Forum de solidarité avec Gaza
Compte-rendu par Bernadette Catrice [1] du “Forum de solidarité avec Gaza” qui s’est tenu mercredi 11 novembre 2015. à la mosquée de Massy 91.
Retenons la leçon des Palestiniens: il faut vivre et garder espoir sinon nous donnons la victoire aux adversaires.
ACCUEIL ET VISITE DE LA MOSQUÉE
Le bâtiment s’intègre dans le quartier au milieu des immeubles. Pas de style oriental, mais une grande place faite aux fenêtres. Le minaret est un puits de lumière.
Le bâtiment respecte les économies d’énergie (air recyclé, eau de pluie pour les toilettes, leds, détecteur de présence pour allumer la lumière, grande coupole en verre pour éclairer les fidèles…)
Il y a 3 sortes d’espace :
-espace culturel au rez-de-chaussée
-espace cultuel au premier pour les hommes avec mezzanine pour les femmes
-espace administratif et salles de réunion
Les financements sont purement français pour garder une indépendance. Aucun état n’est intervenu. Il reste encore des sommes à trouver.
La mosquée est ouverte à tous, quelle que soit l’origine, Maghreb, Afrique subsaharienne…
ALLOCUTIONS
– Mg DUBOST, évêque de l’Essonne et chargé des relations interreligieuses pour la conférence des Évêques de France: « Gaza la nuit est noire, mais on voit les lumières bleutées des télévisions qui fonctionnent sur des batteries.
Sur 40 km de long et 6 à 12 km de large vivent 2 millions de personnes.
Depuis 1993 et les accords d’Oslo, il y a l’autorité palestinienne.
En 2005 l’armée israélienne se retire avec les colons qui détruisent tout ce qu’ils avaient bâti, avant de partir.
En 2006 : le Hamas
2009 à 2014 c’est la guerre dont « bordure protectrice » et des milliers de sans-abri.
L’Iran soutient. Il rejetait l’existence d’Israël, mais on peut négocier.
Daesh n’est pas présent, mais l’Iran.
Gaza, ce sont des hommes et des femmes que l’on ne croit pas quand ils disent ce qu’ils vivent. Les jeunes se forment à des métiers qu’ils ne peuvent pas exercer : comme pécheur, fabriquant de fauteuil (personne ne pourra les acheter parce que personne n’en aura les moyens). Le rêve est donc de partir en Europe.
Les tunnels ne fonctionnent pratiquement plus. J’ai rencontré une femme sourde vivant près d’un tunnel, par le langage des signes elle m’a fait dire qu’elle n’osait pas avouer son mal-être.
La communauté catholique est petite. Les chrétiens orthodoxes ont des difficultés à vivre.
En janvier 2016 je dois me rendre à Gaza avec des évêques catholiques.
Il faut soutenir les personnes souffrantes de Gaza. Il y a la pauvreté, la dévastation, mais aussi l’espérance. Il est difficile de reconstruire sa vie ; il est notamment interdit d’importer du ciment. Seul le bois passe.
Au cœur de Gaza il y a l’ONU, des ONG, des Églises…
Les actuelles attaques au couteau contre des Israéliens sont des appels au secours.
La paix n’est pas en vue. L’ONU n’a aucune force pour imposer ses solutions. Il reste la prière comme le dit le pape François :
Il faut demander de la force pour que s’exerce la miséricorde. Il faut montrer l’exemple, se rencontrer, construire une fraternité.
Je voudrais que les religions puissent se retrouver sur le parvis des droits de l’homme au Trocadéro pour construire la paix, le 11 janvier 2016, un an après le 11 janvier 2015. »
–Yazid MADI, président du Conseil des musulmans de Massy:
« Nous avons des activités avec les chrétiens et les juifs. Le forum de solidarité avec Gaza est une manifestation de la « semaine de rencontres Islamo-Chrétienne » [2]
Notre problème, c’est qu’il faut toujours se justifier quand on est croyant.
On s’ouvre, on dit qu’on est pour la paix.
Regardez dans cette salle, les cartes de Palestine dans les années 1940 et aujourd’hui. On voit bien que la paix est loin.
