Timeo Danaos et dona ferentes !
Cet article est extrait du Bulletin HLM n°141 de nos amis Belges du réseau PAVES, accessible à la fin de l’article.
On ne refait pas l’Histoire ?
Laocoon est prêtre de Poséidon. De retour sur le terrain abandonné par les Achéens, les Troyens découvrent un cheval de bois. Il s’agirait d’une offrande à Poséidon pour garantir à la flotte grecque un retour sans encombre. Les Troyens se disputent ! Faut-il introduire le cheval dans la cité, comme trophée de victoire, ou faut-il le brûler ? C’est alors que Laocoon intervient : « Timeo Danaos et dona ferentes » ! Je crains les Grecs, surtout lorsqu’ils apportent des cadeaux. Nous connaissons la suite ! Le cheval cache des guerriers qui peuvent ainsi s’introduire au sein même de la cité. Un cadeau qui n’est qu’une imposture!
Et aujourd’hui ? « Ne faut-il pas craindre les Européens, surtout lorsqu’ils proposent des cadeaux » ! Cette phrase a certainement retenti à Athènes et dans toutes les îles grecques à l’heure du referendum face aux propositions européennes. « NAI » ou « OXI », oui ou non aux propositions des créanciers de la Grèce ! Dans toutes les négociations qui ont précédé le referendum, les institutions européennes [1] n’ont lâché aucun lest. Le 22 juin, le FMI estimait que les propositions du gouvernement grec étaient encourageantes mais insuffisantes.
Après quelques palabres, le gouvernement d’Alexis Tsipras recevait une véritable mise en demeure. C’est « à prendre » ou « exit ». L’Europe s’engageait à verser à la Grèce 15,3 milliards d’euros d’ici novembre 2015, mais en échange, le gouvernement grec devait prendre une série de mesures. Parmi celles-ci, on retrouve une augmentation massive de la TVA et la fin des exemptions pour les îles de la Mer Egée ; des coupes dans les dépenses publiques, un aménagement du système des pensions avec la suppression des retraites anticipées et un âge de départ fixé à 67 ans en 2022 ; une intensification du programme de privatisations pour l’année 2016 et plusieurs engagements sur la réduction de la masse salariale dans le secteur public. Pour ce qui est des mesures « d’équité », celles qui devaient toucher les plus riches, elles étaient diminuées par rapport à la proposition grecque : le taux de l’impôt sur les sociétés passant de 26% à 28% (et non 29%), suivant là aussi les exigences européennes.
Les Grecs continuent à être roulés dans la farine. Et ça donne le tournis ! L’accord de 2010 voulait sauver les banques privées grecques, sans considération pour les dégâts sociaux. Les accords qui suivirent ont créé de nouvelles dettes… qui remboursaient les anciennes, et les banques européennes, détentrices de dettes privées grecques, ont pu retirer leur épingle du jeu par des rachats de la BCE. Conséquences directes : accélération du processus de privatisation, diminution du PIB [2], et augmentation de la dette publique [3].
En avril 2015, la présidente du Parlement, Zoé Konstantopoulou, mit sur pied une commission chargée d’étudier la dette publique. Les conclusions de cette commission sont sans appel. La Grèce a été victime d’une attaque préméditée de la Commission européenne, du FMI, et de la BCE. Cette dette est illégitime parce qu’imputable pour moitié à des taux extravagants entre 1998 et 2000. Elle est odieuse parce que les créanciers ont fermé les yeux sur les violations des droits de l’homme qu’elle engendrait. Elle est insoutenable parce que la Grèce sera endettée au moins pour quarante ans.
Timeo Europaeos et dona ferentes ! Quelle indécence de la part de l’Europe ! Mais quand l’argent reste la reine du bal, toutes les attitudes sont « argentées », tragicomiques, ou tragiques!
En ira-t-il de même pour notre rentrée ? Non, notre priorité n’est pas pécuniaire. Nous avons préparé notre cartable en y enfouissant des réflexions sur les musulmans, sur la violence, sur l’argent à convertir, sur les migrants dans l’Église catholique, sur Laudato Si… et sur toutes les nouvelles d’HLM et des Communautés en marche.
Bonne rentrée à tous dans un autre son de cloche que celui des sirènes de l’argent.
Philippe LIESSE
Notes :
[1] Il s’agit de la Troika : Union européenne, BCE (Banque centrale européenne) et FMI (Fond monétaire international).
[2] Produit Intérieur Brut.
[3] La dette publique est insoutenable. L’endettement de la Grèce équivaut à 200% du PIB.
On peut lire aussi sur ce sujet :
http://nsae.fr/2015/06/17/le-plan-daide-a-la-grece-etait-illegal-et-illegitime/
http://nsae.fr/2015/08/18/grece-alexis-tsipras-accepte-un-nouveau-noeud-coulant/
Lire l’intégralité du bulletin HLM.141e
Voir le site du réseau Paves : http://www.paves-reseau.be