Après les restes de la vraie croix, le sang de Jean-Paul II…
par Jacques Bonnadier
Lu dans « La Provence-Dimanche » du 15 février : « Une goutte du sang de saint Jean-Paul II a rejoint (sic) la paroisse d’Arles » [1]. « Rejoint », diable !
En tout cas, la foi est en marche. Louons le Seigneur !
Suite à cette information, mon ami helvète et parpaillot Christian Apothéloz me dit n’avoir pas résisté « au bonheur de relire le bon Calvin ».
Voici le texte qu’il ma envoyé et que je livre à votre méditation…
Portrait de Jean Kalvin, autrefois attribué à Holbein
« Au lieu de méditer la vie [des apôtres, martyrs et autres saints], pour suivre leur exemple [le monde] a mis toute son étude à contempler et tenir comme trésor leurs os, chemises, ceintures, bonnets, et semblables fatras.
Si on voulait ramasser tout ce qui s’est trouvé [de pièces de la vraie croix], il y en aurait la charge d’un bon grand bateau. Quelle audace a-ce été de remplir la terre de pièces de bois en telle quantité que trois cents hommes ne les sauraient porter !
Quel sacrilège est-ce d’abuser ainsi du nom de Jésus-Christ, pour couvrir des fables tant froidement forgées ? [On a beau faire].. tout cela ne fait rien pour approuver que Jésus-Christ ait été crucifié avec quatorze clous, ou qu’on eût employé une haie tout entière à lui faire sa couronne d’épines; ou qu’un fer-de-lance en ait enfanté, depuis, trois autres; ou que d’un suaire seul il en soit sorti une couvée, comme de poussins d’une poule.
Ils n’ont point eu honte de feindre une relique de la queue de l’âne sur lequel notre Seigneur fut porté, ils la montrent à Gènes. Mais il ne nous faut étonner non plus de leur impudence, que de la sottise et stupidité du monde, qui a reçu avec dévotion une telle moquerie. Si on leur eût montré des crottes de chèvres, et qu’on leur eût dit : voici des patenôtres (chapelets) de Notre Dame, ils les eussent adorées sans contredit.
L’abbaye de Charroux, au diocèse de Poitiers, se vante d’avoir le prépuce, c’est-à-dire la peau qui lui fut coupée à la circoncision. L’évangéliste saint Luc raconte bien que notre Seigneur Jésus a été circoncis; mais que la peau ait été gardée, pour la réserver en relique, il n’en fait point de mention. Que dirons-nous du prépuce qui se montre à Rome, à Saint-Jean de Latran ? Il est certain que jamais il n’y en a eu qu’un… un troisième prépuce de notre Seigneur, se montre à Hildesheim.
Il n’y a si petite villette ni si méchant couvent, où l’on ne montre du lait de la sainte Vierge, les uns plus, les autres moins. Tant y a que si la sainte Vierge eût été une vache, ou qu’elle eût été une nourrice toute sa vie, à grand-peine en eût-elle pu rendre telle quantité. D’autre part, je demanderais volontiers comment ce lait, qu’on montre aujourd’hui partout, s’est recueilli pour le réserver en notre temps. Il est bien dit que les bergers ont adoré Jésus-Christ, que les mages lui ont offert leurs présents; mais il n’est point dit qu’ils aient rapporté du lait pour récompense.
Les dernières reliques qui appartiennent à Jésus-Christ : un morceau du poisson rôti que lui présenta saint Pierre, quand il lui apparut sur les bords de la mer. Il faut dire qu’il a été bien épicé, ou qu’on y ait fait un merveilleux saupiquet, qu’il s’est pu garder si longtemps. Mais, sans risée, est-il à présumer que les apôtres aient fait une relique du poisson qu’ils avaient apprêté pour leur dîner?
Partout où il y a église qui porte les noms [de Saint Pierre ou Saint Paul], il y en a des reliques. Si on demande quelles, qu’on se souvienne de la cervelle de saint Pierre qui était au grand autel de cette ville [de Genève]. Tout ainsi qu’on trouva que c’était une pierre de ponce, ainsi trouverait-on beaucoup d’os de chevaux ou de chiens, qu’on attribue à ces deux apôtres.