Bienvenue à tous. Vous pourrez parcourir les stands de l’union juive pour la paix (UJFP), du secours catholique France, du secours islamique France, du GAIC, du réseau Chrétiens de la Méditerranée, de la Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine, des amis de SABEEL France et des associations locales. ” [3]
–Haydar DEMIRYUREK, coprésident du GAIC [3] :
« Je suis coprésidente du GAIC, l’autre coprésidente est chrétienne. Le GAIC, Groupe d’Amitié Islamo Chrétienne existe depuis 1993, c’est-à-dire 22 ans. Il organise la semaine de rencontre, c’est la 15°. On ne se connaît pas assez.
Cette mosquée est bien pensée (économies d’énergie, entourage, architecture)
Le groupe édite la lettre du GAIC et organise des ateliers.
Il faut que ce soit des non-musulmans qui témoignent de Gaza, car ce n’est pas une histoire religieuse »
A la place de Jean-Claude Petit, empêché, Martine MILLET, du conseil d’administration du réseau Chrétiens de la Méditerranée :
« Je suis pasteure. Je reviens de Cisjordanie où j’ai passé un mois. Je n’ai pas pu entrer à Gaza. Ici l’accueil est chaleureux, comme en Palestine, mais pas comme dans mes communautés.
Le réseau est formé de catholiques et de protestants qui veulent se connaître et travailler chrétiens et Orientaux ensemble. L’enjeu est géopolitique. Nous développons la solidarité avec les chrétiens orientaux. Le conflit n’est pas religieux.
Nous mettons en œuvre des rencontres, des colloques, des voyages d’étude qui ne sont pas du tourisme. En 2016 nous irons en Égypte, Tunisie, Turquie.
Nous sommes aussi membres du GAIC »
–Mahieddine KHELLADI, directeur du Secours Islamique France:
« Avec le CCFD-Terre Solidaire nous sommes partenaires de cette semaine.
Nous avons 15 missions sociales en France. Nous aidons les personnes qui souffrent dans le monde.
Nous faisons un plaidoyer pour la Palestine.
Nous aidons sans distinction en toute indépendance. Nous avons les valeurs musulmanes de la solidarité : « aider son prochain sans distinction ». Il y a des non-musulmans dans le Secours islamique.
Le critère de choix est la vulnérabilité, pas la religion.
Nous sommes « facteur de paix et du vivre ensemble » avec le CCFD, le secours catholique, la Cimade, ATD quart monde, médecins du monde.
La Palestine est un conflit politique.
Sur le terrain il manque les besoins de base : par jour il n’y a que 4 à 6 h d’électricité pour une population de 1 million 800 000. La plupart sont des réfugiés et des déplacés. 40% sont au chômage, 70% bénéficient de l’aide internationale.
Gaza ce sont des enfants, des femmes, des hommes.
Nous agissons en réseau : en juillet 2015 nous avons mis sur le site une lettre qui est un plaidoyer.
En juillet 2014 il y a eu un déséquilibre des politiques envers Gaza et Israël.
La Cisjordanie est composée de 3 zones : A, B, C. La zone C est sous autorité d’Israël, la zone A sous l’autorité palestinienne et la zone B sous les deux autorités.
Il faut garder espoir.
Les personnes se déplacent difficilement :
Adel a attendu 9 mois pour pouvoir sortir de Gaza. Il a fait une mission de 3 semaines en France. Il est resté coincé 5 semaines en Égypte au retour. Et pour franchir les 15 à 20 kilomètres qui le séparaient de son domicile il a mis un jour (parti à 4 h du matin, il est arrivé à 3 h du matin le lendemain).
À Gaza le secours islamique a pris en charge un mariage de deux gazaouis dans une école, sous les bombes.
Dernièrement il y a eu des pluies diluviennes au Moyen-Orient. Des maisons ont été inondées à Gaza.
Nous avons une équipe à Gaza et une en Cisjordanie. »
VISITE DES STANDS
Dont un présentait des livres racontant la vie quotidienne des gazaouis d’après les témoignages recueillis par l’auteur Marie-Jo (Bardo ?).
TÉMOIGNAGES
– Jean-Pierre BACQUE pour la coopération entre les paroisses de la Sainte Famille et de sainte Bathilde de Châtenay-Malabry:
« L’origine de la coopération des deux paroisses remonte au 19 septembre 1982. Lors de la messe à Châtenay-Malabry, deux personnes demandent de prier pour les martyres de Sabra et Chatila. Cela nous fait réfléchir.
