Présentation de « L’Évangile sur les parvis » à Marseille
Église Saint-Ferréol, jeudi 10 décembre 2015
Photo par Jean-Marie Guion
À Marseille, les forces vives de la Fédération Réseaux du parvis sont peu nombreuses et nous avions cherché des alliés qui pourraient démultiplier nos efforts et donc l’impact de cette manifestation de promotion du livre.
Nous nous étions assuré de la présence de deux des auteurs : Lucienne Gouguenheim et Didier Vanhoutte.
L’équipe fut formée sans ambages:
– un journaliste émérite, Jacques Bonnadier, initié aux particularismes marseillais et sympathisant de longue date à notre mouvance et à nos orientations sociétales sans pour autant en connaître tous les développements.
– Jacques Gaillot, évêque de Parténia et ami du journaliste sus-nommé.
– le Recteur de l’église Saint Ferréol, Hervé Giraud, qui n’eût pas un instant d’hésitation à envisager de recevoir dans son église les marginaux que nous sommes. Il exprima même la cohérence qu’il y voyait à nous recevoir dans son cercle de réflexion, « Les Dialogues de Saint-Fé ». Qu’il trouve, à nouveau, ici, toute notre reconnaissance.
– Rémi Caucanas, Président de l’Institut Catholique de la Méditerranée et partenaire des « Dialogues de Saint-Fé ».
– La Librairie Saint-Paul et les religieuses, accueillantes et volontaires enthousiastes.
– Quatre représentants locaux respectivement d’Évreux 13, Danielle Brocvielle, Bernadette et Jean-François Tronchon, et de NSAE, Michel Dallaporta.
Quelques courtes réunions permirent de mettre au point le tract, le déroulement de la soirée, la prise en charge des dépenses et de se motiver pour diffuser l’annonce jusque dans le bulletin diocésain…
Nous n’avons eu aucune entrave de la part du diocèse, mais nous regrettons qu’aucun représentant de l’archevêque ne soit venu, le 10 décembre, dire quelques mots de bienvenue à Jacques Gaillot.
La rencontre fut précédée de la messe habituelle de 18h. à Saint-Ferréol. Chacun des précités y participèrent et en fin de célébration, l’assemblée était constituée d’environ cent vingt personnes.
- Jacques Bonnadier présenta :
Bonsoir, bonsoir à tous !
« Il faut dire tout ce que, dans le Seigneur, on se sent de devoir dire : sans craindre le jugement humain, sans lâcheté. Et, dans le même temps, il faut écouter avec humilité et accueillir le cœur ouvert ce que disent les frères ».
Ce n’est pas moi qui parle. C’est le pape François. Tel est, en effet, le conseil qu’il donna en octobre 2014 en ouvrant le premier Synode sur la famille. Et je crois que nous pouvons le faire nôtre, ce conseil, en ouvrant notre rencontre de ce soir.
« L’Évangile sur les parvis ». Un livre important, qui aborde tous les grands enjeux de notre temps et permet de les mieux appréhender; et qui demeure passionnant de bout en bout par la variété des sujets qu’il embrasse et par la diversité des auteurs qui en traitent.
Autrement dit, ce n’est pas un livre « mastoc », « un « estouffe-chrétien », c’est un livre nourrissant et en même temps d’une lecture aisée pourvu que son lecteur ne soit pas étranger à la vie du monde et à la vie du christianisme dans ce monde.
- Questions
Qu’est-ce que les « Réseaux du Parvis » ? Qui en est à l’origine ? Quand sont-ils nés ? Quels types d’associations fédèrent-ils ?
Ils éditent une revue. Dans quel objectif ? Et quelle est sa ligne éditoriale ? En venant au livre lui-même : Pourquoi ce titre : « L’Évangile sur les parvis » ?
Les réponses soulignèrent le faisceau d’événements, d’engagements antérieurs à la constitution de la Fédération, tel l’appel de Montpellier en 1985, et la diversité des associations dont certaines existaient de longue date et d’autres furent créées au moment de la destitution de l’évêque d’Évreux, Jacques Gaillot. En soulignant que le cœur de la référence à celui-ci est le partage des analyses, des engagements concernant le refus de l’exclusion – se souvenir de notre commune contestation, en 1997, de la loi Pasqua sur les immigrés – : nous lui devons un envoi et un long compagnonnage.
S’il fallait retenir une phrase de la ligne éditoriale : « La revue devra œuvrer à la prise de conscience que la justice et la fraternité proposées par l’Évangile ne seront promues que grâce à un combat pour tous les êtres humains, genres, orientations sexuelles, ethnies, cultures et classes sociales confondues, dans et à l’extérieur des Églises. »
Question à Jacques Gaillot : quel effet cela vous fait-il d’être à l’origine de ce mouvement ?
Je ne me sens à l’origine de rien. Cela fait partie de ce qu’on sème et qui nous échappe. Jésus est ainsi dans l’Évangile. Peut-être y aura-t-il ce soir quelques graines de paix et de justice. Je n’ai pas à le savoir, mais je rends grâce à Dieu tout de même.
- Puis Jacques Gaillot relata sa rencontre avec le Pape François et réjouit une assemblée tout acquise à ses causes.
Court extrait des échanges avec le pape, sur la famille :
J’ai béni un couple de divorcés qui se remariaient et qui me l’ont demandé, c’était vrai, ça donnait du sens, alors je l’ai fait. J’ai béni aussi un couple d’homosexuels, chrétiens pratiquants, qui m’avait écrit une belle lettre et j’ai accepté. Devant leurs amis réunis – plus de 80 personnes – ils ont tenu à expliquer pourquoi ils voulaient cette bénédiction. Et ils ont ajouté « on espère que vous n’aurez pas d’ennuis…». Le pape a commenté : « vous savez, la bénédiction, c’est dire la bonté de Dieu, à tout le monde sans exception ». Et j’en ai rajouté : « on bénit bien des maisons… ».
- Vatican II et « Concile 50 »
Partons, si vous le voulez bien de l’actualité immédiate : celle du 50e anniversaire de la clôture de Vatican II. Comment vous situez-vous par rapport à Vatican II ?
– Lucienne Gouguenheim : Vatican II, nous l’avons vécu et nous avons un rapport très fort à lui. Nous étions déjà en marche, il a eu une grande importance et fut un moment dans notre histoire. Et la marche continue… Nous disons dans le livre que nous sommes « la génération des témoins de Vatican II ».
– Didier Vanhoutte témoigne de l’immense espérance suscitée, suivie de déceptions, dont l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI, pour conclure : « le chemin n’est pas terminé : il appartient au peuple chrétien, défini comme tel, de le poursuivre ».
– Jacques Gaillot : Pour le jeune prêtre que j’étais, le concile a été un chemin, un commencement. On bénéficiait en particulier de la Constitution de l’Église de ce temps qui résonnait en moi : « les joies et les espoirs, les angoisses et les tristesses des hommes de ce temps sont aussi les joies et les espoirs, les angoisses et les tristesses de l’Église ». Je portais cela partout sur les chemins du monde. Le Concile a été aussi porteur d’un appel pour les pauvres, à vivre pauvrement et à être avec eux.
– Rémi Caucanas : Les messages du concile ne sont souvent pas bien compris par les jeunes qui les entendent transformés en slogans. Pour moi, le concile a transformé le regard de l’Église sur les autres religions : officialisation du dialogue interreligieux, rencontres d’Assise, relations avec les juifs (et je rejoins sur ce sujet ce qui traite dans le livre de la terre d’Israël, où nous sommes pris au piège entre le soutien au peuple juif et le soutien au peuple qui n’a pas de terre)… Vatican II remet l’Évangile dans le monde : nous sommes porteurs de sa lumière. Je retiens de la ligne éditoriale de la revue que « sa référence doit être le message de Jésus le Nazaréen ».
– Hervé Giraud : On ne nait pas chrétien on le devient, aidés par le travail des théologiens, des chercheurs, des interrogateurs. Que l’Évangile soit dans le monde, et aussi dans les Églises. Soyons dans la pluralité et dans le dialogue.
Le pape François a défini Vatican II comme une porte ouverte sur le monde et comme la reprise d’un parcours pour aller à la rencontre de tout homme, là où il vit.
