Pentecôte, la loi de l’Alliance nouvelle, la fête de l’Esprit
Par Gui Lauraire
Pentecôte est une réalité permanente, non un événement du passé. Pentecôte est en lien intime avec la venue de l’Esprit et avec la résurrection de Jésus. Elle fait partie du mystère pascal. Le quatrième évangile le manifeste bien : la Pentecôte, c’est le soir de Pâques. « Jésus vint au milieu d’eux (…) Recevez l’Esprit ». (Jean 20, 19-22). Suivant la présentation de Luc, les événements sont étalés : Jésus passe de la mort à la vie, on le célèbre à Pâques ; Jésus passe de ce monde au Père, on le célèbre à l’Ascension ; Jésus passe de son corps personnel à son corps collectif qu’est l’Église, c’est Pentecôte.
La Pentecôte, miniature de l’Antiphonaire de Saint-Pierre de Salzbourg
Par son grand souffle, le Père réveille et relève son Fils. Le Fils entre dans la gloire du Père pour nous y précéder et nous y entraîner. Et l’Esprit donne à ceux qui croient d’être le corps du Christ dans ce monde, de témoigner de lui.
Cette fête de Pentecôte célèbre donc l’événement que rapporte le Livre des Actes. Mais nous n’avons pas accès à l’événement, nous ne savons pas ce qui s’est passé. On en parle avec des images, avec le grand discours de Pierre. Les textes nous donnent les fruits, les réflexions des premières communautés. Dans sa perspective, Luc inscrit les étapes du mystère pascal dans le cadre des fêtes juives. Pentecôte s’insère dans la Pentecôte juive en la transformant. En Israël, la Pentecôte célébrait l’Alliance du Sinaï. Elle en faisait le mémorial. L’esprit, c’est la loi de la nouvelle Alliance, comme le dit Jérémie (31, 31). Ou Ezéchiel (16 – 36) : la loi inscrite dans le cœur, non plus sur des tables.
Pentecôte, la loi de l’Alliance nouvelle
Pentecôte, c’est la loi de l’Alliance nouvelle, inscrite dans le cœur de tous ceux qui, par le baptême, sont sauvés des forces de la mort et deviennent le peuple de Dieu chargé d’inscrire dans le monde nouveau la nouveauté du Christ. C’est la fête de l’Esprit et de la venue de l’Esprit sur la première communauté qu’il libère de la peur. La peur, bibliquement, c’est l’inverse de la foi : la foi met en route, la peur paralyse, empêche d’aller de l’avant. L’opposé de la foi n’est pas l’incroyance dont on peut sortir, mais la peur qui risque de nous paralyser définitivement. Nous voyons bien aujourd’hui cet effet dans la recherche de sécurité.
Ils étaient enfermés, réunis dans un même lieu par peur des juifs, ils étaient en attente, et le grand souffle ébranle les murs (c’est une image). Ils profitent de ce que la fête de Pâques a réuni beaucoup de monde pour sortir et témoigner. Réaction de la foule : ils sont ivres. Et c’est là que Pierre prend la parole en renvoyant à Jésus Christ. L’Esprit ne dit rien de lui-même (cf. l’évangile de Jean). Tout ce que Dieu avait à nous dire, il nous l’a dit en son fils Jésus Christ. L’Esprit fait retentir pour nous des mots venus d’ailleurs. Les mots de Jésus, mais tous les mots qui peuvent nous aider à grandir, d’où qu’ils viennent, des incroyants, des athées eux-mêmes. L’Esprit nous prépare à accueillir tout ce qui peut nous faire grandir, communautairement et personnellement. L’Esprit est dynamique. L’Esprit nous renvoie au Christ. Irénée dit que le Christ et l’Esprit sont les deux mains de Dieu. L’Esprit est celui qui peu à peu nous adapte à ce moment où nous saurons enfin si Dieu existe et qui il est. Le Christ dit : « Je suis la vérité et la vie ; l’Esprit vous conduira vers cette vérité tout entière. » Une vérité jaillissant en vie éternelle. L’Esprit, c’est celui qui adapte le Christ aux hommes et les hommes au Christ et à Dieu.