Fin 2008 nous recevons un message de Gaza du prêtre responsable de la paroisse de la Sainte Famille. Il exprime la détresse, la foi et l’espérance de Gaza.
Le 27 décembre 2008 pendant l’opération plomb durcie nous organisons une veillée de silence pour Gaza avec un pasteur. Nous étions 60 chrétiens avec des musulmans.
La paroisse prend contact avec l’opération « une fleur pour la Palestine » qui donne des bourses pour les écoles du patriarcat latin de Jérusalem. Nous organisons un concert qui procure 4 bourses à l’école de la Sainte Famille. L’école accueille 1000 élèves, 113 sont chrétiens les autres sont musulmans. C’est un endroit où chrétiens et musulmans se rencontrent.
Depuis le printemps 2009, nous organisons des rencontres. La première fut la rencontre avec un prêtre qui avait passé 10 ans à Gaza. Le peuple palestinien est formé des chrétiens et des musulmans.
Le 10 octobre 2010, nous nous sommes rendus à Cérotte, à côté de Gaza en zone israélienne avec les « amis de La Vie ». Nous avons été très bien accueillis par les femmes israéliennes dans la synagogue. Elles nous ont dit que le 20 avril 2010 elles ont envoyé une lettre à Netanyahu pour critiquer le blocus… Et un mois après il ya l’opération de guerre.
À la rentrée 2014 sur 27 enfants 2 pères de famille avaient été tués et un blessé.
Voici l’appel du curé de Gaza : « Ne nous oubliez pas » « Priez ».
Les chrétiens ont peur que daesh n’arrive à Gaza. »
– Marie-Jo (Bardo ?), auteur
« Je suis médecin, en mars 2013 j’ai passé 27 jours à Gaza pour donner la parole aux habitants. J’ai été émerveillée en arrivant. J’avais en tête de trouver du noir (les bombes) et du rouge (du sang). Mais dans les rues il y avait de l’animation, des êtres humains. J’ai voulu intituler mon livre « Gaza, la vie passionnément ». Ils veulent rester debout pour ne pas donner la victoire aux Israéliens.
« Gaza » est le contraire de « terroriste ».
– Sarah KATZ (UJFP [3]) commente des diapos:
« J’ai passé 2 ans en Palestine (dont en 2013). Je suis d’origine juive, mais athée. Mes parents étaient des résistants pendant la guerre, mais ils étaient sans religion. Gaza a une population ordinaire. Il y a aussi des athées. Est-ce que Gaza vivra ? Les bombes l’empêchent de vivre.
Gaza est une grande ville avec de grands immeubles, mais il y a aussi des camps en dur pour les réfugiés.
Gaza a un très riche passé agricole.
Les femmes sont très présentes dans le politique et le social.
Il y a l’omniprésence des prisonniers. Tous les lundis les femmes se rassemblent avec la photo des leurs.
Les pêcheurs sont chassés, les agriculteurs sont des cibles pour l’armée israélienne.
Le long de la barrière, les soldats font des rondes et s’arrêtent parfois pour tirer sur les Palestiniens. Sur la barrière il y a des tours, commandées depuis Tel-Aviv qui mitraillent sans raison.
Les chefs de village sont accueillants. »
TABLE RONDE
– Isabelle AVRAN, journaliste et écrivain:
« Gaza n’est qu’une partie du territoire palestinien. Les Palestiniens ont été expulsés de leur territoire dès 1947. 67% sont des réfugiés. Gaza a subi plusieurs offensives militaires. En 2014 il y a eu 2 251 morts, dont 551 enfants, 11 200 blessés et 485 000 déplacés. Les tirs de l’armée viennent de l’air, de la mer et de la terre.
L’économie est ravagée.
Gaza bénéficie de la solidarité entre Palestiniens et de l’aide internationale. La conférence pour la reconstruction a promis 3 milliards de dollars, mais elle n’a pas tout donné à cause des risques de destruction.
90% de l’eau n’est pas potable et d’ici 2017 il n’y aura plus d’eau potable. Les projets de désalinisation de l’eau de mer sont mis à mal.
Aider à la reconstruction c’est reconnaître le blocus. On fait passer quelques camions, mais interdiction pour le papier.
L’appellation « territoire » pour Gaza est un choix des Israéliens.
En 1948 la Palestine a été partagée entre Israël et la Jordanie.