- Venons-en à l’événement « Concile 50 » et au rassemblement, qui s’est tenu du 20 au 22 novembre 2015 à Rome, d’où est issue une « déclaration » remise au pape François.
– Didier Vanhoutte : Quand les divers mouvements internationaux auxquels nous appartenons ont décidé de créer un événement, nous nous y sommes associés. Et ce livre est l’une des contributions françaises. À partir de la revue qui a vu des actions, un chemin, on pouvait faire un bilan, mieux, un rapport d’étape, ouvert sur l’avenir.
– Introduction de la « déclaration » [1] :
Nous, disciples de Jésus, fidèles membres catholiques du Peuple de Dieu, rassemblés à Rome à l’occasion du 50eanniversaire de la clôture du Concile Vatican II,
– conscients des nombreux défis soulevés par notre monde en mutation,
– attentifs aux « signes du temps »,
– considérant la situation actuelle de notre Église et ses difficultés à relever ces défis,
– conscients que tout comportement des chrétiens et de notre Église contraire au message évangélique détourne le monde de l’Esprit de Jésus et l’empêche de reconnaître la force de l’Évangile,
– reconnaissant nos faiblesses et nos déficiences, mais confiants dans la force que nous donne la foi en Jésus, et souhaitant répondre aux appels du pape François qui renforce les processus de consultation dans notre Église,
– après avoir prié l’Esprit Saint, nous nous engageons, à la suite de Jésus et dans l’esprit du Concile Vatican II et du Pacte des catacombes,
(a) à œuvrer pour poursuivre le renouveau de notre Église afin qu’elle témoigne de l’Esprit de Jésus et de la force de l’Évangile pour répondre aux défis de notre temps,
(b) à contribuer à réorienter notre monde, notamment en donnant la parole aux pauvres et aux marginalisés, de façon qu’il devienne un monde de paix, de justice et de solidarité, respectant notre planète comme notre maison commune, et permettant à chaque personne de s’épanouir dans toutes ses dimensions et d’approfondir son humanité.
Commentaire de Lucienne Gouguenheim : Les organisateurs de Concile 50 ont mis en avant le « Pacte des catacombes ». C’est une belle histoire qui s’est prolongée dans le temps. Elle part d’une déclaration de Jean XXIII, avant l’ouverture du concile, sur la nécessité de prendre en considération les pauvres, qui doivent être au cœur de la vie de l’Église. Elle n’a cependant pas été mise au centre du concile et cela a conduit un ensemble d’évêques à se rencontrer régulièrement : ils ont finalisé leur engagement à vivre la pauvreté au sein de l’Église par ce document adopté le jour de la clôture de Vatican II. C’est un texte très inhabituel pour des évêques qui ne s’adressent pas à leurs ouailles, mais s’impliquent personnellement : «nous nous engageons en tant que personnes à vivre la pauvreté et à intégrer la pauvreté dans nos vies». Il a été pris au sérieux en particulier par les évêques d’Amérique latine. En ont résulté les synodes de Medellin puis de Puebla qui ont conduit à des engagements concrets très forts et provoqué les violentes réactions que l’on sait, incluant nombre d’assassinats dont ceux de plusieurs jésuites et de Mgr Romero au Salvador, que l’on peut considérer comme des martyrs.
- Suivirent quelques échanges entre l’assistance et les intervenants qui furent malheureusement loin d’épuiser toutes les questions lancées par Jacques Bonnadier :
– Que retenez-vous essentiellement du livre « L’Évangile sur les parvis » ? Quelles sont les questions primordiales qui vous y interpellent ?
– Qu’est-ce qui vous interpelle dans le monde tel qu’il va ou ne va pas, dans les rapports de l’Église avec ce monde et dans la vie de l’Église elle-même telle qu’elle vous apparaît aujourd’hui ? Et parmi ces questions :
– La place de l’Évangile dans la société d’aujourd’hui.
– Les migrants, quel accueil ?
– Le dialogue interreligieux.
– La laïcité aujourd’hui.
– La guerre et la paix
– Les problèmes du climat ; la Cop 21 : comment sensibiliser les chrétiens ?
