L’Esprit est au travail parmi les laïcs, il n’est pas la propriété de la hiérarchie
Par Joshua J. McElwee (The National Catholic Reporter)
Le pape François a de nouveau fortement dénoncé la culture du cléricalisme chez les prêtres dans l’Église catholique, la qualifiant « d’une des plus grandes déformations » que doit confronter la communauté mondiale de la foi et qui contribue à “diminuer et sous-estimer” les contributions qu’apportent les laïcs.
Le souverain pontife a également réaffirmé avec force le droit des laïcs à prendre les décisions concernant leur vie, et que les prêtres doivent avoir confiance que le Saint-Esprit travaille en eux et que l’Esprit « n’est pas seulement la ‘propriété’ de la hiérarchie ecclésiale.”
Dans une lettre au cardinal Marc Ouellet, président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine, écrite le 19 mars et rendue publique le 26 avril, François dit qu’il veut s’adresser aux membres de la commission sur la façon de mieux servir ce qu’il appelle « le peuple saint des fidèles de Dieu ».
“Évoquer le peuple saint des fidèles de Dieu c’est évoquer cet horizon que nous sommes invités à regarder et sur lequel nous sommes appelés à réfléchir », affirme le pape. « Le peuple saint des fidèles de Dieu est l’objet vers lequel nous, pasteurs, sommes continuellement invités à nous tourner, que nous sommes censés assister, protéger, soutenir et servir.”
“Un père ne peut pas s’imaginer lui-même sans ses enfants», poursuit-il. “Il peut être un grand travailleur, professionnel, conjoint, ami, mais ce qui en fait un père a un visage : ce sont ses enfants.”
“C’est la même chose pour nous”, déclare François. « Nous sommes des pasteurs. Un pasteur est inconcevable sans le troupeau qu’il est appelé à servir. Le pasteur est le pasteur d’un peuple, et il en sert les membres.”
Le pontife réfléchit ensuite au rôle du baptême.
“Regarder vers le Peuple de Dieu c’est se rappeler que nous avons tous fait notre entrée dans l’Église comme laïcs,” déclare Francis. “Le premier sacrement… est le baptême.”
“La consécration première et fondamentale plonge ses racines dans notre baptême ». “Personne n’est baptisé prêtre ou évêque. Nous sommes baptisés en tant que laïcs et le baptême est le signe indélébile que personne ne pourra jamais effacer.”
« Il est bon de se rappeler que l’Église n’est pas une élite de prêtres, de personnes consacrées, ou d’évêques – mais que le peuple saint des fidèles de Dieu est formé de tous », déclare François.
Le pontife dit alors qu’il ne peut pas réfléchir sur le rôle des laïcs dans l’église ” en ignorant une des plus grandes déformations à laquelle l’Amérique latine doit faire face, et à laquelle je vous demande de porter une attention particulière : le cléricalisme.”
« Non seulement cette attitude annule la personnalité des chrétiens, mais elle tend à diminuer et sous-estimer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée au cœur de notre peuple”, déclare Francis.
“Le cléricalisme entraîne une homogénéisation du laïc, à mettre des limites « obligatoires » à ses diverses initiatives et ses efforts, et j’ose dire, à l’audace nécessaire pour apporter la Bonne Nouvelle de l’Évangile dans tous les domaines de la vie sociale et surtout politique, “poursuit-il.
“Le cléricalisme, loin de donner l’impulsion aux diverses contributions et propositions, éteint, peu à peu, le feu prophétique dont toute l’Église est appelée à témoigner au sein du peuple ». “Le cléricalisme oublie que la visibilité et la nature sacramentelle de l’Église appartiennent à l’ensemble du peuple de Dieu et pas seulement à un petit nombre d’élus ou de personnes éclairées.”
Le pontife cite ensuite l’exhortation apostolique du Pape Paul VI Evangelii Nuntiandi, qui a salué le rôle des laïcs dans le travail pastoral.
“Le pape Paul VI utilise une expression que je tiens pour fondamentale : la foi de notre peuple – leurs orientations, leur travail, leurs désirs, leurs aspirations, quand ils sont écoutés et dirigés, finissent par manifester une présence réelle de l’Esprit », déclare Francis.
«Nous avons confiance en notre peuple, dans leur mémoire et dans leur « flair », nous avons confiance que le Saint-Esprit travaille en eux et avec eux, et que cet Esprit n’est pas seulement la « propriété » de la hiérarchie ecclésiale».
“Que signifie pour nous, pasteurs, le fait que les laïcs travaillent dans la vie publique?” demande François. “Cela signifie trouver le moyen de les encourager, de les accompagner et de stimuler toutes les tentatives et les efforts qu’ils font déjà pour maintenir vivantes l’espérance et la foi dans un monde plein de contradictions, en particulier pour les plus pauvres.”
« Ce n’est pas le pasteur qui doit dire aux laïcs ce qu’ils doivent faire et dire, il ou elle en sait plus et mieux que nous», dit le pape. “Ce n’est pas au pasteur de décider ce que les fidèles doivent dire dans leurs divers contextes.”
François dit aussi que souvent les prêtres “tombent dans la tentation de penser que le laïc engagé est celui ou celle qui travaille pour l’Église et/ou dans les affaires de la paroisse ou du diocèse, et nous avons peu réfléchi sur la façon d’accompagner une personne baptisée dans la vie publique et quotidienne. “
“Sans le savoir, nous avons créé une élite laïque en pensant que seuls ceux qui travaillent dans les affaires des prêtres sont des laïcs engagés, et nous avons oublié, négligé le croyant dont les espoirs sont souvent consumés dans le combat quotidien pour vivre la foi », déclare le pontife.
« Ce sont des situations que le cléricalisme ne peut pas voir, car il est plus soucieux de dominer les espaces que de créer des processus », poursuit-il. “Nous devons donc reconnaître les laïcs pour leur réalité, pour leur identité.”
“Il est illogique, voire impossible, de penser que nous, en tant que pasteurs, devrions avoir le monopole des solutions aux nombreux défis que présente la vie moderne », déclare François. « Au contraire, nous devons rester aux côtés de notre peuple, en accompagnant les personnes dans leur travail et stimulant cette imagination capable de répondre aux problèmes actuels.”
«Notre rôle, notre joie, la joie du pasteur, est vraiment dans l’aide et la stimulation », poursuit-il. “Les laïcs font partie peuple saint des fidèles de Dieu et sont donc les protagonistes de l’Église et du monde, nous sommes appelés à les servir, non à être servis par eux.”
La commission pontificale pour l’Amérique latine dépend de la Congrégation pour les évêques, dont Ouellet est aussi le préfet.
Source : http://ncronline.org/news/vatican/francis-spirit-works-laypeople-not-property-hierarchy
Traduction française par Lucienne Gouguenheim
Source de la photo du Cardinal Ouellet : https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AMarc_Ouellet_2012.jpg