Abus sexuels sur mineurs : l’Église de France doit dire la vérité
Les signataires de cet appel publié dans Le Monde, le 7 avril 2016, demandent que “la pleine lumière soit faite sur la pédophilie. Même sur les actes couverts par la prescription. L’institution doit appeler les coupables à se dénoncer et les victimes à témoigner.”
“À l’heure où nous écrivons cet appel, les versions s’opposent à propos des affaires d’abus sexuels sur mineurs qui touchent le diocèse de Lyon. Nous nous garderons bien d’empiéter sur le travail d’enquête en cours. Nous disons simplement que la justice doit passer.
Mais elle ne doit pas seulement dire le vrai dans telle ou telle affaire particulière. Nous sommes persuadés que de trop nombreux cas d’abus sexuels de la part de membres de l’institution se sont produits dans notre pays depuis des dizaines d’années.
Certains sont désormais couverts par la prescription, mais ils n’en demeurent pas moins gravés dans les corps et dans les mémoires. L’Église de France s’est saisie du problème il y a une quinzaine d’années et un certain nombre de dispositions ont été prises.
Mais les événements récemment révélés montrent qu’elle a continué à sous-estimer le tort causé aux victimes et les risques futurs, en confiant de nouvelles fonctions à des prêtres agresseurs.
Nul ne doit plus se taire
Toutes les affaires, aussi pénibles et nombreuses soient-elles, doivent être portées à la connaissance de la justice, y compris celles qui sont prescrites.
La recherche de la vérité dans une collaboration sans faille avec la justice et les pouvoirs civils est indispensable aux victimes et nécessaire à l’institution ; elle est aussi salutaire pour l’ensemble des catholiques.
Parce que l’Église a une responsabilité morale que beaucoup, dans la société civile, lui reconnaissent encore, toute l’Église, prêtres et laïcs, doit se mobiliser en faveur de la vérité pour que le message évangélique puisse être entendu.
Nous appelons l’Église de France à réagir en institution responsable. Elle doit prendre l’initiative de faire éclater la vérité en appelant les coupables à se dénoncer et les victimes à témoigner.
Il lui faut également demander la contribution des communautés chrétiennes et des familles à cette recherche de la vérité. Nul ne doit plus se taire. L’Église doit aussi s’intéresser de manière convaincante aux victimes et à leurs familles, leur proposer son aide et l’assistance de tiers compétents.
Enfin, elle doit s’occuper de façon constructive des agresseurs, qui doivent trouver dans l’institution les lieux de parole et de guérison dont ils ont besoin.
Mais ce n’est pas tout. La Conférence des évêques doit s’interroger sur la qualité de sa gouvernance et engager les réformes qui restaureront sa crédibilité.”
Les signataires de cette tribune sont :
Guy Coq (philosophe, écrivain), Jean Delumeau (historien), André Gouzes (dominicain, musicien, directeur honoraire de l’abbaye de Sylvanès, dans l’Aveyron), Nicole Lemaître (historienne à l’Institut supérieur d’études œcuméniques), Alain de La Morandais (prêtre), Christian Manuel (médecin), Joseph Moingt (jésuite, théologien), Françoise Parmentier (sociologue), Christine Pedotti (écrivaine et journaliste, cofondatrice de la Conférence des baptisés), Caroline Pellissier et Virginie Aladjidi (auteures pour la jeunesse), Claude Plettner (journaliste et théologienne), René Poujol (journaliste, blogueur), Jean-Marc Salvanès (chef d’entreprise), Jean-Louis Schlegel (sociologue des religions), Anne Soupa (écrivaine, cofondatrice de la Conférence des baptisés) et François Vercelletto (journaliste).