Crise autour de la nomination de l’évêque d’Osorno au Chili
Par Régine et Guy Ringwald
Osorno, petite ville du sud du Chili, est au centre d’une crise qui semble en passe d’avoir de sérieuses répercussions bien au-delà du Chili. Le Pape François est maintenant directement concerné. En effet, une vidéo diffusée le 4 octobre provoque d’énormes réactions. De quoi s’agit-il ?
La Communauté catholique du diocèse d’Osorno est en souffrance depuis le début de l’année, du fait de la nomination de Mgr Juan Barros Madrid comme évêque d’Osorno. La résistance du peuple de Dieu à cette nomination est si forte que la cérémonie d’installation n’a pu se dérouler que sous la protection de la police, et en l’absence da la grande majorité des évêques chiliens.
Mgr Barros est accusé d’avoir protégé les agissements d’un prêtre pédophile, Fernando Karadima qui est au centre d’un énorme scandale qui secoue l’Église du Chili depuis le début des années 2000.
Bien que les faits concernant Karadima soient de notoriété publique, au point d’avoir donné lieu à un film distribué dans les salles à Santiago, cette affaire a de tels prolongements que la haute hiérarchie du Chili couvre par tous les moyens. Or elle est représentée jusqu’au “groupe des neuf” (par le Cardinal Errazuriz, archevêque émérite de Santiago). On peut facilement imaginer que le Pape François ait pu être mal informé, pour ne pas dire plus. C’est ainsi qu’a été diffusée, le 4 octobre, une vidéo (datant du mois de mai) où le Pape François condamne, en des termes durs et méprisants, les opposants à l’évêque Barros, sur une argumentation tendancieuse (il s’agirait de gauchistes). L’événement est « à la une » de la télévision chilienne qui diffuse des témoignages recueillis à haut niveau. Différentes voix se sont élevées dans l’Église du Chili, donnant lieu à de très beaux témoignages d’engagement chrétien et manifestant l’espoir que le pape, mieux éclairé, revienne sur sa position. Pour le Provincial des Jésuites, « le pape est un homme et il peut aussi se tromper… mais il doit s’excuser ». L’information se répand en Argentine, où les réactions sont les mêmes qu’au Chili, et maintenant aux États-Unis.
Dans un message sur Tweeter, repris par le site « CRUX Now » le 5 octobre, Mary Collins (membre de la Commission Pontificale pour la Protection des Mineurs) se dit « découragée et affligée » par la prise de position du Pape François sur cette affaire. Mary Colins est un des huit membres de cette commission, elle a été elle-même victime d’abus sexuels du fait d’un prêtre quand elle était enfant. En mai, elle avait fait, avec un de ses collègues, Peter Saunders qui est dans le même cas, une démarche conjointe auprès du Président de la Commission, le Cardinal O’Malley. Sans succès.
Cette affaire est bien triste parce que ce qui apparaît comme une bévue, qu’on peut attribuer à une désinformation savamment organisée, vient en contrepoint malheureux aux multiples interventions courageuses et novatrices du Pape François. Cela risque de fragiliser sa position. On ignore d’ailleurs s’il y a une raison particulière pour que cette vidéo soit sortie maintenant, et qui pourrait y avoir intérêt.
Lire l’article d’Agustin Cabré [1]
La communauté catholique d’Osorno n’est pas devenue «stupide» et n’est pas manipulée par des « gauchistes »
Barros pourra être un saint, mais il reste marqué par sa proximité avec son mentor Karadima.
Francisco, j’ai souvent applaudi à tes prises de paroles et à tes interventions. Je ne peux pas le faire maintenant quand j’apprends comment tu t’es exprimé au sujet de la communauté catholique d’Osorno. C’est un fait qu’elle est divisée, mais non entre stupides et intelligents, ni entre gauchistes et partisans de la droite, comme tu l’as dit selon ce que rapportent les média.
Elle est divisée à cause de la nomination de son évêque qui peut être un saint mais qui est marqué par sa proximité avec son mentor et gourou, le curé Fernando Karadima. C’est bien connu que « l’épouse du César doit non seulement être honnête, mais aussi lui ressembler ».
Juan Barros est sûrement une personne honnête, mais son appartenance au groupe de Karadima semble indiquer tout autre chose. Par conséquent, il s’ensuit la confusion, d’où naît la division dans la communauté et dans l’opinion publique du pays.
Certains attribuent cette nomination aux informations émanant de la nonciature ou aux recommandations d’évêques de diocèses voisins (Puerto Montt, Chiloe, Villarica, Los Angeles) qui appartiennent à l’aile la plus conservatrice et archaïque de l’épiscopat chilien. Ou encore à l’influence d’un jésuite espagnol proche de toi qui a dirigé pendant un mois la retraite spirituelle de Barros, à la fin de l’année dernière.
Ce qui est certain, c’est, qu’à la surprise de l’opinion publique, tant dans la société que dans l’Eglise, Juan Barros a été installé comme pasteur du diocèse d’Osorno lors d’une cérémonie marquée par le scandale que constituent les cris et les manifestations d’opposition. On n’avait jamais vu des banderoles et des ballons noirs et blancs à l’intérieur d’une cathédrale pour exprimer les divergences d’opinion à l’intérieur d’une communauté.
Juan Barros semble être incapable, du fait de sa structure mentale et de sa tendance à l’autoflagellation, de reconnaître qu’il est signe de division. Il ne va pas bouger.
Mais toi, François, qui n’a pas hésité à intervenir d’une main ferme sur la situation de certains diocèses qui mettait en péril l’unité du troupeau (Ciudad del Este [2], au Paraguay, par exemple), tu as cru que la communauté catholique d’Osorno était devenue stupide et était manipulée par des gauchistes.
Francisco, tu as souvent demandé que l’on prie pour toi. Nous le faisons maintenant avec encore plus de force. Nous le faisons avec chant de « Los Angeles Negros [3] » :
« Comme j’aimerais te dire
Quelque chose que je porte en moi
Comme une épine
Et le temps passe
Sans parvenir à te dire
Ce que je ressens chaque jour
De peur de t’entendre dire
Des choses que je ne veux pas entendre ».
Agustin Cabré, cmf
10 octobre 2015
Notes :
[1] José Agustin Cabré Rufatt, religieux « claretiano », prêtre et journaliste, auteur de nombreux ouvrages, a été curé de paroisse, vicaire épiscopal de Arauco et Supérieur provincial de sa Congrégation.
[2] En septembre 2014, à la suite d’une visite apostolique, le Pape François a brusquement destitué Mgr Rogelio Livieres, membre de l’Opus Dei, ultraconservateur. Cette décision a été prise pour de « sérieuses raisons pastorales » et en vue de « l’intérêt supérieur de l’unité de l’Eglise de Ciudad del Este ».
[3] Chanson des années 70 du groupe chilien « Les Anges Noirs » bien connu dans toute l’Amérique Latine.
Source de l’article : http://www.periodistadigital.com/religion/opinion/2015/10/10/agustin-cabre-la-comunidad-catolica-de-osorno-se-ha-vuelto-tonta-y-esta-manipulada-por-zurdos-iglesia-religion-dios-jesus-papa.shtml
Traduction par Régine et Guy Ringwald