Gaza est un foyer de résistance, c’est pourquoi il subit des bombardements. La 1° intifada est née dans la bande de Gaza.
Dans les accords d’Oslo, il y avait la reconnaissance de la continuité de Gaza avec la Cisjordanie, mais cela n’a pas été respecté.
En 2005 les armées se sont retirées de Gaza et les colons déplacés vers la Cisjordanie. Actuellement l’armée est autour de Gaza, au-dessus et sur mer.
On ne peut envisager une négociation en tête à tête parce qu’alors le plus faible est soumis au plus fort.
Il faut imposer des sanctions pour viols du droit international.
La France est le seul pays à condamner le boycott. Le 20 octobre dernier, la Cour de cassation a confirmé des condamnations des militants de BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) »
–Un représentant de la PLATEFORME des ONG Françaises pour la Palestine , del’association AMANIqui veut dire « espoir » [3] :
« La plateforme fait un plaidoyer et des actions pour Gaza et pour la Cisjordanie.
Elle fait participer la société civile pour sensibiliser les élus.
À Paris elle regroupe un ensemble de 40 associations qui interviennent en Palestine ; c’est interconvictionnel :
« Artisans du monde » importe des produits palestiniens
« BDS » participe depuis 2005
« Amani » fait de l’information sur la Palestine. Elle s’occupe du médical et envoi du matériel. Mais il y a le blocus à Gaza et les passages sont comptés. »
– Mohamed DRABIH, Palestinien réfugié de 48 à Gaza, ancien fonctionnaire du Ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne:
Je me suis marié en France, mais ma famille est toujours à Gaza. Je suis né à Gaza. Mes parents étaient des déplacés.
1 200 000 réfugiés attendent le retour ; c’est le droit international. Ils demandent de travailler d’accéder aux soins, aux hôpitaux. La cause est juste. Nous n’abandonnons pas.
90% des villages palestiniens évacués en 1948 sont encore vides.
La Palestine existe depuis toujours.
Nous voulons le droit au retour en vivant en harmonie avec les juifs.
Nous n’acceptons pas la situation actuelle. »
DÉBAT
-Pour un État palestinien, il faut enlever les colons ou alors qu’ils acceptent de rester sous l’autorité palestinienne.
-ou faire un seul état avec les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous comme en Afrique du Sud
-les Palestiniens sont un peuple pas une religion. Ils étaient là avant. Le Palestinien est devenu juif, puis chrétien, puis musulman. En premier il y a un Palestinien.
-Dans les médias on parle de la sécurité des juifs pas des Palestiniens.
-Nous devons nous faire relais des informations que nous avons.
-Il faut rétablir la vérité contre les propos de Rabin qui parlait de « villa dans la jungle » pour dire que les juifs sont entourés de barbares
et contre les propos de Netanyahu, le 11 janvier 2015 qui demandait un soutien contre les Palestiniens qui sont des terroristes.
-L’argument des juifs « j’étais là avant » n’est pas une réalité politique, c’est un piège. Le pays a une histoire plurielle. Un seul ne doit pas avoir tous les droits.
-Il faut faire en sorte que le droit international soit respecté.
-La commission européenne a annoncé aujourd’hui qu’elle instaurait un étiquetage des produits provenant des colonies. Mais BDS a demandé que ces produits soient proscrits de l’Union européenne parce qu’ils ne respectent pas le droit international. Israël craint BDS. Il a un ministre spécial BDS. Il surveille Facebook. Il va dans les campus aux USA où BDS est développé.
-Le Hamas est un parti politique ordinaire. Il y a des gens ouverts et des intégristes. Les gazaouis ont avec lui les mêmes relations que nous avec nos partis.
Il n’y a pas d’attentats en dehors de la Palestine.
Notes :
[1] Adhérente de Partenia IdF [2] http://www.semaineseric.eu [3] Associations citées :– AMANI : http://www.assoamani.com
– Association des amis de Sabeel-France : http://amisdesabeelfrance.blogspot.fr
– Chrétiens de la Méditerranée : http://www.chretiensdelamediterranee.com
– GAIC : Groupe d’amitié islamo-chrétienne : http://www.legaic.org
– Plateforme des ONG françaises pour la Palestine : http://www.plateforme-palestine.org/index.ph
– UJFP : Union Juive Française pour la Paix : http://www.ujfp.org