Un minier russe s’apprête à saccager la forêt guyanaise
Par Fabrice Nicolino (Reporterre)
Journaliste engagé pour l’écologie, Fabrice Nicolino est chroniqueur à La Croix et à Charlie Hebdo, où il a été blessé dans l’attentat du 7 janvier 2015. Il s’exprime aussi sur son blog, Planète sans visa [1], et a publié Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture [2].
APPEL À NICOLAS HULOT, ALLAIN BOUGRAIN-DUBOURG, PIERRE RABHI ET A TOUS LES AUTRES
Je souhaite être solennel. Vous lirez ci-dessous un article que j’ai publié dans Charlie-Hebdo voici quelques semaines. Il n’a rien de banal, car il touche aux profondeurs de notre destin commun. Même s’il s’agit de criminels ordinaires, ordinaires dans notre monde criminel. Un groupe minier russe, qui travaille en Afrique dans des conditions scandaleuses, veut s’en prendre au joyau écologique qu’est la forêt tropicale de la Guyane dite française.
On ne peut laisser faire. À aucun prix. Nous sommes en face d’une modeste mais réelle responsabilité historique. Car la France détient sur le continent américain une fraction de la richesse biologique mondiale. Une mine d’or industrielle là-bas serait le signal que tout, désormais, est possible. Si un pays comme le nôtre accepte de sacrifier cette merveille, quel autre se sentirait tenu de s’arrêter pour réfléchir ? La Chine ? L’Indonésie ? Le Brésil ? Le Rwanda ? La Russie de Poutine ? Voyons, un peu de dignité.
Reculer serait avouer que nous ne sommes pas de taille
Nous crevons sous le poids de discours illusoires et de déclarations qui n’engagent à rien. Du haut des tribunes frelatées, comme il est aisé de crier : « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs ! » Elle brûle, en effet, et en enfer. Elle se tord, elle hurle sa douleur chaque seconde de chaque minute, et nous faisons comme si tout devait se passer entre gens de bonne compagnie. Cela ne peut plus durer. Qu’on le veuille ou qu’on le cache, une frontière sépare ceux qui accélèrent dans la dernière ligne droite discernable, et ceux qui se jettent de désespoir sur le frein.
Le noble combat de Notre-Dame-des-Landes est essentiel pour la France, car il affirme dans la clarté qu’on ne peut plus faire comme avant. Ici, dans ce pays-ci. La grande bagarre de Guyane que j’appelle de mes vœux est d’emblée internationale, mondiale, planétaire. Elle signifie que la défense de la biodiversité — nom savant de la vie — oblige à sortir du bois et à compter ses forces. Reculer, ce serait avouer que nous ne sommes pas de taille. Reculer, ce serait accepter tout, étape après étape. Je vous suggère, amis de l’homme, des bêtes et des plantes, d’organiser un voyage de protestation en Guyane même, dès qu’il sera possible. Le crime qui se prépare, car c’en est un, mérite que nous bandions toutes nos forces, et elles sont grandes, malgré tout.
Levons-nous ensemble, car sinon, autant se taire pour l’éternité.
Lire l’article paru dans Charlie
Notes :
[1] http://fabrice-nicolino.com/ [2] https://reporterre.net/Le-cri-de-colere-de-Fabrice-Nicolino-contre-le-desastre-agricoleSource : https://reporterre.net/Soutenu-par-Macron-Attali-et-Juppe-un-minier-russe-s-apprete-a-saccager-la
Lire aussi : https://reporterre.net/La-foret-guyanaise-menacee-par-les-mines-d-or