À Pentecôte, sous l’effet de l’Esprit, les disciples sortent pour s’aventurer au plein vent de la vie. L’Esprit fait s’écrouler tous nos enfermements pour nous lancer sur le chemin du monde.
Pentecôte élargit l’impact de la Résurrection, elle en est le déploiement
Pentecôte fait que la rencontre avec le Ressuscité n’est plus réservée aux seuls témoins. C’est l’ouverture à tous les peuples, à toutes les cultures. Un rapport est établi entre les témoins et tous les peuples, et ce rapport ne doit plus cesser.
Le récit utilise des images : le mouvement vertical de la venue de l’Esprit et le mouvement horizontal des peuples qui se rassemblent. Chacun entend dans sa propre langue : la langue est l’expression d’une culture (en langue occitane on a une expression qui se traduit par « celui qui connaît la langue a la clé de la culture »).
L’Église de Jésus Christ n’existe que par la présence et l’action de ce grand souffle de liberté, d’éclatement, d’envoi qu’est l’Esprit. Le livre des Actes reconnaît dans l’événement de Pentecôte la vraie naissance de l’Église. Pour moi, il est bien clair que Jésus n’a pas fondé l’Église ; il n’y a jamais pensé. Pour Saint Paul, il en est le fondement, pas le fondateur. Et c’est l’Esprit qui fonde en permanence une Église toujours nouvelle. C’est dans cette perspective qu’on retrouve le thème de la Pentecôte. Jésus Christ, tel que nous le trouvons dans les écrits qui témoignent de lui, est impensable sans l’œuvre de l’Esprit.
L’Église : Pentecôte continuée
Il en est de même pour l’Église. Elle est une organisation comme d’autres, plus lourde que d’autres. Mais elle est aussi, comme la présente la théologie orientale, « Pentecôte continuée ». Le temps de l’Église est le temps de l’Esprit, c’est-à-dire l’ouverture vers toutes les cultures et vers tous les peuples. C’est « Pentecôte déployée en transfiguration de toute la vie. »
L’Église : unité en Christ et diversité dans l’Esprit, dans le respect des charismes divers ; diversité dans le respect des cultures. C’est pourquoi l’idée d’un catéchisme universel est une aberration.
Je cite une intervention lors de la première assemblée du Conseil international des Missions qui s’est tenue en 1910 à Édimbourg. « Vous nous avez envoyé des missionnaires qui nous ont fait connaître Jésus Christ et nous vous en remercions. Mais vous nous avez aussi apporté vos distinctions et vos divisions. Les uns nous prêchent le méthodisme, d’autres le luthérianisme, le congrégationisme ou l’épiscopalisme. Nous vous demandons de nous prêcher l’Évangile et de laisser Jésus-Christ susciter lui-même au sein de nos peuples, par l’action de l’Esprit, l’Église conforme à ses exigences, conforme aussi au génie de notre race qui sera l’Église du Christ au Japon, l’Église du Christ en Chine, l’Église du Christ en Inde, délivrée de tous les ‘ismes ‘ dont vous affectez la prédication de l’Évangile. Au fond, donnez-nous Jésus Christ et laissez-nous trouver les moyens de l’exprimer à notre manière ».
Pentecôte nous dit que l’Église est née universelle. L’Esprit l’ouvre au monde entier. Symboliquement dans le récit, c’est le monde entier qui est concerné par la liste des nations donnée en Actes 2, 5-12. Parler d’autres langues, c’est s’ouvrir à la culture des autres, présente dans la langue qui la véhicule.
A l’assemblée de Puebla, les évêques latino-américains avaient dit : « Il est bon d’évangéliser les nouvelles formes culturelles en leur naissance même et pas seulement quand elles se sont stabilisées. C’est l’actuel défi global qu’affronte l’Église, car on peut parler avec raison d’une nouvelle époque de l’histoire humaine. Pour développer son action évangélisatrice avec réalisme, l’Église doit connaître la culture, et cela part avant tout d’une profonde attitude d’amour pour les peuples. »
Connaître dans une attitude d’amour, c’est ce que ne cesse de répéter François, profondément marqué par ce qu’il a vécu en Argentine, où l’épiscopat et Jean-Paul II ont trahi le peuple.
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