par Régine et Guy Ringwald
Le scandale Karadima n’a pas fini de connaître des suites. Cette affaire est à l’origine d’un trouble profond dans l’Église du Chili, et au-delà dans la société chilienne. La nomination de Mgr Juan Barros, un de ses anciens « protégés », comme évêque d’Osorno a donné lieu, l’an dernier, à des réactions extrêmement vives de la part des laïcs d’Osorno qui se sont organisés pour y résister. Le refus opposé la semaine dernière par le Vatican à une demande de produire des documents concernant le procès de Karadima ne va pas dans le sens de l’apaisement.
Reprenons brièvement l’enchaînement dont NSAE s’est fait l’écho dans ces colonnes depuis les événements d’Osorno.
Fernando Karadima a été au centre d’un énorme scandale de pédophilie qui a ébranlé la société chilienne, au-delà le l’Église [1]. Or, un grand nombre des jeunes qui sont passés par son groupe sont devenus prêtres et quatre sont aujourd’hui évêques. Parmi eux, Juan Barros Madrid. Celui-ci est formellement accusé d’avoir couvert les agissements de Karadima, notamment quand il était en poste à l’archevêché de Santiago. Or il a été nommé l’an dernier au siège épiscopal d’Osorno. La réaction de résistance est telle, de la part des laïcs, qu’il n’a pu être installé que sous la protection de la police [2] Depuis, la mobilisation reste forte, la division règne au sein du diocèse.
En octobre, est sortie sur YouTube une vidéo dans laquelle le pape François, répondant à un touriste sur la Place Saint-Pierre, a pris une position abrupte, accusant les laïcs d’Osorno de se laisser mener par des gauchistes. Il ajoutait que « l’unique accusation portée contre cet évêque a été discréditée par le tribunal ».
Par ailleurs, les victimes de Karadima n’ont pu obtenir gain de cause au pénal, bien que les faits aient été établis, car ils étaient prescrits. Cependant, Karadima a fait l’objet d‘une condamnation canonique au Vatican. Les victimes ayant maintenant porté plainte au civil contre l’Archevêché de Santiago, les autorités chiliennes ont envoyé une commission rogatoire au Vatican pour obtenir les pièces du dossier. Quant aux propos du Pape, un peu rapides sur ce point, ils semblent n’être appuyés sur rien, l’évêque Barros n’ayant jamais fait l’objet d’un procès. D’où une demande des plaignants de produire les pièces de ce supposé procès.
Mais la réponse est tombée mercredi 21 septembre : le Vatican refuse de transmettre les documents. L’effet produit est désastreux. Tous les sites d’information chiliens consultés relatent la nouvelle dans des termes semblables à ceux qu’on pourra lire ci-dessous.
Ces affaires de pédophilie n’ont pas fini d’empoisonner la vie de l’Institution.
REFUS DU VATICAN : LES FAITS
(Repris de El Austral Osorno, corroboré par nombre de sites chiliens)
Le Vatican refuse de produire les éléments demandés par la justice (par le biais d’une commission rogatoire), documents qui concernent l’évêque d’Osorno, Mgr Juan Barros, à qui il serait reproché dans le cadre d’une procédure contre l’Archevêché (de Santiago) d’avoir couvert les agissements de Karadima.
C’est ce que confirme EMOL [3], et cela vise les actions présumées pour couvrir l’Église, dénoncées par James Hamilton, Juan Andrés Murillo et Juan Carlos Cruz qui furent victimes de l’ancien curé de El Bosque.
L’avocat des plaignants, Juan Pablo Hermosilla, qui a introduit la procédure, a dans ce même média, livré un commentaire selon lequel cette décision « reflète l’attitude que l’Église a toujours adoptée face à ce genre de conflits, c’est-à-dire qu’elle ne reconnaît pas sa responsabilité et fait tout son possible pour les étouffer ».
Il ajoute : « je trouve inacceptable et aberrant ce qui se passe avec cette commission rogatoire, car non seulement cela constitue un exemple de la mauvaise foi avec laquelle peut agir le Vatican, mais il s’agit aussi d’un exemple de mépris à l’égard du pouvoir judiciaire chilien ».
Les plaignants sollicitent une démarche de pardon public de la part de l’Église catholique et une indemnisation financière [4].
« C’est grave, et cela représente ce qui a toujours été la position de l’Église de continuer à couvrir ce type d’actes » précise Hermosilla.
Juan Pablo Hermosilla, avocat des victimes, lors de sa conférence de presse
Lire aussi une interview-du-pere-jesuite-fernando-montes qui revient sur le sujet.
Notes
[1] Voir NSAE 16 novembre 2015. Affaire Karadima : développements judiciaires en cours : développements judiciaires en cours [2] Voir NSAE 12 octobre 2015 : Crise autour de la nomination de l’évêque d’Osorno au Chili [3] EMOL : site chilien de nouvelles en ligne [4] De 450 millions de pesos, soit environ 600 000€ (NDT)