Quand une femme raconte le synode de l’intérieur
Par François Vercelletto (Ouest-France)
Lucetta Scaraffia, 67 ans, responsable du supplément Femmes de L’Osservatore Romano, a participé aux débats du synode sur la famille. Son témoignage édifiant est à lire dans Le Monde daté du 28 octobre 2015.
Ci-dessous quelques extraits.
“Ce qui m’a le plus frappée chez ces cardinaux, ces évêques et ces prêtres, était leur parfaite ignorance de la gent féminine, leur peu de savoir-faire à l’égard de ces femmes tenues pour inférieures, comme les sœurs, qui généralement leur servaient de domestiques.
“Pas tous évidemment – j’avais noué, avant même le synode, des liens d’amitié avec certains d’entre eux –, mais pour l’immense majorité, l’embarras éprouvé en présence d’une femme comme moi était palpable, surtout au début. En tout cas, aucun signe de cette galanterie habituelle que l’on rencontre encore, notamment chez les hommes d’un certain âge – dont ils font partie.
“Chacune de mes interventions tombait à plat. Un jour, par exemple, j’ai voulu rappeler qu’au dix-neuvième chapitre de l’Évangile selon saint Matthieu, Jésus parlait de « répudiation » et non pas de « divorce » et que, dans le contexte historique qui était le sien, cela signifiait « répudiation de la femme par le mari ».
“Aussi l’indissolubilité que défendait Jésus n’est-elle pas un dogme abstrait, mais une protection accordée aux plus faibles de la famille : les femmes. Mais ils ont continué à expliquer que Jésus était contre le divorce. J’aurais tout aussi bien pu ne rien dire ; je parlais dans le vide.
“Sous mes yeux curieux et ébahis, l’Église mondiale a pris corps et identité. C’est certain, il y a des camps distincts, entre ceux qui veulent changer les choses et ceux qui veulent simplement défendre ce qui est. Et l’opposition est très nette.
Entre les deux, une sorte de marais, où l’on s’aligne, où l’on dit des choses vagues et où l’on attend de voir comment va évoluer le débat.
“Le camp des conservateurs assure aux pauvres fidèles que suivre les normes n’est pas un fardeau inhumain parce que Dieu nous aide par sa grâce. Ils ont un langage coloré pour parler des joies du mariage chrétien, du « chant nuptial », de « l’Église domestique », de « l’Évangile de la famille » – en somme, d’une famille parfaite qui n’existe pas, mais dont les couples invités devaient témoigner en racontant leur histoire. Peut-être qu’ils y croient. En tout cas, je ne voudrais pas être à leur place.
“Hormis quelques rares exceptions, qui ont ma préférence, tous parlent un langage autoréférentiel, presque toujours incompréhensible pour qui n’appartient pas au petit cercle du clergé : « affectivité » pour dire « sexualité », « naturel » pour « non modifiable », « sexualité mature », « art de l’accompagnement »…
“Presque tous sont convaincus qu’il suffit de bons cours de préparation au mariage pour surmonter toutes les difficultés et peut-être aussi un peu de catéchisme avant les noces.
“Du monde réel pourtant, surgissent tant de situations diverses et complexes. En particulier la question des mariages mixtes qui se retrouve partout dans le monde. Les problèmes sont multiples et variés, mais il en est un qui surgit dans tous les cas : la religion catholique est la seule à poser l’indissolubilité du mariage.
“Et donc les pauvres catholiques se retrouvent souvent abandonnés et dans l’impossibilité de se remarier… Combien d’ecclésiastiques défendent avec fierté leurs familles traditionnelles sans penser que dans la majorité des cas il s’agit de situations qui pénalisent les femmes.”
Je ne peux que conseiller de lire l’intégralité de ce témoignage (voir : http://georgesheichelbech.blog.lemonde.fr/2015/10/27/et-dieu-bouda-la-femme/)
Source (article et photo) : http://religions.blogs.ouest-france.fr/archive/2015/10/27/quand-une-femme-raconte-le-synode-de-l-interieur-14926.html
Lire aussi le discours de clôture du synode du pape François