Ainsi en est-il des reliques : tout y est si brouillé et confus, qu’on ne saurait adorer les os d’un martyr qu’on ne soit en danger d’adorer les os de quelque brigand ou larron, ou bien d’un âne, ou d’un chien, ou d’un cheval. On ne saurait adorer un anneau de Notre-Dame, ou un sien peigne, ou ceinture, qu’on ne soit en danger d’adorer les bagues de quelque paillarde (prostituée).
Le principal serait d’abolir entre nous chrétiens cette superstition païenne, de canoniser les reliques, tant de Jésus-Christ que de ses saints, pour en faire des idoles ».
Note :
[1] Lire l’article : Notre relique
Source de l’illustration :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AJohn_Calvin_by_Holbein.png
A propos du texte de Calvin sur les reliques, voici le texte d’une intervention que Jean Riedinger a faite sur RCF Nancy Lorraine et qu’il publie ici.
VENERATION DES RELIQUES
A l’occasion des célébrations organisées pour l’anniversaire de la venue de Jean Paul 2 à Nancy , à été organisée une vénération des reliques de l’ancien pape.Je me suis posé la question du sens de ce culte. En trois minutes j’aurai de la peine à proposer une réflexion sans être caricatural. Sincèrement, je ne veux choquer ni mépriser personne.
Mais je peux surprendre.Je ne suis pas intéressé par ce genre de dévotion. A une amie à qui je demandait ce qu’elle pensait de la vénération des reliques celle ci m’a répondu du tac au tac : « c’est du fétichisme ». Je crois que c’est souvent le cas et relève de cette superstition qui accorde à des objets (car les morceaux d’un corps mort sont des objets) une sorte de puissance magique. Un corps mort n’est plus une personne car la vie a abandonné ce corps qui se délite et ne laisse que quelques os.
Et pourtant je reconnais que ce peut être en l’honneur du vivant qu’il fut que l’on peut respecter voire vénérer ces restes ou des objets qui en font mémoire. « Reliques » sont aussi ces lieux que l’on dit « sacrés » qui instaurent une sorte de culte, religieux ou non, autour des restes de certains grands hommes, ou des victimes d’une guerre, d’un génocide , du colonialisme.Par exemple le tombeau de Lénine ou de Napoléon, la châsse de Thérèse de Lisieux,le soldat inconnu de l’Arc deTriomphe, les autels érigés sur les restes des martyrs dans les catacombes, Douaumont, la supposée tête de Jean Baptiste vénérée dans la mosquée de Damas ou le supposé doigt de St Nicolas, le monument aux morts des dizaines de milliers de victimes de la répression à Sétif en 1945…etc…etc
On voit que ce sont d’abord des lieux et des objets de mémoire, des signes pour ceux qui y trouvent un sens pour leur vie ou l’histoire de leur peuple.
Il fut un temps où le culte des relique était devenu si important que l’on n’a pas hésité à inventer de fausses reliques et à en faire commerce.
En se rassemblant autour des restes réels ou supposés d’une personne , ce qui peut compter c’est d ‘abord établir le lien entre ce que fut cette personne et nous mêmes , ce qu’elle nous a apporté pour le sens de notre vie personnelle et sociale.
Dans les cas où il ne s ‘agit pas pas de magie, de fétichise ou d’idolâtrie, il peut s’agir de mémoire féconde pour le présent et ouverture sur l’avenir. La personne que nous célébrons n’est plus là, et elle nous laisse nos responsabilité, car elle a inauguré un chemin mais ne l’a pas achevé.
Le tombeau vide de Jésus, quelle que soit la façon dont nous pensons sa résurrection, est une immense grâce faite à ses disciples car ils n’ont pas de reliques de Jésus .C’est une chance inouïe d’éviter les risques du fétichisme et d’entendre les appels évangéliques comme contemporains et non bloquer un culte sur des restes morts. « Laissez les morts enterrer les morts » nous dit l’évangile.
La vénération des reliques n’est pas indispensable à la Foi.Le seul mémorial que Jésus nous a laissé est le partage du pain et du vin, appel à participer à l’élaboration d’une société fraternelle.
Jean Riedinger