– Le synode sur la famille et l’ouverture de l’Église.
– Le rôle des femmes dans l’Église
– L’étude de l’exégèse contemporaine
… Retenons seulement ici l’éternelle question de l’absence de transmission.
– Didier Vanhoutte rappelle qu’au moment de la passion, où il disparaît de la scène, Jésus était seul. Si le grain ne meurt… Et c’est peut-être justement que quelque part dans l’humus est en train de se forger une autre jeunesse.
– Lucienne Gouguenheim constate que la jeunesse est justement active en ce moment dans l’immense et impressionnant mouvement d’accompagnement de la Cop 21, où l’on voit travailler ensemble jeunes et vieux, mouvements de toutes sortes tels le CCFD-Terre solidaire ou le Secours catholique, à référence catholique, main dans la main avec d’autres mouvements citoyens comme ATTAC. Plus question de « marquer son territoire en brandissant ses drapeaux», mais de porter ensemble l’avenir des humains sur la planète.
Le pape nous dit quelque chose de fondamental et de vraiment nouveau dans son encyclique Laudato si’, que tous peuvent entendre, et à quoi ils peuvent adhérer. Si on ne s’attaque qu’au seul problème écologique, on ne le résoudra pas, parce que nous sommes dans un monde où tout fait système, ce que nous apprend le mode de pensée « systémique ». La question de l’avenir de la planète et celle des pauvres doivent être considérées ensemble. Il dit encore que l’Église ne peut pas nous dire toute seule ce qu’il faut faire et invite seulement les chrétiens à s’inspirer de l’Évangile.
Cette analyse et cette invitation ont aussi une résonnance particulière dans la crise qui a affecté les religieuses aux États-Unis, soumises fin 2008 et début 2009 à de redoutables enquêtes du Vatican sur leur pratique de la vie religieuse et sur leur fidélité doctrinale. C’est une affaire peu connue en France, que la revue a bien suivie et dont le livre rend compte. Obéissant aux impulsions données par Vatican II, ces femmes se sont ouvertes à la vie du monde et dans le monde, se sont formées aux acquis des sciences et ont intégré en particulier l’analyse systémique dans la totalité de leur vie (de communauté, de prière, d’assistance aux plus démunis), ce qui les a conduites à réfuter les éléments des enquêtes menées sur elles, éminemment cloisonnés. Le dialogue de sourds avec leurs censeurs masculins du Vatican, investis de l’autorité à défaut de la compétence, s’est heureusement terminé par l’arrivée du pape François, particulièrement marqué par son attitude pastorale et convaincu de la pertinence de l’analyse systémique.
– Et Rémi Caucanas de conclure : l’important c’est de ne pas transformer le christianisme en identité, qui peut être meurtrière, mais de conserver le message, la joie de l’Évangile. La transmission qui peut se faire, c’est être témoin de la joie de l’Évangile.
Saint-Ferréol et les statues qui l’accompagnent entendirent ainsi des propos et des interrogations qui n’ont habituellement pas cours dans nos églises et qui se prolongèrent au cours de l’apéritif qui suivit.
Plusieurs d’entre nous avions porté des exemplaires de « Parvis », anciens ou récents. Ils furent proposés gratuitement à tous. Seule consigne : les transmettre à des proches après lecture ou les rapporter à l’accueil de Saint- Ferréol.
L’annonce de cette rencontre autour du livre avait été précédée en septembre par deux envois de la newsletter du site de NSAE à environ deux cents adresses mails du listing de Michel Dallaporta. La proposition de recevoir les newsletters suivantes reçut un accueil favorable. Avec les quelques personnes contactées le 10 décembre, nous avons maintenant une trentaine de nouveaux lecteurs que nous projetons de réunir pendant l’année 2016 sur un thème à définir. Peut-être un groupe NSAE Marseille en couveuse internet…
Compte-rendu écrit par Michel Dallaporta, avec la collaboration de Lucienne Gouguenheim, Didier Vanhoutte et Jacques Bonnadier.
Note :
[1] http://nsae.fr/2015/12/05/concile-50-vers-une-eglise-inspiree-par-levangile-pour-le-monde/
Pour plus de détails, voir :