migrants ont été déposés tard dans la nuit à la frontière autrichienne, d’où ils durent marcher en Autriche sous la pluie battante. Ils arrivèrent à la ville frontière de Nickelsdorf trempés jusqu’aux os, tard dans la nuit. Les organisations humanitaires et des centaines de bénévoles les ont accueillis et leur ont procuré du confort pour la nuit.
Le dimanche (Sept. 6), plus de 11.000 migrants sont arrivés à Vienne depuis Nickelsdorf. La plupart d’entre eux se sont ensuite rendus en Allemagne, leur destination favorite, par le train.
Schönborn s’est rendu à Nickelsdorf samedi (5 septembre), où il a salué personnellement les migrants qui traversent l’Autriche en provenance de Hongrie. Nickelsdorf a été le site d’une tragédie le mois dernier, lorsque 71 migrants ont été retrouvés morts dans un camion frigorifique.
Schönborn avait célébré une messe à la mémoire de ces 71 migrants plus tôt dans la semaine. Il a dit au cours de la célébration que la tragédie avait « grandement choqué les Autrichiens.”
“C’est alors qu’un très, très grand nombre de personnes dans notre pays ont réalisé que la façon dont les réfugiés ont été traités était intolérable”, a-t-il dit.
La sensibilisation aux migrants de citoyens ordinaires témoin au cours des derniers jours « [montre] une fois de plus comment la coopération et l’engagement humanitaire peut défendre les idéaux européens et sauver des vies».
La présente vague de migration était prévisible, a dit Schönborn. “Elle est maintenant devenue une réalité et le restera, et va changer nos vies à tous.”
Il a cité la critique par François de la «mondialisation de l’indifférence” lors de sa visite à Lampedusa, en Italie, et le rappel par le pape que «nous ne pouvons pas détourner notre regard.”
Le cardinal Reinhard Marx de Munich et Freising, et l’évêque luthérien Heinrich Bedford-Strohm de Bavière étaient sur place pour accueillir le premier lot de réfugiés arrivant à Munich par le train en provenance d’Autriche.
“Tout doit être fait pour que personne ne meure de soif sur les frontières, ne se noie dans la Méditerranée ou n’étouffe dans des camions”, a dit Marx. L’argent ne doit pas jouer un rôle quand il s’agit de sauver des vies, a-t-il dit.
Se référant à la barrière de barbelés de 150 km de longueur que le gouvernement hongrois a construit le long de sa frontière sud pour empêcher les migrants d’entrer en Hongrie depuis la Serbie, Marx a dit que la construction de barrières était «inacceptable». Elles n’empêcheront pas les gens de mourir, dit-il, mais serviront plutôt à «provoquer de nouveaux incidents dramatiques.”
“L’Église catholique et chacun d’entre nous ont une responsabilité particulière ici,” a dit Marx.
Mildos Beer, évêque de Vác, dans le nord de la Hongrie, a déploré le silence de l’Église hongroise sur la politique d’asile du gouvernement.
“Malheureusement, l’Église [hongroise] est silencieuse. Ça fait mal et j’aihonte”, a-t-il déclaré là a station de radio allemande Deutschlandfunk. « Nous réagissons beaucoup trop lentement. François, au contraire, réagi très rapidement.”
Beer a déclaré que le jour même où la Hongrie annonçait son intention d’ériger une clôture le long de la frontière, Francis lançait un appel, en demandant : “Ne construisez pas de mur. Les réfugiés sont vos frères et vos sœurs.”
L’évêque a dit qu’il pouvait comprendre que des moyens doivent être recherchés “pour restreindre le flux de réfugiés en quelque sorte afin que nous puissions faire face à la situation», mais il a déploré le manque de dialogue dans l’église hongroise.
Selon les responsables de l’Église, les lois hongroises sur la circulation des personnes ont empêché l’action de l’Eglise sur la question des migrants, mais le Cardinal Peter Erdö d’Esztergom-Budapest a dit que membres de l’Église peuvent aider les migrants “discrètement”.
À sa célèbre abbaye bénédictine de Pannonhalma en Hongrie, Archabbot Asztrik Varszegi et ses moines ont défié la loi en recueillant plusieurs familles syriennes et un certain nombre de mineurs non accompagnés qui marchaient la nuit à la frontière autrichienne le long de l’autoroute.
“Nous ne devons pas laisser personne debout à nos portes, car ce serait contre le message de l’Évangile», a déclaré Varszegi. Pannonhalma a une longue tradition d’aide aux réfugiés, y compris en abritant des réfugiés juifs dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale.
Notes
[1] Christa Pongratz-Lippitt est la correspondante en Autriche pour l’hebdomadaire catholique londonien The Tablet.
[2] http://www.ccee.eu/news/news-2015/139-08-09-2015-europe-in-the-holy-land
Traduction par Lucienne Gouguenheim