L’Église et les droits des homosexuels
I – Les chrétiens doivent présenter des excuses aux personnes homosexuelles pour les avoir marginalisées
Par Joshua J. McElwee (National Catholic Reporter)
Dans une conférence de presse lors du vol de retour à Rome après son voyage en Arménie, le pape François a dit sans ambages : « L’Église doit dire qu’elle demande pardon de ne pas s’être souvent, très souvent, bien comportée.”
« Je crois que l’Église ne doit pas seulement dire qu’elle demande pardon… à cette personne qui est gay et qu’elle a offensée”, a déclaré le pape. “Mais il lui faut dire aussi qu’elle demande pardon aux pauvres, aux femmes maltraitées, aux enfants contraints de travailler.”
« Quand je dis l’Église : les chrétiens”, a précisé François. “L’Église est sainte. Nous sommes les pécheurs.”
Le pape répondait à une question à propos de remarques faites la semaine dernière par le Cardinal allemand Reinhard Marx selon qui l’Église catholique devrait présenter des excuses à la communauté gay pour les avoir marginalisés.
« Je vais répéter la même chose que j’ai dite lors du premier voyage », a déclaré François aujourd’hui, faisant référence à la conférence de presse qu’il a tenue lors de son vol de retour de Rio de Janeiro, au Brésil, en 2013. “Je vais aussi répéter ce que dit le catéchisme de l’Église catholique : que [les homosexuels] ne doivent pas être victimes de discrimination, qu’ils doivent être respectés, pastoralement accompagnés”.
“Il s’agit d’une personne qui est dans cette condition [et] qui a une bonne volonté parce qu’elle cherche Dieu”, a déclaré le souverain pontife.
“Qui sommes-nous pour les juger ?” a-t-il demandé, reformulant au pluriel sa phrase célèbre de 2013. “Nous devons bien accompagner – c’est ce que dit le catéchisme. Le catéchisme est clair.”
François a également déclaré que la culture dans laquelle il a grandi en Argentine il y a plusieurs années était une «culture catholique fermée», donnant comme exemple la façon dont il méprisait l’idée même d’entrer dans la maison d’un couple qui avait été marié civilement après que l’un des partenaires ait divorcé.
« La culture a changé – Dieu merci !” s’est exclamé le pape. «Nous, les chrétiens, nous devons dire plusieurs fois que nous demandons pardon, et pas seulement sur ce point.”
“Ceci est la vie de l’Église», a déclaré le souverain pontife. “Nous sommes tous des saints parce que nous avons tous le Saint-Esprit en nous. Mais nous sommes aussi tous des pécheurs.”
Traduction par Lucienne Gouguenheim
II- Commentaire du cardinal Reinhard Marx
Extraits d’un article de Sarah Mac Donald (National Catholic Reporter):
Le cardinal allemand Reinhard Marx, a commenté cette déclaration lors d’une conférence de presse donnée le 28 juin 2016 à Dublin, où il venait d’intervenir lors de la conférence intitulée «Le rôle de l’Église dans une société pluraliste : Bon débarras ou bonne influence ?”, organisée par l’Institut Loyola à Trinity College.
Marx, qui est président de la conférence des évêques allemands et l’un des neuf cardinaux du conseil consultatif du pape, a appelé non seulement l’Église, mais la société dans son ensemble, qui, a-t-il dit, a été impliquée dans ce « terrible scandale », à présenter des excuses aux gays et aux lesbiennes.
« L’histoire des homosexuels dans notre société est une très vilaine histoire parce que nous avons fait beaucoup pour les marginaliser. Ce n’est pas si vieux, et nous avons donc, en tant qu’Église et en tant que société à demander pardon.”
Le cardinal-archevêque de Munich et Freising, âgé de 62 ans, a réitéré son point de vue, exprimé au premier Synode des évêques sur la famille en 2014, à savoir que : “Vous ne pouvez pas dire que la relation sur la durée entre un homme et un homme, qui sont fidèles, ce n’est rien. Qu’elle n’a pas de valeur”. Il a admis que ses vues avaient choqué une partie au synode.
Se référant à l’adoption d’une loi en Allemagne qui reconnaît des partenariats civils, il a exhorté l’église à “ne pas s’y opposer”.
Il a dit que l’État devait prendre des dispositions pour les homosexuels afin que leurs droits soient reconnus comme égaux, mais il a également suggéré que le mariage est quelque chose de différent. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de mouvement en Allemagne pour permettre à des partenaires homosexuels de se marier.
“Jusqu’ici, nous avons cette différence – certains sont contre, certains sont pour. La discussion est ouverte. Nous [l’Église] avons notre position morale [sur le mariage] et elle est claire, mais l’État laïque doit réguler ces partenariats [de même sexe] et les amener à une position juste et nous en tant qu’ Église ne devons pas nous y opposer”, a-t-il dit.
Marx a souligné que tout au long de l’histoire humaine, le mariage a été compris comme «une relation entre un homme et une femme qui sont ouverts à donner la vie.” Et il a ajouté : «Et cela est une relation spéciale, je pense.”
Dans son discours, «L’Église et le défi de la liberté», Marx, qui est président de la Commission des Conférences épiscopales de la Communauté européenne, a déclaré qu’il croyait que l’Église peut être un protagoniste dans le développement des sociétés pluralistes.
Il a dit que des amis au Moyen-Orient parlent de la nécessité d’un État laïque pour une société démocratique. “L’État doit être laïque – et pas un État chrétien, mais la société n’est pas laïque – la société est chrétienne, ou religieuse, ou non-religieux, ou multireligieuse.”
Interrogé pour ses conseils sur l’orientation future de l’église irlandaise, Marx a dit que la voie à suivre est «de ne pas regarder en arrière.”
“Je pense que l’Église irlandaise – et l’Église allemande et l’Église catholique en Europe – doit regarder vers l’avenir et non vers le passé. La majorité ne l’a pas encore appris, ils regardent en arrière, pensant que la grande histoire de l’Église est derrière nous. Vous ne pouvez pas trouver d’enthousiasme dans une telle position”.
Il a mis en garde contre toute tentative de « défendre chaque mètre dans la dernière bataille” car la bataille peut «être perdue ou être une fausse bataille.”
L’image de l’Église comme un château fort, ou une citadelle, “luttant contre les ennemis tout autour, qui veulent détruire l’Église”, est une perspective que l’on rencontre parmi certains fidèles.
Une autre image consiste à penser à « l’avenir du monde et l’avenir des autres et d’être dans les communautés comme un signe d’espoir, pas de méfiance.”
Cette deuxième façon de voir est une vision du Concile Vatican II (1962-1965), qui dit: «Nous sommes un ancrage de la communauté du peuple de Dieu, où les gens se rassemblent. Nous sommes utiles pour vous et nous vous montrons une meilleure vie, quelque chose de plus large, de plus spirituel, en vous fournissant plus d’encouragements”.
Traduction par Lucienne Gouguenheim
Source de l’illustration : Botulph (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons